Royaume-Uni : UNE SPIRALE DESCENDANTE, par Duncan Sutherland

Les retombées du discours de Sajid Javid, ministre de la Santé démissionnaire, sont déjà perceptibles : on entend dire que des conservateurs de plus haut rang, dont son collègue Michael Gove, exigent de Boris Johnson qu’il parte.

« Trop, c’est trop » – Sajid Javid met ses collègues au défi de démissionner du cabinet de Boris Johnson :



Trop de députés conservateurs intègres et compétents sont maintenant en retrait et trop de députés moins compétents et moins intègres sont au gouvernement, ajoutant à la spirale descendante qui s’est amorcée avec la division du parti au sujet du Brexit. Si Johnson reste, les choses ne feront qu’empirer.En ce qui concerne ce que j’appelle « spirale descendante », permettez-moi de l’expliquer dans le contexte du scandale le plus récent, sans entrer dans tous les détails opaques de celui-ci.

Lorsque le nombre de députés que le Premier ministre peut nommer à un poste gouvernemental devient extrêmement réduit, parce que la plupart des candidats appropriés ne veulent pas servir sous ses ordres ou sont inacceptables à ses yeux pour des raisons idéologiques (le Brexit, en particulier dans la situation actuelle), il devient nécessaire et même dangereusement inévitable de nommer des personnes qui seraient normalement considérées comme inéligibles pour des raisons de talent et/ou d’intégrité.

C’est de cette manière qu’on en est arrivé à ce que tant de personnes relativement médiocres siègent aujourd’hui sur le banc du gouvernement et que des scandales d’un genre ou d’un autre concernant l’intégrité personnelle ne cessent de se produire. Après la dernière série de démissions, il se peut que le nombre de candidats éligibles soit tout simplement trop faible pour que des candidats douteux puissent être nommés. Si d’autres nominations de ce type sont effectuées, le prochain scandale ne tardera pas à se produire, suivi d’une nouvelle tentative de dissimulation.

Dans le cas de la nomination du vice-chef de cabinet à propos de laquelle le Premier ministre a été pris en flagrant délit de mensonge, il s’agit d’une personne ayant une réputation peu recommandable et qui faisait ou avait fait l’objet d’une enquête sur des allégations de faute grave à caractère potentiellement criminel. Le Premier ministre le savait, mais il était tellement désespéré de trouver quelqu’un pour occuper le poste qu’il l’a nommé quand même. Tout cela a ensuite été révélé au grand jour et le Premier ministre a, comme on pouvait s’y attendre, prétendu ne pas avoir été informé qu’il avait nommé un présumé prédateur en série à des postes de pouvoir et de responsabilité. Le scandale a été révélé et Johnson a dû admettre que les choses n’étaient pas telles qu’il les avait présentées.

Le scénario est clair : le gouvernement britannique est dysfonctionnel et le restera tant que Johnson sera à Downing Street, car c’est à cause de lui qu’il est dysfonctionnel. Il a provoqué le Brexit et s’est ainsi fait Premier ministre, bien qu’il ne convienne manifestement pas à ce poste, et a réduit le nombre de candidats ministériels compétents en écartant les anti-Brexistes et autres critiques et en promouvant et nommant des fidèles Brexistes moins compétents et moins intègres dans de nombreux cas.

Le Parti conservateur est en train de pourrir de la tête aux pieds, la gouvernance du Royaume-Uni est en déclin et les Écossais se rebellent à nouveau… Johnson voulait laisser sa marque. Il l’a fait, mais dans une telle mesure et d’une telle manière que même les Anglais ont enfin compris qu’il doit partir.

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5 réponses à “Royaume-Uni : UNE SPIRALE DESCENDANTE, par Duncan Sutherland”

  1. Avatar de sydney
    sydney

    Si les rats quittent le navire c’est que le bateau coule

    1. Avatar de Philippe Fraipont
      Philippe Fraipont

      Il faudrait d’abord se mettre d’accord sur la définition de ce qu’est un homme politique intègre et compétent. Ici, à mon sens, on est plus dans le formalisme que dans la compétence ou l’absence de celle-ci. Une chose est sûre, on a depuis longtemps oublié le sens premier du mot Polis, citée organisée. Les Grecs se fichaient comme de leur première tunique, des égarements metouyens de leur élus tant que leur cité l’était. Autres temps, autres moeurs. Hypocrisie voulait aussi dire comédie à ce temps là.

  2. Avatar de Christian Brasseur
    Christian Brasseur

    Fraîchement élu, BJ ne voulait plus entendre parler du Brexit après qu’il l’ait, enfin, obtenu. Sans mauvais jeu de mot, il lui revient donc tel un boomerang, en dépit d’un accord intervenu entre-temps avec l’Australie…

  3. Avatar de Thomas Jeanson
    Thomas Jeanson

    Franchement, la différence avec la France est elle si grande ?

    L’intrication public – privée avec les valets du capital qui vont et viennent, la notion d’intérêt général qui se perds dans l’oubli.

    La corruption, la corruption, jusqu’à la nausée.

  4. Avatar de Pierre Guillemot
    Pierre Guillemot

    « … C’est de cette manière qu’on en est arrivé à ce que tant de personnes relativement médiocres siègent aujourd’hui sur le banc du gouvernement et que des scandales d’un genre ou d’un autre concernant l’intégrité personnelle ne cessent de se produire. … »
    Après avoir lu cette phrase, j’ai eu un doute et je suis remonté pour voir si je n’étais pas la proie d’une confabulation, si cet article ne parlait pas du gouvernement de Macron 1er. Finalement, c’est bien Boris Johnson. Le gouvernement réajusté de Macron II semble s’éloigner un peu de cette description ; le gisement de compétences s’est élargi, semble-t-il. Je ne le trouve pas plus appétissant pour autant. Fin de la digression.

    Le problème de la médiocrité due à la carence de compétents a condamné le gouvernement Trump 1er autant que les désordres personnels du chef. C’est (c’était) aussi un obstacle à l’arrivée de Marine Le Pen au pouvoir, et de son père avant elle, alors que le PCF (pour les jeunes: Parti Communiste Français, il existe encore) dans sa gloire du temps où j’ai commencé à voter, avait universitaires, ingénieurs, artistes, écrivains, fiers d’en être.

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  1. Mes yeux étaient las, bien plus que là, juste après l’apostrophe : la catastrophe.

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