Remarquables. #9 Paul Jorion (III) : science appliquée, effondrement et… « prophètes » – Retranscription

Troisième et dernière partie du podcast Remarquables. #9 Paul Jorion

Première partie : ici ; deuxième partie : .

Thomas Gauthier : 

Alors, cette question, elle ouvre un nombre incalculable de perspectives. En la formulant, vous avez fait quelques allers-retours aussi avec l’histoire, y compris aussi avec votre histoire personnelle, vos intérêts précurseurs sur ces questions d’Intelligence Artificielle et d’interaction hommes – machines, hommes – robots. Le lien est tout trouvé du coup avec la deuxième partie de notre échange. Je vous propose maintenant de regarder dans le rétroviseur, de regarder l’histoire et, si vous le voulez bien, de nous rapporter dans cette histoire peut-être 2 ou 3 évènements qui, d’après vous, doivent nous servir aujourd’hui de leçon pour nous orienter dans le présent et pour bâtir l’avenir. Qu’est-ce que l’histoire peut nous amener aujourd’hui en 2022 ? 

Paul Jorion : 

Oui. Là, le premier évènement que je vais mentionner sera sans doute un peu inattendu. Celui auquel je voudrais réfléchir, il m’est venu en lisant un livre de Geoffrey Lloyd qui est un spécialiste de la culture grecque ancienne.

Geoffrey Lloyd

Et, dans ce livre, c’est un livre qui a dû paraître dans les années 70 ou 80, il disait la chose suivante : « Quelle est la différence essentielle entre la Chine ancienne et le monde antique occidental ? » mais, comme vous le savez, du point de vue de la technologie, la technologie occidentale n’a dépassé la technologie d’origine chinoise qu’aux alentours de XVIIe ou du XVIIIe siècle et si elle a pu le faire, c’est essentiellement avec des emprunts, des emprunts d’inventions qui avaient été faites en Chine comme de mettre le gouvernail d’étambot, celui qui est dans l’axe du bateau. On vous parle bien sûr de la poudre à canon mais la boussole, le papier. Marco Polo nous avait rapporté les pâtes alimentaires.

La Chine était beaucoup plus avancée mais, dit Lloyd, il s’est passé quelque chose au XVIIe ou au XVIIIe siècle qui est la conséquence du fait qu’il n’y a pas eu en Chine un personnage équivalent à Aristote, c’est-à-dire que nous avons, nous, en Occident, nous avons bénéficié de manière extraordinaire et ça, on ne s’en rend pas entièrement compte, du fait qu’au IVe siècle avant Jésus-Christ, il y a un personnage qui a fait la synthèse de tout le savoir connu et non seulement, il l’a fait mais il l’a fait d’une manière magistrale : il parle du connexionnisme ! Quand il parle du fonctionnement de l’être humain, il propose un modèle connexionniste comme celui qu’on utilise maintenant en Intelligence Artificielle. Aristote ne s’est trompé qu’à un seul endroit, c’est dans sa représentation – justement, on en parlait tout à l’heure – de la loi de l’inertie. Là, il s’est trompé et Galilée est venu avec la version correcte mais nous avons eu effectivement, entre le IVe siècle avant Jésus-Christ, la période de déclin de l’Empire romain, l’invention de l’université moderne.

Aristote

Vous le savez, dans l’université moderne inventée au XIe – XIIe siècle, il y a deux savoirs : il y a le savoir de l’Église, celui écrit dans l’Ancien et dans le Nouveau testament pour tout ce qui est de l’ordre du spirituel, du surnaturel, et pour tout le reste, c’est confié entièrement à la pensée d’Aristote qui est considéré comme ayant fait cette synthèse extraordinaire et c’est vrai que cette synthèse est absolument extraordinaire. Il utilise la même théorie de la proportion pour expliquer la justice, pour expliquer le raisonnement par le syllogisme. Il l’utilise aussi même pour produire un modèle correct – que j’ai eu la chance de ressusciter – de la formation des prix. Tout ça se trouve chez Aristote. Et au XIVe, pardon au XVe siècle, quand l’Empire romain d’Orient tombe, en 1453, nous récupérons encore des tas de manuscrits encore inconnus du monde occidental d’Aristote : On peut encore compléter le système mais c’est l’époque où vont apparaître les premiers vrais physiciens, les astronomes, les Tycho Brahe, les Kepler, les Galilée effectivement et là, la physique va démarrer comme produisant ce qui va être une science qui pourra être une science appliquée et ça, les Chinois ne l’ont pas. Ils ont entièrement procédé pour toutes leurs inventions par essais et erreurs et l’ont fait de manière magistrale mais ils n’ont pas produit ces modélisations qui reposent sur les mathématiques qui nous permettent de produire une théorie et, à partir de cette théorie, de produire quelque chose. On parle… Voilà, on a parlé tout à l’heure de risque de guerre thermonucléaire. On n’aurait pas pu inventer une arme thermonucléaire par essais et erreurs dans la logique chinoise : il a fallu produire un modèle physique extrêmement complexe et puis se dire – si on voulait réaliser une machine à partir de là – comment est-ce qu’on le ferait et on a pu le faire de cette manière-là.

C’est là que tout change, c’est-à-dire qu’en fait, Geoffrey Lloyd fait une remarque extraordinaire : c’est vrai, là où nous en sommes dépend, je dirais, au moins pour moitié, pour la manière dont ça a pu être fait, d’un seul homme, d’un seul homme dont il dit : « Il n’y a pas eu quelqu’un de cette stature-là dans le monde oriental ». Difficulté aussi puisque tout ça repose sur un modèle de la proportion qu’Aristote emprunte à son ami Eudoxe.

Eudoxe

Il n’y a pas la possibilité, dans la langue chinoise, à proprement parler, de faire des choses de l’ordre du syllogisme. La pensée est entièrement symétrique alors que chez nous, elle est partiellement asymétrique. On peut dire : le lion est un mammifère mais ça ne veut pas dire que tous les mammifères sont des lions. Il n’y a pas cette possibilité en Chine. La langue ne s’y prête pas. Il faut dire : lion, mammifère et puis manifester un certain silence ou ajouter une certaine particule pour donner l’idée que la relation va dans un sens plutôt que l’autre. L’outil n’est pas inscrit dans la langue. Les Chinois, les Japonais, les Coréens ne découvriront cette possibilité-là qu’en adoptant les langues comme les nôtres. Donc, première chose dans l’histoire, le fait qu’un seul homme, un seul homme et ses élèves – puisqu’on sait que les textes qui nous sont venus, ce sont des notes d’étudiants – un seul homme et ses élèves nous ont donné plus de la moitié de ce qui a été nécessaire pour nous pour produire la technologie que nous avons aujourd’hui. 

Thomas Gauthier : 

Alors, vous venez de le dire, Aristote et tout ce qu’il nous a légué a rendu possible la construction des civilisations qu’on connaît aujourd’hui. Aujourd’hui, pour parler de civilisation, certains, comme déjà les auteurs du rapport Meadows, envisagent son effondrement ou ses effondrements. Est-ce qu’il y a, aujourd’hui, en 2022, des écoles de pensée, des approches intellectuelles, des efforts cognitifs qui sont, selon vous, à la hauteur de ce qu’ont été ceux d’Aristote ? Est-ce qu’aujourd’hui, on a des signes avant-coureurs d’une pensée qui se hisserait à la hauteur de la pensée aristotélicienne ? 

Paul Jorion : 

Je dirais heureusement oui parce que je lis heureusement des articles tous les jours montrant que les choses sont en train de se faire. Je lisais, c’était hier, un article sur des expériences qui sont faites et qui montrent que notre représentation du photon comme étant une particule est une simplification énorme parce qu’on arrive à produire des sortes d’ondes étant à la limite de produire une masse et qui sont, en fait, je dirais, le matériau brut dont les photons sont constitués. On avance très très vite, ça, c’est formidable et on produit des ingénieurs, des scientifiques en très très grande quantité à peu près partout mais on le disait tout à l’heure, avant que… Les professeurs des lycées en Allemagne en sont encore au modèle d’Aristote sur la dynamique alors qu’ils devraient être au modèle de Galilée, quatre siècles plus tard. Nous n’avons pas le temps malheureusement pour que ces nouvelles idées diffusent suffisamment rapidement dans notre société.

Stephen Wolfram chez Lex Fridman : 

Comme par exemple, moi, je suis convaincu que Stephen Wolfram est véritablement dans la bonne direction pour reformuler entièrement la manière dont on fait la physique mais on est encore très loin d’enseigner ça dans les écoles.

Or, le temps manque. Il faut aller très très vite. Non, c’est ça qui est extraordinaire et c’est pour ça que cette idée qui paraît un peu ridicule pour certaines personnes qui m’écoutent, cette idée qu’il est essentiel, que même si nous n’arrivons pas à survivre en tant qu’espèce beaucoup plus longtemps à la surface de la Terre, que ce message ne soit pas perdu, que cette complexité comme vous le dites, que cette connaissance qui est en fait une complexité condensée sous la forme de formules symboliques mais qui sont interprétables éventuellement par des gens à qui on aurait donné le système, que ça ne soit pas perdu pour l’Univers.

L’Univers, bien entendu, contrairement à ce que disait Schelling, n’a pas une conscience de lui-même, mais je crois que c’est important pour nous de montrer que ce que nous avons fait (nous sommes des monstres en tant qu’êtres humains mais nous sommes aussi des génies) et que cela, au moins, ne soit pas entièrement perdu pour cet Univers, que ça puisse éventuellement être trouvé par d’autres.

Il y en a peut-être d’autres ailleurs qui sont déjà beaucoup plus loin que nous sur toutes ces questions, mais ça me paraît une tâche qui mérite qu’on s’y consacre et, bon, il y a un certain nombre de farfelus qui partagent mon point de vue. Je sais, c’est un point de vue qui n’est pas fort partagé.

Mais vous m’avez tendu, je dirais, vraiment, la perche pour un autre évènement qui me paraît essentiel, c’est d’empêcher l’effondrement,  c’est la chute de l’Empire romain. Pourquoi ? Parce que nous comprenons un peu, nous avons vu ce qu’a pu faire l’Empire romain. Ça a atteint une surface tout à fait considérable. On a commencé à comprendre un certain nombre de choses. On a commencé à faire des architectures qui n’étaient plus simplement, je dirais, sur la quantité de pierres mises mais on a commencé à comprendre quel était le minimum de matériaux à mettre. Il suffit de visiter le Panthéon, pas le Panthéon à Paris mais le Panthéon à Rome, pour voir qu’il y a déjà des progrès qui sont faits.

Donc c’est une culture qui a produit énormément de choses, moins de philosophes que les Grecs, mais toute cette structure s’est effondrée finalement sur un nombre relativement court d’années. Et là, ça nous ramène à notre problème actuel et vous avez pratiquement, je dirais, déjà dit ce que je vais dire maintenant mais quand Joseph Tainter s’intéresse, je crois que c’est à la fin des années 80 – début des années 90, s’intéresse à la chute de l’Empire maya, il nous donne…

Joseph Tainter on The Dynamics of the Collapse of Human Civilization :

Voilà, ça n’a pas été écrit pour qu’on y réfléchisse aujourd’hui mais aujourd’hui, on peut y réfléchir. Que se passe-t-il dans ce monde d’écroulement du système maya et qui s’applique aussi, on le comprend rapidement, également au système romain de manière assez simple ? Dans nos sociétés qui sont inégalitaires, quand ça commence à aller très mal, ce sont les plus pauvres qui paient les pots cassés en premier. Ils sont au premier rang pour voir les conséquences. Ils deviennent des « migrants ». Ils sont sur les routes. Ils doivent se presser à la frontière d’un autre pays pour essayer de continuer à survivre avec leur famille, avec leurs bagages et tout ça. Ce sont eux qui paient les pots cassés en premier. Les élites sont beaucoup mieux protégées si bien que, quand un système s’effondre, les élites peuvent, pendant encore des années, ne pas véritablement s’en rendre compte, se dire : « Ce sont les pauvres, ce sont les pauvres parce qu’ils ne sont pas très très malins, parce qu’ils ne savent pas qu’il suffit de traverser la rue pour trouver un bon emploi (c’est une question un peu de quotient intellectuel) ! ».

Alors qu’on ne voit pas que c’est le système lui-même qui est en train de s’écrouler. Si bien qu’au moment où ces élites financières, économiques et autres commencent à ressentir les difficultés qui y sont liées, il peut être beaucoup trop tard parce qu’elles ont été protégées par l’organisation sociale même contre la vision de sces conséquences.

Regardez ce qu’on écrit dans les journaux australiens, aux prévisions météo comme ça a été le cas il y a deux ans. Aux prévisions météo, on vous montre la carte de l’Australie et on n’a plus assez de nuances de rouge pour mettre sur la carte.

Météo Australie

Ça veut dire qu’il y a quelque chose qui est en train de disparaître. On voit des cartes du même ordre ces jours-ci en Inde et au Pakistan mais, voilà, c’est… en Inde et au Pakistan ! On en entend parler un peu plus quand c’est l’Australie parce que ce sont des gens plus riches.

Moi, j’ai visité… j’ai habité la Californie pendant 12 ans. Je visitais des endroits où je demandais aux gens : « Est-ce qu’il n’y a pas de problèmes ici ? ». Ils disaient : « On aimerait bien que ça s’arrête de pleuvoir de temps en temps ».

Désertification de la Californie

Ces endroits-là, maintenant, il y a un an, il y a deux ans, ont été complètement dévastés par des incendies parce qu’il n’y pleut plus. Parce qu’il y a 18 mois qu’il n’a pas plu en Californie, qu’on interdit aux gens d’arroser leur pelouse : on leur avait permis de le faire encore une fois par mois, ça va être terminé. La rivière Colorado qui alimentait le Nevada, l’Arizona, peut-être encore le Nouveau-Mexique et la Californie, il n’y a plus d’eau, il n’y a plus d’eau dedans, il n’y a plus d’eau [P.J. j’ai encore oublié le Colorado, l’Utah et le Wyoming].

Ce monde de la côte Ouest des Etats-Unis est en train de se désertifier à toute allure et on dit… il y a encore des gens qui vous disent, j’ai vu ça dans une discussion l’autre jour : « Oui mais enfin, vous savez bien monsieur quand même que ces évènements sont des évènements cinquantenaires, que ça n’arrive qu’une fois tous les 50 ans ». Ça n’arrivait qu’une fois tous les 50 ans entre 1700 et 1900 mais ça ne veut pas dire que ça va encore se produire une seule fois sur 50 ans maintenant. Au contraire, ça va peut-être se produire l’année prochaine à nouveau et on va dire : « Tiens, c’est bizarre, c’est portant un évènement cinquantenaire ! ». Mais non, cinquantenaire, c’est un chiffre qui est calculé sur ce qui se passe effectivement et, de ce point de vue-là, on est allés, on va pas très très vite. On a vu ces inondations catastrophiques en Allemagne, en Belgique, et voilà, dans une discussion dans une compagnie d’assurances, il y a ce monsieur grand spécialiste des assurances qui me dit : « Oui, mais ça, ce sont des évènements cinquantenaires », comme si rien n’était en train de se passer !

Thomas Gauthier : 

Vous avez ramené des évènements et des repères historiques qui nous viennent du temps long en commençant par Aristote, en parlant ensuite à travers Joseph Tainter de la civilisation Maya. Il me semble, pour compléter ce que vous avez dit, qu’il nous est extrêmement difficile en tant qu’espèce de saisir que l’on est peut-être, je dirais même vraisemblablement ou très probablement rentrés dans ce que l’on peut appeler une parenthèse, une parenthèse énergétique il y a deux siècles. Or, nous sommes biologiquement les produits de plusieurs milliers d’années d’évolution. La question que je me pose, du coup je vous la pose, elle n’était pas au menu : Quelles pistes intellectuelle, spirituelle, institutionnelle et peut-être d’autres ordres pour nous accélérer dans une révolution anthropologique qui paraît juste essentielle ? S’il n’y a pas de révolution anthropologique, si on n’arrive pas à se situer nous-mêmes dans une parenthèse fossile qui s’est ouverte il y a deux siècles et qui va physiquement s’interrompre, il n’y aura pas d’avenir à long terme pour l’espèce. Vous parliez de 2100 tout à l’heure. Comment est-ce que l’on construit, comment est-ce que l’on accélère, comment est-ce que l’on milite, comment est-ce que l’on agit pour produire une révolution anthropologique ? 

Paul Jorion : 

Il y a un obstacle majeur et là, je vais parler simplement, je dirais, un peu du parcours : de mon parcours personnel. C’est la chose suivante : c’est que je fais des analyses comme je l’ai fait depuis très longtemps mais quand c’était avant le monde de l’Internet, il était beaucoup plus difficile de diffuser les idées. Alors, qu’est-ce qu’il se passe ? Vous annoncez des choses et pendant toute la période où vous annoncez une catastrophe, on vous appelle « alarmiste ». On ne veut pas vous parler : on vous retire l’accès à diffuser vos idées en disant : « C’est un type catastrophiste, alarmiste, etc. » La prévision que vous avez faite se réalise alors et il vient une période pendant laquelle on vous nomme chroniqueur au Monde, on publie vos livres, etc., etc. et on dit : « C’est formidable ! C’est le type qui avait prévu cette chose absolument imprévisible. C’était quand même formidable ! ». On vous donne la parole.

Prophète :

Quand vous commencez à annoncer la catastrophe suivante, vous êtes de nouveau un « alarmiste », vous êtes de nouveau un « catastrophiste » et on vous retire la parole qu’on vous avait donnée. C’est-à-dire qu’au moment où il faudrait vous écouter, on s’arrange pour ne pas vous écouter, mais on vous écoute quand la catastrophe a eu lieu et on dit : « C’est formidable ! ». Les mêmes personnes qui vous empêchaient de parler à une époque vous disent : « C’est formidable. Comment se fait-il qu’on ne vous ai pas écouté ? ». « Mais monsieur, parce que vous m’avez retiré ma chronique dans votre journal ! C’est pour ça qu’on ne m’a pas écouté ». « Ah oui, oui, c’est vrai, vous avez raison ! ».

C’est le paradoxe. C’est ce fameux tableau du XIXème siècle qui est… e crois que je l’ai vu il n’y a pas tellement longtemps au musée d’Orsay : le porteur de mauvaises nouvelles. Le pharaon est là, allongé sur sa couche, et le porteur de mauvaises nouvelles, il est là, avec sa tête dans une flaque de sang.

Les porteurs de mauvaises nouvelles

C’est une image malheureusement de la manière dont fonctionnent nos sociétés : on n’aime pas les porteurs de mauvaises nouvelles.

Quand on dit que les choses sont plus compliquées que ce qu’on imagine, on vous dit : « Regardez… ». J’admire M. Meadows qu’il ne soit pas encore plus amer qu’il ne l’est maintenant quand on lui demande : « Qu’est-ce qu’il faut faire maintenant ? ».

Interview de Dennis Meadows

Il dit : « Il aurait fallu m’écouter il y a 50 ans ) ». Il n’y a pas d’alternative à ça. Malheureusement, nos sociétés ne sont pas faites pour ça. On pourrait dire, d’une certaine manière, c’est écrit dans l’espèce. Si nous étions… il y a des penseurs isolés comme Jean-Jacques Rousseau : pourquoi ne tirons-nous pas toutes les conséquences du fait que dès que nous apprenons que nous allons mourir un jour, pourquoi est-ce qu’on n’en tire pas toutes les conséquences ? Eh bien non, l’espèce humaine vit quand même en sachant qu’on va mourir un jour, que tout ça se termine. Pourquoi ? J’en parlais il y a quelques temps avec mon amie Annie Le Brun.

Annie Le Brun

On se posait la question et puis, on a trouvé l’explication : parce qu’on est curieux, parce qu’on veut savoir ce qui va se passer ! Dès qu’on est gosse, on veut savoir encore ce qui va se passer et c’est ça qui nous fait vivre dans un environnement qui, si nous l’analysions avec lucidité, nous donnerait peut-être… on deviendrait plutôt Schopenhauer qu’Aristote en se disant que tout ça va très mal se terminer. Non, tant qu’on peut voir des choses, nous trouvons ça formidable et nous sommes là, liés à nos yeux qui veulent encore voir ce qui va se passer !

Thomas Gauthier : 

Avec ce que vous venez de dire, on arrive tout naturellement à la fin de l’entretien. La dernière question que je souhaitais vous poser, Paul Jorion. Racontez-nous un petit peu, à travers vos différentes activités, vous avez parlé de blog, vous avez parlé de chroniques, vous avez parlé d’interventions, vous avez parlé de votre travail d’auteur, racontez-nous comment vous vous efforcez d’accorder vos pensées et vos actes ? Ça se passe comment la construction intellectuelle et pratique de Paul Jorion dans ses différentes activités ?

Paul Jorion : 

C’est-à-dire qu’on peut tirer des conséquences de cette réflexion en termes de « nervures du chaos », qu’il y a du chaos et qu’il y a des nervures, c’est-à-dire qu’il y a des endroits où on a plus de pouvoir qu’à d’autres. En particulier, chacun le sait, dans les périodes, je dirais, où il ne se passe pas grand-chose au plan politique, les gens peuvent débattre pour essayer d’imposer leurs idées, ça ne donne pas grand-chose mais on le voit aussi, quand on analyse des périodes révolutionnaires – et en France, nous avons quand même, je dirais, une énorme documentation sur la Révolution française – là, on voit des individus qui apparaissent et qui font une différence énorme.

Écouter le monde dans les périodes chaotiques : Nicolas Machiavel, Discours sur la première décade de Tite-Live

C’est justement mon amie Annie Le Brun qui me disait : la Nuit du 4 août, quand on abolit les privilèges, c’est un tournant. Bon, ça ne sera pas appliqué tout de suite mais c’est un tournant dans la réflexion, justement, de ces révolutionnaires. Elle me dit : « Est-ce que vous avez lu les discours dans l’ordre ? » et je dis : « Non ». Bon, alors je me suis mis à lire les discours dans l’ordre. Pourquoi ? Parce qu’il y avait quelque d’important là-dedans, parce qu’il est clair que le premier discours qui est tenu, il est clair que c’est un texte qui est lu. Bon, et en plus, on a un témoin de l’époque qui d’ailleurs annote tout ça et qui est quelqu’un qui est absolument effaré par ce qui est en train de se passer et, du coup, son indignation est très grande et il donne beaucoup de détails.

Le premier discours qui est tenu, c’est un discours qui est entièrement lu. Le second, on s’aperçoit qu’il y a déjà des références qui sont faites à ce qui était dit par le précédent. Et quand on arrive au dernier, c’est absolument improvisé. On le voit : ce n’est plus un texte qui est lu. Il y a une dynamique qui est en train de se créer, c’est-à-dire que tous ces personnages dont on a encore le nom : d’Aiguillon, Bonaparte, non ! pardon ! de Beauharnais : le beau-frère [P.J. Non ! Le premier mari de Joséphine], etc. Tous ces personnages sont là mais ils ne s’attendaient pas à changer l’histoire. Bon, la plupart sont bien entendu des aristocrates mais ils n’allaient pas là pour changer le monde mais ça s’est fait ! Leur présence, elle a fait une différence et ça, je crois qu’il faut que chacun se rende compte à sa propre échelle qu’il y a « des choses que je peux faire ».

Bien entendu, je ne parle pas de choses qu’il faut faire, comme trier les déchets, des choses comme ça mais il y a pour chacun quelque chose où on peut pousser dans la bonne direction et ça, ça demande, je dirais, peut-être un peu d’entraînement de se dire : « Quelle influence puis-je avoir en ce moment-même sur ceci ou cela ? » Et, là, je dirais que, depuis que j’ai compris ça, j’essaye d’en tirer parti, j’essaye d’en tirer parti de manière stratégique en disant… J’ai un collègue que vous connaissez de nom, c’est Frédéric Lordon qui s’est souvent caractérisé en disant : « Je vais pas parler à tel endroit parce que je devrais parler à telle et telle personne ». Ça, je ne l’ai jamais fait : j’ai toujours considéré qu’il y avait sûrement quelque chose à faire partout où on me donnait la parole :, c’était bon de la prendre et d’essayer de faire passer une partie de ce message qui est un message, bon, qui est loin d’être optimiste : c’est un message de lucidité, je le qualifie comme ça, mais qui vous permet justement, à tout moment, de comprendre ce qu’on peut faire et ne pas faire et surtout, de ne pas laisser passer des opportunités.

Et ça, je le dis souvent à mes étudiants. Quand ils me disent : « Oui, on m’a proposé ceci mais enfin, j’ai plutôt envie de faire autre chose », je dis : « Non ! ». Je dis : « Non, le monde est en train de vous dire quelque chose. Le monde est en train de vous dire ‘On a besoin de vous à tel endroit’. Vous avez peut-être cette idée préétablie que c’est à un autre endroit que vous devez aller mais écoutez cela, écoutez ça ! ».

Hegel sur "être véritablement de son temps"

Bon, ça, c’est à partir de ma propre expérience. Je peux dire que c’est une « coïncidence » qu’on m’ait fait venir en Intelligence Artificielle. Je peux dire que c’était une « coïncidence » qu’on m’ait fait venir travailler aux Nations-Unies ou bien ensuite dans la banque. Non, non, non : c’étaient des gens qui ressentaient le besoin de faire venir des gens comme moi à cet endroit-là pour faire changer les choses et, rétrospectivement, le calcul était bon et c’est ça qui m’a permis à moi de me retrouver à des tas d’endroits que je dirais inattendus mais à être parmi les pionniers de ce qu’on appelle maintenant le trading à haute fréquence, des choses de cet ordre-là, d’être parmi les premières équipes d’Intelligence Artificielle, d’être les premiers à faire des projets de développement en Afrique de telle et telle manière.

C’est ça ! En fait, il ne suffit pas de réfléchir : « Où est-ce que je pourrais faire telle chose ? » Il faut écouter ce que le monde vous dit à tel et tel moment et ça, c’est un message… Je me souviens, c’était à Saint-Etienne où, juste avant l’exposé, on m’a dit : « Vous savez, nos étudiants sont un peu déprimés, etc. ». J’ai dit : « Vous verrez, ils ne le seront plus après mon exposé parce que je vais attirer leur attention sur le fait que des périodes qui paraissent un peu chaotiques sont aussi des périodes qui permettent aux individus de se réaliser sans doute davantage qu’à des périodes beaucoup plus étales mais qui peuvent être beaucoup plus mornes du côté de la vie des individus ».

Thomas Gauthier :

Ce que je retiens de ce que vous venez de dire, c’est qu’il faut accepter finalement la nature émergente du monde dans lequel on est, certes avoir des idées, certes avoir des repères, certes avoir une boussole et des envies particulières mais aussi être en écoute, comme vous l’avez dit, du monde qui se fait chaque jour et qui se fait de manière pour partie prévisible mais pour partie aussi imprévisible, accepter aussi que l’intervention qu’on peut avoir dans le monde, justement, c’est une intervention dont on doit certainement parfaire la qualité, dont on doit polir les contours mais dont on ne doit pas forcément anticiper parfaitement quelles en seront les conséquences. On crée des espaces en fait, vous créez des espaces pour que les esprits pensent peut-être voir le monde autrement, agissent autrement dans le monde et vous ne cherchez pas à maîtriser l’étendue de ce que votre intervention va pouvoir signifier pour un auditoire, pour des étudiants. Vous essayez plutôt, vous l’avez dit, d’être à l’écoute de ce que le monde attend de vous et, ensuite, je ne dirais pas « advienne que pourra » mais d’autres vont reprendre le message, vont le déformer, l’adapter, le mettre en action dans leur environnement et vont quelque part se nourrir d’une partie de la pensée que vous aurez bien voulu partager avec eux.

Paul Jorion :

Oui, il y a une expression de l’époque des hippies : « tuned in », être en résonance avec le système. Ça aurait pu être exprimé autrement quand Hegel parle des « Grands hommes » parce que, bon, à l’époque, il prend trois exemples de « grands hommes » : Alexandre, César et Napoléon et qu’il utilise l’expression : « La différence entre eux et d’autres, c’est qu’ils comprenaient entièrement l’époque qui était la leur ».

Et je crois que ça, c’est à la portée de chacun de comprendre entièrement l’époque qui est la sienne. Il suffit de voir certains des candidats aux élections qui sont sur un continent différent et une époque différente de la nôtre. Non, il y a moyen de faire beaucoup mieux que cela mais il faut avoir, je dirais, les yeux ouverts et, surtout, être prêt à ce que la représentation ne doive plus être des représentations qui nous viennent des siècles passés et qui sont peut-être, comme on le disait tout à l’heure, en fait entièrement dépassées par l’état de la connaissance maintenant de l’univers physique et de la connaissance que l’on peut avoir du fonctionnement même des êtres humains.

C’est pour ça que, pour moi, la connaissance de type psychanalytique est très importante parce qu’elle donne une représentation beaucoup plus lucide, beaucoup plus réaliste, du véritable fonctionnement de l’être humain où tout n’est pas une question de « conscience qui a la volonté à sa disposition, qui a des intentions, qui va réaliser ses intentions ». Tout ça, ce sont des visions simplifiées qui conduisent à des catastrophes éventuellement.

Notre cerveau

Il faut avoir une représentation, je dirais, beaucoup plus en phase avec notre véritable comportement, avec toutes ces ambigüités, avec toutes ces ambivalences, avec tous les ratés qui font, je dirais, le caractère « charmant » de l’être humain et qui ne sera pas celui du robot. Mais il faut en profiter parce que, justement, le temps presse !

Le temps presse : il faut absolument que des prises de conscience de ce type-là aient lieu très très rapidement et aussi que les moyens financiers puissent être mis à la disposition des changements radicaux qui doivent être faits. Or, malheureusement, comme on a commencé par le dire : les cadres ont leur inertie à eux qui ne se prête en général pas à cela.

Thomas Gauthier : 

Alors, vous avez partagé avec nous plusieurs questions au sujet de l’avenir. Vous avez ensuite partagé avec nous des repères qui nous viennent de l’histoire et qui peuvent nous permettre de mieux comprendre le présent et de mieux préparer l’avenir et puis, là, vous venez de partager une partie de votre intimité, de vos manières d’agir, de vos manières d’intervenir. On a passé un petit peu plus d’une heure ensemble. Je tiens à vous remercier, Paul, pour votre disponibilité et j’espère avoir l’occasion de vous recroiser très bientôt. Merci beaucoup !

Paul Jorion :

Très volontiers !

Thomas Gauthier :

Merci beaucoup d’avoir écouté ce nouvel épisode de Remarquables. Pour ne rien rater des prochains épisodes, abonnez-vous sur votre plateforme favorite et n’hésitez pas à laisser une note et à parler du podcast autour de vous. À bientôt !

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18 réponses à “Remarquables. #9 Paul Jorion (III) : science appliquée, effondrement et… « prophètes » – Retranscription”

  1. Avatar de BasicRabbit
    BasicRabbit

    PJ : « … pour moi, la connaissance de type psychanalytique est très importante parce qu’elle donne une représentation beaucoup plus lucide, beaucoup plus réaliste, du véritable fonctionnement de l’être humain où tout n’est pas une question de « conscience qui a la volonté à sa disposition, qui a des intentions, qui va réaliser ses intentions ». Tout ça, ce sont des visions simplifiées qui conduisent à des catastrophes éventuellement. ».

    Et la retranscription nous propose un lien (« Le cerveau ») vers un extrait de « Le secret de la chambre chinoise » (1). J’y découvre que je sévissais encore en 2012 sur ce blog et je vais essayer de commenter ce texte comme d’habitude, mais avec dix années supplémentaires de recul. Et mon habitude est de comparer la vision de Thom et celle de PJ.

    1. PJ: « le cerveau humain est conçu, dit-il [François Jacob], comme une brouette sur laquelle aurait été greffé un moteur à réaction. ».

    Thom: « Ici se pose le problème de savoir comment la cervelle humaine, anatomiquement et physiologiquement si peu différente de la cervelle des Vertébrés supérieurs, a pu réaliser cette architecture compliquée, cette hiérarchie de champs dont les animaux paraissent incapables. Je crois, personnellement, que tout tient en une discontinuité de caractère topologique dans la cinétique des activités neuroniques ; dans le cerveau humain s’est réalisé un dispositif simulateur des singularités auto-reproductrices de l’épigenèse qui permet, en présence d’une catastrophe d’espace interne Y et de déploiement U, de renvoyer le déploiement U dans l’espace interne Y, réalisant ainsi la confusion des variables internes et externes. Un tel dispositif n’exige pas de modification considérable des supports anatomiques et physiologiques. ».

    2. PJ: « Il y a en son centre, le cerveau reptilien, appelé ainsi parce qu’il possède déjà la même structure chez le reptile, et le cerveau des mammifères s’est construit comme une couche additionnelle, absolument distincte (…) nous réagirons par l’enthousiasme ou par la peur devant ce que notre cerveau-cortex aura déterminé de faire ».

    Thom: « On devrait en principe avoir deux systèmes nerveux distincts : l’un prédateur, chargé d’attirer et de capturer les proies ; l’autre, proie fictive, chargé d’éviter ou de repousser les prédateurs éventuels. Ces deux systèmes existent sûrement chez tout animal : à côté de l’âme appétitive, il y a l’âme sensible. Mais la grande découverte des Vertébrés est d’avoir créé un cerveau-proie tout au long du corps, selon l’axe céphalo-caudal, la moelle épinière. Le cerveau-prédateur, lui, solidaire de la bouche, est localisé dans le cerveau. Le vertébré a pris le risque de renoncer à cette ligne Maginot, l’exosquelette ; il l’a remplacé par une carapace de douleur virtuelle. ».

    Remarque: PJ connaît-il l’étymologie du mot enthousiasme?

    3: PJ: « Lequel est celui de la réaction immédiate, celui du réflexe, de l’affect, comme s’expriment les psychologues. ».

    Thom: « L’affectivité peut être vue comme une rétroaction du flux final ramifié sur la dynamique de commande des préprogrammes. Et je n’ai jamais compris pourquoi ces effets de rétro-action ne pourraient être transmis héréditairement (…) ce que nie la biologie moléculaire classique. ».

    4; PJ: « Une autre caractéristique de notre cerveau, c’est que la conscience que nous avons de ce que nous faisons, cette conscience n’a pas véritablement été conçue comme un instrument qui nous permette de prendre des décisions. »;  »

    Thom: « Tous nos actes de conscience élémentaire sont toujours plus ou moins des déplacements. Nous essayons de saisir un objet, et l’acte de saisir, c’est l’étincelle de conscience primaire. L’espace vu de cette manière ressemble à une couronne, et le corps à un trou, situé à l’intérieur de cette couronne. Le trou est constitué par les points que nous ne pouvons pas atteindre. Et il est bizarrement rempli par la douleur et le plaisir. C’est pour moi une sorte de miracle. La peau est une sorte d’onde de choc qui sépare deux types de conscience, la conscience motrice à l’extérieur, et la conscience essentiellement affective et cénesthésique à l’intérieur. ».

    5: PJ: « comme Freud l’avait imaginé ».

    Thom: « dans l’optique de la distinction cerveau-prédateur, cerveau-proie introduite dans Esquisse d’une sémiophysique (p. 131-134), on aura entre tempéraments hippocratiques et comportements de ces cerveaux la correspondance suivante: « tempérament sanguin: favorise l’identité ego-prédateur; tempérament nerveux: défavorise l’identité ego-prédateur; tempérament bilieux: favorise l’identité ego-proie; tempérament lymphatique: défavorise l’identité ego-proie. » (2).

    6: BR: J’ai déjà noté en commentaire que j’aimais bien la classification anthropologique de Descola, car basée sur les dichotomies enfantines pareil/pas pareil et dedans/dehors. Notre cerveau-prédateur étant situé dans la boîte crânienne près de l’entrée -la bouche- il est naturel -enfantin?- de placer le cerveau-proie près de la sortie, ce que ne fait pas Thom, qui le place le long de la moelle épinière. Mais celui-ci vient cependant indirectement à mon secours d’enfant: « Il existe, entre le cerveau et la gonade, une certaine homologie fonctionnelle : le cerveau (plus généralement le système nerveux) reconstitue sous forme d’activités nerveuses stables les champs fonctionnels primitifs ; dans la gonade se reconstitue, en chaque gamète, le « centre organisateur » de la dynamique globale de l’espèce, la « figure de régulation » spécifique. ». (Pour finir à propos et en rire… : La question fondamentale que pose PJ est: de nos deux cerveaux, lequel est le chef? Survie individuelle ou survie de l’espèce? Réponse en (3).)

    1: https://www.persee.fr/doc/hom_0439-4216_1999_num_39_150_453573 (je n’arrive pas à ouvrir le lien proposé par PJ)

    2: https://excerpts.numilog.com/books/9782130457718.pdf

    3: http://www.info-3000.com/RIGOLECITY/entreprisechefcorpshumain.htm

  2. Avatar de BasicRabbit
    BasicRabbit

    1. PJ: « La Chine était beaucoup plus avancée mais, dit Lloyd, il s’est passé quelque chose au XVIIe ou au XVIIIe siècle qui est la conséquence du fait qu’il n’y a pas eu en Chine un personnage équivalent à Aristote ».

    « Dans le contexte de l’âge axial, Platon (427-347 avant JC) ou Socrate et Platon, sont considérés comme un jalon dans l’histoire de la philosophie occidentale, à l’instar de Confucius (551-479 avant JC) ou Laozi et Confucius, dans la pensée chinoise. Bien que tout ne leur soit pas attribué, ils représentent le début et le fondement des deux philosophies, dont nous ne comprenons pas encore pleinement la portée jusqu’à ce jour. Pour la philosophique occidentale, Platon et Aristote (384-322 avant JC) représentent différents courants, de même que Laozi et Confucius. » (1).

    2: Aristote. PJ se réfère constamment à Aristote et refuse Platon, accepte l’Aristote de l’organon, mais ignore grandement celui de la Physique, insiste sur son matérialisme mais glisse sur les causes finales (« … et enfin la cause finale. C’est cette dernière qui fonde le principe d’Aristote sur la finalité des choses ; selon lui, tout obéit à un « dessein » qui nous dépasse… » (2)). Bref PJ a pour moi une pensée trop occidentale, pas assez chinoise. Ce reproche est parfaitement formulé par un certain Élie Bernard Weil (peu importe qui il est, ce qui m’importe est ce qu’il dit ici, à quoi j’adhère complètement):

     » Il faut apprendre ou réapprendre à penser toujours d’une manière bipolaire et de ne pas céder à l’attrait d’une pensée unipolaire, branchée sur un pôle dominant – ce qu’on appelle aussi « pensée unique » de nos jours – une tentation qui fait immanquablement plonger dans l’erreur et l’impuissance. ».

    À la suite des Anciens Grecs, en particulier d’Aristote, tous les grands philosophes ont proposé leurs catégories d’où suit leur façon d’interpréter le monde. Certains les regroupent par paires opposées. C’est -ai-je lu (3)- le cas ds pythagoriciens. C’est aussi le cas de Thom (4) (qui se voit en compagnie des grands philosophes…(5)), c’est aussi le cas de Grothendieck.

    1: http://coeur-et-esprit.blogspot.com/2022/05/

    2: http://classes.bnf.fr/dossitsm/b-aristo.htm

    3: https://www.cosmovisions.com/categories.htm

    4: Cf. « Thèmes de Holton et apories fondatrices », Apologie du logos.

    5: « … il paraît juste de dire que toutes les grandes philosophies sont caractérisées par un usage spécifique de la langue: du poème de Parménide aux maximes d’Héraclite, de Platon et Aristote à Descartes et Pascal, de la lourdeur de Kant aux fulgurences d’Hegel, et jusqu’aux remontées étymologiques de Heiddeger, tout philosophe se fabrique son univers propre, cet « idios kosmos » qu’Héraclite attribue au rêveur endormi. (…) Dans ma propre écriture… » (Apologie du logos, p.503).

    1. Avatar de un lecteur
      un lecteur

      Le dehors n’est pas l’inverse ou l’opposé du dedans. La connaissance (depuis un point vu ou niveau d’échelle de perception des phénomènes) de la surface qui les sépare et de soi le dedans ou le dehors ne permet pas d’en déduire l’autre.
      Pour ma part, je vois le dehors comme la matrice du dedans. Il y a une hiérarchie, une assymétrie fondamentale, que je me plais à attribuer à la non-localité du comportement des pairs intriqués.

      1. Avatar de BasicRabbit
        BasicRabbit

        @ un lecteur.

        Je trouve votre remarque « occidentale » tout-à-fait intéressante. En topologie -je pense en matheux!- l’intérieur est un ouvert, et son complémentaire (l’extérieur) est un fermé: il y a donc là, a priori, une dissymétrie entre intérieur et extérieur (qui sont de nature -de genre- différent). Mais la fermeture de l’ouvert, formée de cet ouvert et de son bord, est aussi un fermé (distinct du dehors considéré ci-dessus): il y a là aussi dissymétrie (ou antisymétrie pour plaire à PJ).

        Le dedans comme matrice du dehors ou le dehors comme matrice du dedans: deux points de vue opposés selon que se place du point de vue de la mère ou de l’enfant! Je ne sais pas ce qu’en pensent les chinois avec leur pensée symétrique (selon PJ), dans, par exemple, le cadre du Yi-Jing.

        Remarque: Thom énonce à l’intention des philosophes deux axiomes « topologiques »: l’axiome FBM (la Forme est le Bord de la Matière) et l’axiome ABP (l’Acte est le Bord de la Puissance).

        1. Avatar de un lecteur
          un lecteur

          @BasicRabbit

          Remarque : On trouve à l’intérieur de l’humanité son histoire et à l’extérieur sa culture que PJ utilise comme « moule » (matrice) pour « former » une l’IA que l’on pourra léguer à la postérité.
          Humanité :
          Dedans – Dehors – Dedans
          Signaux locaux – Signaux diffus – Hardware (local)
          Histoire – Culture – IA

          Comme la culture contient plus que l’histoire, c’est le bon choix.

          Réflexions :
          Au sein des mathématiques, la démonstration est l’équivalent en physique de la mesure.
          La démonstration s’appuis strictement sur mêmes axiomes qui permettent de bâtir les théorèmes additionnés ou pas d’un enrobage par le langage « commun ». C’est un système clos qui est construit pour se suffire à lui-même.
          La mesure s’appuie sur l’hypothèse d’un ou plusieurs invariants issus de modèles théoriques. La mesure est un système local.
          En physique, la validation d’un modèle se fait avec des appareils de mesure qui comporte par construction un biais dont hérite le modèle.
          Si les mesures valident la théorie, cette connaissance (le modèle) ne peut avoir qu’une portée locale. L’extrapolation d’une théorie physique en dehors du champ des appareils de mesure, doit être considérée comme non validé.
          La méthode scientifique avec ses appareils de mesure et les mathématiques avec ses modèles sont irrémédiablement limitées et liées entre eux. Ils constituent l’essence de notre coévolution avec la technique.
          Pour pénétrer le réel, nous devons confronter, mettre en compétition, ces deux outils avec intelligence.
          La réalité est constituée en dehors d’un méta-modèle et en dedans de vérité.

          1. Avatar de BasicRabbit
            BasicRabbit

            Je crois que vos vues (et celles de PJ) sont quasi-diétralement opposées à la mienne (et à celle de Thom). Pour PJ la vérité et la réalité s’inventent (dans cet ordre). Pour moi la réalité et la vérité se découvrent (dans cet ordre) (et la vérité n’a alors guère d’intérêt -« il est vrai que la neige est blanche » n’apportant rien de plus que « la neige est blanche »).

            Pour moi la réalité nous vient non seulement du monde extérieur, perçu par nos sens, mais aussi de notre monde intérieur (le rêve) (Grothendieck a écrit mille pages là-dessus dans « La clef des songes »). La physique moderne s’intéresse à la régularité, aux symétries, au quantitatif, au mesurable. Thom s’intéresse aux singularités, aux ruptures de symétries, aux ruptures phénoménologiques, au qualitatif.
            La théorie des catastrophes est une théorie locale.
            La vérité inventée conduit à l’intelligence artificielle; la découverte de la réalité fait progresser l’intelligence naturelle. Pour Thom la logique naturelle est embryologique: c’est une embryo-logique, ce n’est pas une logique artificielle (?) comme celle qu’utilisent les matheux.

          2. Avatar de BasicRabbit
            BasicRabbit

            La citation thomienne suivante(où les sophistes, la logique aristotélicienne et les maths « classiques » sont mises dans le même sac illustré la différence d’approche entre Thom et PJ:

            %a »Pourquoi, au début de la pensée philosophique, les Présocratiques, d’Héraclite à Platon, nous ont-ils laissé tant de vues d’une si grandiose profondeur? Il est tentant de penser qu’à cette époque l’esprit était encore en contact quasi direct avec la réalité, les structures verbales et grammaticales ne s’étaient pas interposées comme un écran déformant entre la pensée et le monde. Avec l’arrivée des sophistes, de la Géométrie euclidienne, de la Logique aristotélicienne, la pensée intuitive a fait place à la pensée instrumentale, la vision directe à la technique de la preuve. Or le moteur de toute implication logique est la perte de contenu informationnel: « Socrate est mortel » renseigne moins que « Socrate est un homme ». il était donc fatal que le problème de la signification s’effaçât devant celui de la structure de la déduction. Le fait que les systèmes formels des mathématiques échappent à cette dégradation de la « néguentropie » a fait illusion, à cet égard, une illusion dont la pensée moderne souffre encore: la formalisation -en elle même, disjointe d’un contenu intelligible- ne peut être source de connaissance. » (MMM, Topologie et signification)

            1. Avatar de Paul Jorion

              C’est beaucoup plus complexe que cela : sur ce plan, il faut distinguer – même opposer – Aristote et Platon. Et Aristote ne tombe pas dans le travers que dénonce Thom à tort, de perdre la signification par inadvertance : il attire au contraire l’attention sur ce danger.

              J’écris dans Comment la vérité et la réalité furent inventées :

              « La philosophie platonicienne postule en effet « une réalité qui se trouve au-delà de notre connaissance » : Platon situe les mathématiques sur un feuillet intermédiaire entre l’Être-donné, le monde en soi, inaccessible à notre représentation, et l’Existence-empirique, le monde sensible. Aristote écrit à propos de son maître : « … il avance qu’entre les choses sensibles et les Formes [PJ : les « Idées » platoniciennes], il existe une strate intermédiaire, celle des objets mathématiques, qui diffèrent des choses sensibles parce qu’elles sont éternelles et immuables, et diffèrent des Formes parce qu’il existe des objets mathématiques similaires, alors que chaque Forme est unique » (Métaphysique I, vi, 4). Que l’invention de cette Réalité-objective ait un rapport avec la logique, Aristote est encore le premier à l’observer : « La distinction qu’établit (Platon) entre l’Un et les nombres et les choses ordinaires (en quoi il se sépare des Pythagoriciens) et l’introduction des Formes étaient dues à ses recherches sur le logos (les penseurs antérieurs ignoraient la dialectique) » (Métaphysique I, vi, 7). »
              […]
              « Que dit Aristote à propos de l’arithmétique ? Qu’il s’agit du point d’arrivée, lorsque l’on part de la description du monde naturel, de la mécanique physique, que l’on simplifie, que l’on stylise cette première description par la géométrie dans l’espace, ensuite celle-ci par la géométrie plane, et finalement cette dernière par l’arithmétique, qui ne voit plus que des symboles (vides de sens) là où il y avait au point de départ des choses (significatives) (cf. Métaphysique M 3 ; cf. aussi Kojève 1968 : 168). »
              […]
              « Duhem, paraphrasant Aristote : « Les Mathématiques considèrent les mêmes êtres que la Physique ; mais, en ces êtres, elle suppriment tout ce qui est sensible, la gravité ou la légèreté, la dureté ou la mollesse, le chaud ou le froid, pour n’y plus considérer que la grandeur et la continuité ; par cette abstraction, elles constituent l’objet propre de leur spéculation. De même, la Physique étudie les êtres et leurs principes non pas en tant qu’êtres, mais en tant qu’ils sont mobiles, qu’ils sont sujets au changement, qu’ils peuvent s’engendrer ou périr. Par une abstraction plus radicale, la Philosophie première délaisse en ces êtres tout ce qui est génération, modification, corruption ; purement et simplement, elle les considère en tant qu’êtres et, par là, s’élève à la connaissance générale de l’être » (Duhem 1965 : 137). »

              Vous vous cachez que la culture philosophique de Thom est rudimentaire. Son mérite comme mathématicien est immense, cela, je le reconnais volontiers.

              1. Avatar de BasicRabbit
                BasicRabbit

                Vous avez jadis reproché à Thom de n’avoir pas lu Aristote (commentaire de votre entretien avec Roberti) alors qu’il l’a seulement lu avec des lunettes différentes des vôtres (Aristote intuitif, phénoménologique et topologie, passablement méconnu aux dures de Thom). Libre à vous de considérer aujourd’hui comme il y a dix ans que Thom est un grand matheux mais un piètre philosophe. Libre à moi de considérer que c’est un grand matheux indissociable d’un grand philosophe (qui propose une modification des rapports entre mathématiques et réalité).

                1. Avatar de Paul Jorion

                  Votre relativisme, Thom a lu Aristote avec des « lunettes différentes », ne tient pas la route : il ne l’a pas lu dans le texte. Probablement à partir seulement de vulgarisations plus ou moins bien informées.

                  1. Avatar de BasicRabbit
                    BasicRabbit

                    Vous vous foutez de la gueule du monde: Thom l’a lu en grec ! Lisez ce qu’il dit à la fin d’Esquisse d’une sémiophysique dans les pages consacrées aux citations d’Aristote !

                    1. Avatar de Paul Jorion

                      Ah oui ? Eh bien dans ce cas-là, vous n’aurez aucune difficulté à réfuter – en puisant dans Thom – ce que je rappelais ce matin avoir écrit dans Comment la vérité et la réalité furent inventées. Allez-y, si mes citations d’Aristote sont mal traduites du grec, n’hésitez surtout pas à le dire.

                      « … [Platon] avance qu’entre les choses sensibles et les Formes [PJ : les « Idées » platoniciennes], il existe une strate intermédiaire, celle des objets mathématiques, qui diffèrent des choses sensibles parce qu’elles sont éternelles et immuables, et diffèrent des Formes parce qu’il existe des objets mathématiques similaires, alors que chaque Forme est unique » (Métaphysique I, vi, 4). Que l’invention de cette Réalité-objective ait un rapport avec la logique, Aristote est encore le premier à l’observer : « La distinction qu’établit (Platon) entre l’Un et les nombres et les choses ordinaires (en quoi il se sépare des Pythagoriciens) et l’introduction des Formes étaient dues à ses recherches sur le logos (les penseurs antérieurs ignoraient la dialectique) » (Métaphysique I, vi, 7). »
                      […]
                      « Que dit Aristote à propos de l’arithmétique ? Qu’il s’agit du point d’arrivée, lorsque l’on part de la description du monde naturel, de la mécanique physique, que l’on simplifie, que l’on stylise cette première description par la géométrie dans l’espace, ensuite celle-ci par la géométrie plane, et finalement cette dernière par l’arithmétique, qui ne voit plus que des symboles (vides de sens) là où il y avait au point de départ des choses (significatives) (cf. Métaphysique M 3 ; cf. aussi Kojève 1968 : 168). »
                      […]
                      « Duhem, paraphrasant Aristote : « Les Mathématiques considèrent les mêmes êtres que la Physique ; mais, en ces êtres, elle suppriment tout ce qui est sensible, la gravité ou la légèreté, la dureté ou la mollesse, le chaud ou le froid, pour n’y plus considérer que la grandeur et la continuité ; par cette abstraction, elles constituent l’objet propre de leur spéculation. De même, la Physique étudie les êtres et leurs principes non pas en tant qu’êtres, mais en tant qu’ils sont mobiles, qu’ils sont sujets au changement, qu’ils peuvent s’engendrer ou périr. Par une abstraction plus radicale, la Philosophie première délaisse en ces êtres tout ce qui est génération, modification, corruption ; purement et simplement, elle les considère en tant qu’êtres et, par là, s’élève à la connaissance générale de l’être » (Duhem 1965 : 137). »

                    2. Avatar de BasicRabbit
                      BasicRabbit

                      Je n’ai jamais insinué que vos citations d’Aristote étaient mal traduites. Je m’oppose seulement à votre affirmation répétée que Thom n’a pas lu Aristote. Il l’a lu et en dépit de son admiration pour lui il n’est pas d’accord avec lui lorsqu’il critique Platon et les Anciens avec des arguments de rhéteur voire de sophiste (cf. à la fin de ES, je n’ai pas le bouquin à côté de moi, je cite de mémoire). Notre différend de fond sur Thom reste au même point: vous n’acceptez de la théorie des catastrophes que son volet mathématique (théorie des singularités des applications différentiables dans le cadre de la topologie diffërentielle); et vous en refusez le volet métaphysique qui instaure un nouveau rapport entre mathématiques et réalité, Thom proposant « un mécanisme qui commande toute morphogénèse » , mécanisme qu’il implique en biologie (SSM 2ème éd. dès p. 32), en linguistique (dernier chapitre de SSM) et jusqu’en « métaphysique extrême » (ÈS p. 216).

  3. Avatar de BasicRabbit
    BasicRabbit

    PJ: « Et ça, je le dis souvent à mes étudiants. Quand ils me disent : « Oui, on m’a proposé ceci mais enfin, j’ai plutôt envie de faire autre chose », je dis : « Non ! ». Je dis : « Non, le monde est en train de vous dire quelque chose. Le monde est en train de vous dire ‘On a besoin de vous à tel endroit’. Vous avez peut-être cette idée préétablie que c’est à un autre endroit que vous devez aller mais écoutez cela, écoutez ça ! ».

    Hegel sur « être véritablement de son temps » (…) … il y a une expression de l’époque des hippies : « tuned in », être en résonance avec le système. Ça aurait pu être exprimé autrement quand Hegel parle des « Grands hommes » parce que, bon, à l’époque, il prend trois exemples de « grands hommes » : Alexandre, César et Napoléon et qu’il utilise l’expression : « La différence entre eux et d’autres, c’est qu’ils comprenaient entièrement l’époque qui était la leur ». ».

    Tout beau tout nouveau. Un nouveau-né ça sent bon, un vieux ça pue. Il y a un moment où il faut cesser d’être en résonance avec le système lorsqu’on sent qu’il pue la mort. La mort d’une civilisation, même « globale », n’est pas nécessairement la mort de l’espèce humaine. Il faut alors se raccrocher à autre chose ou non: avoir des idées préétablies ou se laisser engloutir par le néant.

    Hegel ne figure qu’une fois très brièvement (« les fulgurences d’Hegel ») dans les index de Stabilité structurelle et morphogenèse, de Esquisse d’une sémiophysique et d’Apologie du logos (alors qu’Aristote figure 61 fois, Platon 12 fois et Kant 5 fois). J’ai repéré un « hégélien » (AL, p.470) qui montre que Thom ne porte pas la pensée hégélienne en grande estime (1):

    « … nous allons nous efforcer de donner des themata holtoniens un mode d’engendrement que l’on pourrait qualifier de « dialectique », si le précédent hégélien, redoutable à la fois par son ambition et son imprécision intrinsèque, ne nos l’interdisait… »,

    1: Je n’ai rien lu de Hegel « dans le texte ». Mais je me demande si la préface par Jean Largeault d’Apologie du logos n’est pas en partie dirigée, avec l’accord tacite de Thom, contre l’idéalisme allemand (Kant, Hegel,…)(cf. p.23).

  4. Avatar de Jac
    Jac

    Il y a eu Aristote en Grèce et en Chine Confucius, qui a dit entre autres (parmi ses morales) :
    “Celui qui ne craint pas de promettre de grandes choses a de la peine à les exécuter”.
    C’est remarquable parce que tellement vrai !

  5. Avatar de BasicRabbit
    BasicRabbit

    ThG: « Il me semble, pour compléter ce que vous avez dit, qu’il nous est extrêmement difficile en tant qu’espèce de saisir que l’on est peut-être ».

    PJ: « Prophète »;

    Thom : « En écrivant ces pages j’ai acquis une conviction; au cœur même du patrimoine génétique de notre espèce, au fond insaisissable du logos héraclitéen de notre âme, des structures simulatrices de toutes les forces extérieures agissent, ou en attente, sont prêtes à se déployer quand ce deviendra nécessaire. La vieille image de l’Homme microcosme reflet du macrocosme garde toute sa valeur: qui connaît l’homme connaîtra l’univers. Dans cet essai d’une théorie générale des modèles [sous-titre de SSM], qu’ai-je fait d’autre, sinon de dégager et d’offrir à la conscience les prémisses d’une méthode que la vie semble avoir pratiqué dès son origine? (…) … la rêverie n’est-elle pas la catastrophe virtuelle en laquelle s’initie la connaissance? » (Stabilité Structurelle et Morphogenèse, Épilogue).

    L’Homme: son propre prophète (« ou en attente »…)?

  6. Avatar de BasicRabbit
    BasicRabbit

    PJ: « … moi, je suis convaincu que Stephen Wolfram est véritablement dans la bonne direction pour reformuler entièrement la manière dont on fait la physique… ».

    J’ai essayé de parcourir les quelque 4h30 du Fridman-Wolfram (l’anglais parlé -a fortiori l’américain?- n’est pas mon fort). Je pense que les sujets abordés par Wolfram à partir de 47′ sont parmi ceux qui intéressent beaucoup de physiciens modernes dans le monde. Le terme d’hypergraphe me semblant revenir souvent dans son discours, j’ai l’impression que Wolfram se range dans la catégorie des connexionnistes (fil rouge qui le relie à Aristote, Hegel et PJ). À propos des maths et des méta-maths, il est beaucoup question d’axiomes, de preuves, de calculs (très peu de géométrie), comme si les maths se réduisaient à ça.

    Perso je trouve que Wolfram survole trop les choses pour que je puisse me faire une idée (de la généralité à la banalité, le pas est vite franchi). Il a l’air vraiment de penser que la puissance exponentiellement grandissante des ordinateurs va pouvoir aider à résoudre des questions sur la théorie du tout (du type de celle de Garrett Lisi (1)). Mais les espaces mathématiques qui interviennent alors sont fonctionnels, donc de dimension infinie, et je ne vois pas comment un ordinateur peut, dans ces conditions, être d’une quelconque utilité. Thom pense qu’il y a un effort considérable de géométrie à faire (il parle d’un nouvel Euler à venir) avant de pouvoir passer à l’algèbre (et donc aux calculs).

    Peut-être un lecteur de ces lignes aura-t-il une vue moins critique (et plus synthétique!) qui pourrait néanmoins être intelligible par un prétendu thomien. Marc Peltier?

    1: https://fr.wikipedia.org/wiki/Antony_Garrett_Lisi

  7. Avatar de BasicRabbit
    BasicRabbit

    PJ: « Joseph Tainter on The Dynamics of the Collapse of Human Civilization ».

    L’astrophysicien/thermodynamicien François Roddier a une approche thermodynamique de l’effondrement des civilisations et autres crises, par exemple économiques. II y a un article de lui qui apparaît sur ce blog en 2015 intitulé « Thermodynamique des transitions économiques » (1) qui parle de ça et cite Tainter et la civilisation Maya.

    Trois ans plus tard, il met sur son blog un « slide » plus facilement accessible aux non scientifiques qui résume ça en une perspective analogique unifiante -c’est ça qui est intéressant, selon moi -(2). Ceux qui me connaissent -ou me découvrent- comprendront alors aussitôt pourquoi je suis si attaché à ce type de perspective unifiante…

    1: https://www.pauljorion.com/blog/2015/03/21/la-thermodynamique-des-transitions-economiques-par-francois-roddier/

    2: francois-roddier.fr/Mines-2018/assets/player/KeynoteDHTMLPlayer.html#0

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