P.J. : Voyez ma postface.
S’agissant des pièces stables (stablecoins en V.O.), celles qui sont conçues pour suivre en permanence la valeur d’une monnaie fiduciaire, généralement le dollar, elles ne représentent qu’une partie limitée de la capitalisation crypto totale.
Ainsi, si j’en crois ce site spécialisé, la plus connue d’entre elles le Tether a actuellement une capitalisation de 79 milliards de dollars, à quoi il faut sans doute ajouter celles de pièces stables moins usitées comme USD Coin pour 51 milliards, BinanceUSD pour 17 milliards et quelques autres plus petites, mais pour un total nettement inférieur aux presque 1400 milliards de la capitalisation totale du monde crypto. Total dont les deux plus grandes cryptos Bitcoin et Ethereum représentent plus de 60%, et aucune des deux n’est une pièce stable.
Il faut donc il me semble distinguer deux éventualités : l’effondrement de toutes les pièces stables, l’effondrement de toutes les cryptos.
1. L’effondrement de toutes les pièces stables est une éventualité qui occupe d’autant plus les esprits que c’est bien ce qui vient d’arriver ces derniers jours à l’une des principales le TerraUSD, conçu comme son nom l’indique pour émuler la valeur du dollar, mais qui ne vaut actuellement que… 13 cents de dollar. Une perte de -87% donc pour les détenteurs de TerraUSD, qui pensaient que sa valeur resterait bien accrochée à celle du dollar. Il s’est agi d’une sorte d’ « accident industriel » dans le processus automatique qui avait jusque-là assuré l’accrochage du TerraUSD au dollar : un mécanisme algorithmique subtil, mais qui a trouvé ses limites.
Cet effondrement brutal et inattendu pose naturellement la question de savoir si d’autres « pièces stables » pourraient connaître le même sort ! Toutes ne sont pas basées sur des mécanismes algorithmiques, certaines sont supposées être adossées à des dollars concrets, ainsi le Tether, mais les détails ne sont pas forcément si clairs, ni si rassurants comme le rappelle notre hôte. Donc il n’est pas forcément incongru d’imaginer qu’elles aussi pourraient rencontrer des problèmes brisants.
Cependant, même l’effondrement de toutes les pièces stables ne ferait disparaître « que » 180 milliards de dollars de capitalisation. Une forte somme certes, mais loin du total perdu au début de la crise des subprimes. Je ne suis pas sûr que le risque de chute de toute la planète finance du seul fait d’une disparition des pièces stables soit alors si grand.
2. L’effondrement de toutes les cryptos, ce serait un ordre de grandeur plus gros, donc tout autre chose oui. Et c’est très certainement possible, le roi des cryptos le Bitcoin est d’ailleurs coutumier de ces effondrements. Par exemple :
– Prix divisé par 3 en avril 2013, chutant jusqu’à 70 $
– Prix divisé par 4 de janvier 2014 à janvier 2015, chutant jusqu’à 200 $
– Prix divisé par 4 en 2018, chutant presque jusqu’à 3 000 $
Le prix a déjà été divisé par plus de 2 depuis novembre 2021, jusqu’à 30 000 $ actuellement, il est tout à fait possible que cette chute continue. Une division par 4 à partir d’aujourd’hui par exemple, de Bitcoin et des autres cryptos, ferait disparaître 1 000 milliards de dollars de capitalisation.
Voilà qui serait plus sérieux mais reste très inférieur aux baisses de capitalisation déjà observées sur les marchés d’actions. Ainsi, le New York Stock Exchange avait une capitalisation totale de 26 110 milliards de dollars début mai donc il lui suffit de baisser de 4% pour faire disparaître plus que 1 000 milliards de capitalisation… or il a baissé de plus de 10% depuis début 2022 ! Une potentielle disparition du plus gros voire de la totalité de la capitalisation du marché des cryptos représenterait donc une perte nettement moindre que les pertes déjà constatées sur des marchés plus classiques tels ceux des actions.
Serait-elle donc vraiment si dangereuse pour la planète finance ?
P. J. : Postface
Deux remarques sur ce qu'écrit Alexis Toulet :
1° Les stablecoins ne sont pas simplement un sous-secteur parmi d'autres des cryptos : ils jouent un rôle stratégique sur le marché des changes entre cryptos. Les opérations passent par les stablecoins parce qu'ils constituent des points d'ancrage stables entre opérations. S'ils n'existaient pas, il faudra passer par ... le vrai dollar, c'est-à-dire ... apparaître au grand jour de la finance officialisée : des banques, du fisc, des régulateurs (gaspation !).
2° Les chiffres absolus quant à la taille d'un secteur financier ne signifient rien en tant que mesure du risque : tout dépend de l'effet de levier (facteur de démultiplication) entre les sous-secteurs en interaction.
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