Avril 2002 : Jospin n’est pas au second tour face à Chirac. Pour la première fois, les citoyens de ma génération sont contraints de faire barrage au FN en raison de la menace que le Pen père fait peser sur la démocratie. Très nombreux sont les bons petits soldats sidérés qui protestent dans la rue, puis qui acceptent dans les bureaux de vote de se faire violence au nom de la démocratie. ( DSK a été le premier à la télévision le soir du 22 avril 2002 à faire cette incroyable proposition. Résultats : Chirac est élu et nomme Raffarin qui mènera une politique ultra-libérale très dure.
Avril 2017 : Marine Le Pen et Macron s’affrontent au second tour. Pour la deuxième fois nous sommes sommés de céder aux injonctions de dirigeants incapables et donc de voter pour le candidat que Hollande a nommé au gouvernement et qui passera pour un socialiste. Macron élu nommera à Matignon Édouard Philippe puis Jean Castex tous deux venus de la droite et ne nourrissant, à l’image de Macron, absolument aucun intérêt pour les questions écologiques. Tous les trois ne se gêneront pas pour tailler des croupières aux Français. Crise des « Gilets Jaunes » réprimée dans une extrême violence. Crise sanitaire très mal gérée selon beaucoup d’observateurs. (Nomination à l’Intérieur de Darmanin pour serrer la vis des citoyens et à l’Éducation nationale, de Blanquer pour entamer la privatisation de l’école.)
Avril 2022 : De nouveau Macron affronte la fille Le Pen au second tour. La plupart des candidats battus appellent à faire barrage à cette dernière au nom d’une démocratie ébranlée. Et de nouveau on nous enjoint de voter pour Macron – super menteur – comme Chirac en son temps, sans la moindre contrepartie. Réélu, Macron nommera un premier ministre soumis qui fera la politique du Médef et de la Finance Internationale car il ne dispose que d’un logiciel, celui de la Start-up Nation dont il rêve pour la France devenue une zone pour touristes. Pendant les cinq prochaines années, il privatisera à marche forcée, verrouillera et posera ici et là quelques cliquets qui ne permettront plus aucun retour en arrière sinon au prix du sang et des larmes. Il désespérera la jeunesse.
Alors, est-il fatal que régulièrement nous tendions une main secourable aux représentants de l’ultra-libéralisme dont la politique en faveur des riches a conduit depuis la fin de la deuxième guerre mondiale à la catastrophe, écologique et sociale et à une nouvelle guerre en Europe ? Mais ne soyons pas dupes, les capitalistes et leurs domestiques n’ont pas fait preuve de leur incompétence, ils ont délibérément choisi l’enrichissement sans vergogne des plus riches et par conséquent l’indigence et la détresse des autres.
Comme moi, beaucoup d’entre nous ne se sentent pas responsables des politiques qui ne sont pas des échecs mais les résultats de choix assumés. Mais de quoi les riches et leurs serviteurs ont-ils peur ? De la colère des peuples, certainement, car le capitalisme a besoin de paix civile pour générer des profits. Mais pourquoi les riches ne satisfont-ils pas les revendications dont la quasi totalité sont raisonnables, des pauvres gens ? Parce qu’ils ne supportent pas que l’on touche à l’argent qu’ils considèrent comme le leur. (Voyez l’origine sociale des élus.) Parce que beaucoup d’entre eux – et c’est une nouvelle fois le cas – savent se ranger cyniquement derrière le drapeau tricolore alors que manifestement la République dans l’intérêt de tous n’est pas le premier de leurs soucis. C’est à nous de nous saisir de la République et de ne laisser personne choisir à notre place nos vies contre nos intérêts.
Il est indispensable de nous occuper de toute urgence de l’état de la planète et des injustices sociales ; il est indispensable d’imposer la révocation des élus incapables ; il est indispensable de ne pas attendre la réélection de Macron pour le contraindre à négocier et à échanger nos votes contre une politique globale, extrêmement ambitieuse en faveur des hommes et de leur environnement. Macron a déjà fait un pas – ridicule certes – sur les retraites. Continuons, le rapport de forces pourrait bien nous être favorables pour la première fois depuis longtemps. Alors, on arrête tout, on discute et c’est pas triste.
Réélu, Macron aura besoin d’un type à poigne à Matignon pour faire passer sa réforme des retraites, pour gérer les dettes publiques et privées, pour faire passer la pilule de l’augmentation du budget militaire, pour privatiser à mort et pour poursuivre la casse de tous les outils mis en place depuis 75 ans. Pour que nous acceptions les discours visant à faire passer de nombreuses idées écologiques pour des détails sans importance. (Voir la Convention Citoyenne pour le Climat.) Mais les idées de droite ne sont pas majoritaires dans le pays, quoi qu’on en pense et dise. Elles pourrissent en extrême-droite c’est à dire en violence car chacun imagine aisément qu’une minorité seule a intérêt à voir notre pays ainsi géré pour le bien d’une extrême minorité.
Nous n’avons pas le choix entre la résignation, la colère et la violence. Il faut choisir la ruse. Je gage que les jeunes gens inconsolables dimanche soir ont déjà retrouvé de l’énergie car les raisons qu’ils avaient de voter contre Le Pen et Macron n’ont pas disparu et les idées qu’ils avaient pour remettre notre monde à l’endroit sont toujours présentes dans leurs têtes. Ne nous laissons pas enfermer dans des pensées anciennes, inventons ce qui ne l’a jamais été.
La menace est trop grande pour que nous confions à des gens qui n’ont rien compris et ne disposent d’aucune solution neuve la tâche considérable de tout repenser pour tout remettre en état.
Apprenons à prendre nos vies en mains, constituons des communautés à taille humaine et résistons.
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