Chacun sait ce qu’est l’effet placebo : lors du test d’un nouveau médicament, on administre au groupe-test la molécule prometteuse, tandis qu’un groupe-témoin ne reçoit lui qu’un simulacre de médicament, un cachet ou une gélule fait d’amidon et de sucre, un placebo. Or une fraction importante des personnes n’ayant reçu que le placebo, voient leur état évoluer favorablement, on constate chez eux un nombre significativement plus élevé de rémissions naturelles que celles observées chez les patients restés en-dehors de l’expérimentation.
L’effet placebo, c’est donc à première vue, guérir d’avoir cru absorber un médicament. Pour l’expliquer, on évoque un mystérieux « pouvoir du mental ».
Mais une expérience réalisée en 2010 oblige à revoir cette explication. Il a en effet été révélé aux patients ayant reçu un placebo qu’il s‘agissait bien de cela : d’un simulacre de médicament et non d’un vrai. Ceci ne les a pas empêchés cependant de guérir aussi bien que si la qualité de placebo du cachet ou de la gélule leur avait été cachée. Les auteurs de l’étude allaient jusqu’à suggérer que dissimuler qu’il s’agissait d’un placebo constituait une tromperie inutile, l’effet se manifestant de toute manière.
Quoi qu’il en soit, cette découverte surprenante prouvait que l’effet placebo n’était pas produit par la croyance d’avoir absorbé un médicament. Mais dans ce cas-là, comment s’expliquait-il ?
Je me suis posé la question et j’ai cherché.
Qu’y a-t-il donc de commun entre tous ceux qui guérissent : les patients ayant reçu un médicament expérimental, ceux ayant reçu un faux médicament que l’on fait passer pour vrai, et les patients ayant reçu un faux médicament dont on les a avertis qu’il était faux ?
À mon sens, la seule chose qu’il aient tous en commun, c’est qu’ils ont été prévenus qu’on leur demanderait dans quelque temps s’ils se sentaient mieux.
Quand on est psychanalyste, la chose sur laquelle on s’interroge chaque jour à nouveau, c’est précisément ce qui fait qu’une analysante ou un analysant, vous dise qu’elle ou lui « se sente maintenant beaucoup mieux ».
Et c’est l’un d’entre eux qui m’y a fait repenser quand il s’efforçait l’autre jour de comprendre la différence entre l’analyse qu’il avait faite pendant plus de huit ans, et celle qu’il menait maintenant avec moi.
« Il y a d’abord l’enquête à la Sherlock Holmes, dit-il, pour découvrir la source originaire de la souffrance. Si cette enquête débouche, comme ce fut le cas pour moi, les trois quarts de cette souffrance sont éliminés. Le dernier quart, c’est justement cette attention qu’un psychanalyste peut vous consacrer quand il prononce – quelle que soit la formulation exacte – ces mots magiques « Un jour, je vous demanderai si vous allez mieux… ».
Or, ajoutait-il, « Mon analyste précédent n’a pas mené l’enquête qui aurait déterminé la cause de ma douleur, et je n’ai pas même eu droit à ces 25% de réduction de peine dont j’aurais pu bénéficier s’il avait manifesté d’une manière ou d’une autre, le souci que j’aille mieux. »
On répète, après Freud, que « l’analyste loue son temps d’écoute », mais un nourrisson, un chat ou un chien, vous écoute aussi, pour un très maigre bénéfice psychologique, et il faut compléter aussitôt « temps d’écoute et d’interprétation » : l’analyste a été formé à décrypter ce que l’inconscient laisse entrevoir de ses propres motivations – beaucoup moins domestiquées que celles du Moi conscient – à travers les rêves, les lapsus, les actes manqués, et surtout, les coq-à-l’âne qui révèlent la manière toute personnelle dont les éléments de mémoire sont liés chez un sujet particulier, ces coq-à-l’âne encouragés par l’ « attention flottante » que favorise la position allongée sur le divan. Le ou la psychanalyste écoute, mais c’est une écoute active : celle d’un être humain en résonance avec un autre être humain.
Placebos without deception: a randomized controlled trial in irritable bowel syndrome
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