La France renforce son niveau d’alerte et déploie trois sous-marins nucléaires en mer
La décision du président Macron – sans doute sur le conseil du chef d’état-major général Burkhard – est double :
1. On multiplie les possibilités de riposte en mettant trois sous-marins à l’eau, ce qui revient à renforcer au maximum la solidité de la dissuasion… au-delà même de ce qui était estimé possible ! L’article dans Air & Cosmos mentionnait la possibilité que les sous-marins soient ravitaillés et leur équipage remplacé… hors de leur base de Bretagne, potentiellement n’importe où dans le monde. Ce qui ne s’est à ma connaissance jamais fait, et rendrait encore plus impraticable à la Russie de tenter de neutraliser un de ces bâtiments. Bref il s’agit d’avoir le nombre le plus élevé possible de missiles nucléaires à l’eau, prêts à tirer
2. On maintient le contact permanent avec la Russie. Les présidents Poutine et Macron se parlent très souvent, c’est l’un ou l’autre qui appelle le premier, et ils passent des heures ensemble. Macron semble d’ailleurs bien être le dirigeant étranger à qui Poutine a le plus parlé dans les dernières semaines voire mois
On peut comparer la situation à une scène de western à la Sergio Leone. Des hommes se font face en pleine rue, et chacun est armé.
En évoquant le facteur nucléaire, la première fois lors d’une rencontre physique avec Macron, puis dans son discours de début de guerre le 24 février, puis en annonçant une alerte nucléaire renforcée le 27, c’est comme si Poutine avait mis la main sur son arme. Peut-être a-t-il même commencé à la sortir de son étui.
Que faire dans cette situation ? Le même geste, sans doute – question de protection, question de dissuasion – mais faut-il s’en tenir là ?
Non. Lorsque des hommes armés se font face, il est impératif de ***parler sans s’arrêter*** C’est une règle psychologique élémentaire, appliquée à ma connaissance consciemment par les forces de police dans ces situations. Parler permet de se faire une idée de ce que pense et comment peut réagir l’autre. Même sans croire son discours, il y a le non-verbal aussi. Et le silence laisserait la porte ouverte à ce que chacun « gamberge » sur toutes ses craintes. D’ailleurs, si la scène initiale de « Il était une fois dans l’Ouest » se termine par un massacre, c’est entre autres parce qu’ils ne se sont pas parlé du tout !
Donc je pense que la manière de faire de Macron est raisonnable.
Là où je suis plus dubitatif, c’est en constatant que le président Biden ne semble pas du tout sur la même ligne. On n’entend aucunement parler de longues conversations entre lui et Poutine, alors qu’elles seraient au moins aussi nécessaires qu’avec le président Macron. C’est en effet des Etats-Unis que Poutine a peur – et il y réagit très mal, et de manière criminelle évidemment ! – non de la France. Et j’imagine fort mal que les Etats-Unis n’aient pas pris eux aussi quelques mesures pour rapprocher la main de leur arme.
Je soupçonne que lorsque Biden traite Poutine de « criminel de guerre », celui-ci réagit mal non parce qu’il en a quoi que ce soit à fiche des noms d’oiseaux que lui adresse le président américain, mais parce que le message sous-jacent est « Je ne parlerai pas avec vous ! » Ce n’est pas une question de sensibilité exacerbée de midinette. C’est beaucoup plus sérieux « Il ne veut même pas me parler… quels sales coups prépare-t-il donc ? » Comme si laisser Poutine gamberger était une bonne idée !
Manière de faire déraisonnable. On ne demande pas à un chef d’Etat de prendre plaisir à avoir de longues conversations avec ses interlocuteurs effectivement pas toujours recommandables, ni à cause de l’intérêt de leur conversation – il y a des raisons de penser que Macron doit subir de longs monologues du président russe sur l’histoire de la Russie, de la perfidie occidentale, et comment l’Ukraine est en fait une partie de la Russie. On lui demande juste de faire son boulot.
Et faire absolument tout ce qu’il peut pour réduire le risque qu’un enchaînement incontrôlé de peurs réciproques mène à des bombardements nucléaires… c’est bien son boulot.
Macron, sur ce point au moins – il y a pas mal à dire sur le reste – fait le sien. Et Biden ?
La Tribune a parlé à plusieurs officiers généraux, et du côté de l’Elysée on semble bien être conscient du risque.
En France, l’armée (craint) notamment qu’un « risque d’humiliation » de Vladimir Poutine le rende encore plus imprévisible et dangereux. Et anticipe ce facteur dans sa stratégie de posture défensive. « Comment va-t-il réagir ? Ira-t-il jusqu’à l’escalade verticale (jusqu’à un conflit nucléaire, ndlr) ? Nous ne l’écartons pas », explique un officier général. « En toute hypothèse, il ne faut exclure aucune possibilité », confirme-t-on à l’Élysée.
« La principale inquiétude est que l’échec est probablement dangereux pour Vladimir Poutine. Mais son échec serait aussi dangereux pour tout le monde. C’est ça qui fait flipper tout le monde », constate un autre officier général.
(…) « Le risque principal, qui fait réfléchir tout le monde, est que Vladimir Poutine, condamné à réussir et ne pouvant pas reculer, utilise d’autres moyens s’il ne réussit pas avec les moyens déjà mis en œuvre », souligne l’un des officiers généraux.
« Dans le pire, il y a certainement le recours à des armes illicites. Il y a certainement d’autres scénarios qui peuvent être à la fois la destruction des villes et des violences encore plus grandes contre les civils. Et le pire n’est pas qualifiable », précise-t-on à l’Élysée.
Quels autres moyens ? De la guerre hybride (câbles sous-marins, cyber, spatial…) à la guerre nucléaire en passant par l’utilisation d’armes chimiques, les possibilités de Vladimir Poutine sont nombreuses et guère réjouissantes.
(…) Le mot de la fin revient au général Burkhard : « (…) Tout peut arriver et nous devons y être prêts ».
A l’Elysée on semble conscient de cela et faire tout ce qu’on peut pour réduire les risques… Et à la Maison Blanche ?
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