L’un d’entre vous m’écrit tout à l’heure : « Yann LeCun et la Dynamique d’affect »
Bonjour Paul, Yann LeCun propose une dynamique d’affect pour résoudre l’AI 🙂
Et en effet, il s’agit de la dynamique d’affect qui constituait le cœur d’ANELLA, le logiciel d’Intelligence Artificielle que j’avais mis au point pour les British Telecom de 1987 à 1990.
J’ai signalé au fil des années ma confiance que l’Intelligence Artificielle finirait par découvrir un jour que c’était là la voie à suivre.
Un extrait de ma vidéo Qu’aurai-je accompli ? du 16 mai 2021
Un nouveau paradigme en intelligence artificielle
Enfin, dernier chapitre, ce que j’ai pu apporter à l’Intelligence Artificielle. Et là, ça s’est fait de cette manière qu’on a l’habitude d’appeler « accidentelle ». Je me trouve à un colloque d’intelligence artificielle mais en tant que spectateur. Je ne suis absolument pas un spécialiste de ce domaine. Je suis juste un anthropologue qui fait des mathématiques pour expliquer différentes choses dans le domaine de la parenté : des structures algébriques, des choses comme ça. Et cette personne m’aborde dans un couloir et me dit : « Écoutez, je crée une équipe d’Intelligence Artificielle à Ipswich pour British Telecom et j’aimerais bien que vous nous rejoigniez ». Je dis : « Ce n’est pas du tout mon domaine » et il répond : « Vous savez, c’est un domaine tout neuf. Il n’y a personne qui ait un diplôme en Intelligence Artificielle. Ce sont tous des gens comme vous ».
Et donc, voilà comment je deviens un spécialiste de l’Intelligence Artificielle. Je réalise un véritable projet, un logiciel. Je le fais tout seul parce que, bon, il n’y a personne qui comprenne véritablement ce que j’essaye de faire. Il s’appelle ANELLA, Associative Network with Emergent Logical and Learning Abilities, un « réseau associatif aux propriétés émergentes de logique et d’apprentissage », voilà. Et je rédige en parallèle, à cette époque-là, un livre qui explique ce que j’essaye de faire [Principes des systèmes intelligents 1989] et là, la nouveauté, je dirais, la différence avec ce que font les autres, c’est que je considère que ce qui est central à la pensée humaine, si on veut la reproduire, c’est la dynamique d’affect.
Et cela ne me tombe pas du ciel non plus : c’est la pensée de Freud, c’est la psychanalyse. C’est ça qui est dit chez Freud : ce qui nous fait penser, c’est l’affect qu’il y a en arrière-plan. Et l’affect qu’il y a là, c’est surtout deux choses : c’est notre souci de survivre, de minute en minute et du jour au lendemain et cet urge, ce drive, cette pression qui nous fait dérailler à tout moment de ce que nous essayons de faire : la libido, le désir de faire l’amour [rires] et qui nous conduit à faire des choses splendides – je ne le nie pas ! – mais qui nous fait dérailler à tout moment de ce que la pensée consciente essaye de nous faire faire.
Je propose quelque chose qui, en fait, n’a jamais été utilisé. Le livre, je l’ai relu récemment parce que j’allais en faire un commentaire, le livre se tient toujours. Il y a toujours là un projet véritable d’Intelligence Artificielle sur une base assez différente de ce qu’on fait, de ce que tout le monde fait depuis cette époque-là. Ça a paru en 1989. Ça fait un moment, 11+21 = 32 ans. C’est un projet toujours à faire [P.J. : depuis, j’ai signalé dans ma vidéo du 29 mai 2021, avoir été contacté la veille par une firme d’intelligence artificielle italienne dont le projet est précisément celui-là et qui me propose un partenariat].
Un extrait de ma vidéo Le temps qu’il fait le 5 décembre 2014. (Avait été cité en 2016 par Juliette Wolf dans Convocation de la psychanalyse dans le monde de l’intelligence artificielle, un article qui m’était consacré).
Et d’une certaine manière, moi je n’ai pas vraiment regretté de quitter l’Intelligence Artificielle à ce moment-là [1990], au moment où je l’ai quittée, parce que je m’étais engagé dans une voie absolument différente de tout le monde. On verra si un jour on appelle ça « novateur », mais à ce moment-là, bon, j’ai fait la chose qui surprenait tout le monde. Les gens qui travaillaient autour de moi, ils avalaient des gros traités de logique formelle, et moi j’ai dit : « Eh bien, on va prendre Freud et Lacan et on va faire marcher une machine à partir de ça. » Voilà ! Alors, c’était l’époque où dans le domaine des scientifiques – je ne parle pas de la société dans son ensemble – la psychanalyse, ça passait pour un truc de charlatans. Ça va changer, bien entendu, on va se rendre compte que la psychologie dont on a besoin dans ce domaine de l’Intelligence Artificielle, et ça, je l’ai déjà dit dans mon bouquin que j’ai écrit en 89, « Principes des systèmes intelligents », le type de psychologie dont on a besoin pour rendre des machines intelligentes, c’est le type de compréhension qui vient de Freud, de Lacan, de Mélanie Klein, enfin un certain nombre de personnes qui ont réfléchi à ces trucs-là.
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