Retranscription de ma vidéo « Et maintenant, la guerre », du 26 janvier 2022.
Bonjour, nous sommes le mercredi 26 janvier 2022 et j’aurais espéré de mon vivant, mais on espère toujours les choses de son vivant, que je n’aurais jamais à intituler une de mes vidéos : « Et maintenant, la guerre » mais je serais complètement irresponsable si je ne le faisais pas aujourd’hui, maintenant que la guerre, une guerre thermonucléaire, est à nos portes. C’est une question quoi de, allez, maximum d’une semaine, c’est une question de jours probablement et on n’a rien vu venir. [Parenthèse : point sur la situation Covid-19]. Des troupes russes se sont massées à la frontière de l’Ukraine. Il y a des troupes russes également en Biélorussie pour attaquer l’Ukraine de part et d’autre à partir de l’idée que l’Ukraine fait partie d’un grand monde russe et que le moment est venu de mettre fin à une anomalie d’autant que, voilà, du côté occidental, du côté de l’Otan, on n’a pas pu s’empêcher de vouloir étendre le monde qu’on appelait « libre » autrefois, à l’époque de la Grande Guerre Froide, de vouloir inclure l’Ukraine dans le monde occidental et des ennemis de la Russie.
Alors, pourquoi est-ce que ça se passe maintenant ? Eh bien, ça se passe maintenant parce que les États-Unis sont très affaiblis et ils parlent au mieux de sanctions économiques qui seront essentiellement des sanctions économiques qui paralyseront l’Europe occidentale. Ils envoient 8 500 soldats en face du demi-million de Russes de l’autre côté. C’est très sympathique, c’est gentil : c’est un geste symbolique comme on dit. Il y a, du côté de gens qui estiment avoir souffert de la Russie, du côté de la Roumanie, Bulgarie, les Pays Baltes, une mobilisation. Le Danemark envoie des avions, c’est quoi, en Lettonie. L’Espagne envoie des avions, c’est où, je ne sais pas. La France va faire un geste symbolique envers la Roumanie, il est peut-être même déjà en cours, c’est-à-dire que, voilà, la guerre est là, la guerre est là.
Quand on m’a demandé il y a deux ans à l’Université Catholique de Lille de faire une série de conférences immédiatement sur l’après-Covid – on était en plein début donc on s’est dit « comment ce sera après ? » – un des thèmes que j’ai développés à ce moment-là – je l’avais déjà mentionné dans des livres précédemment – c’est le risque de guerre thermonucléaire généralisée à l’échelle de la planète. C’est un thème qui était peu développé. Pourquoi ? Je n’en sais absolument rien. Nous sommes un pays armé d’armes nucléaires. On a compté sur un équilibre de la terreur jusqu’ici pour ne pas les utiliser mais ce genre de miracle ne dure pas éternellement. Pourquoi n’y a-t-on pas pensé ? Je ne sais pas, d’autant qu’il y a des conflits larvés entre le Pakistan et l’Inde, du côté d’Israël, etc. qui sont une poudrière permanente et maintenant, il y a la possibilité, la possibilité pour la Russie de, je dirais, de prendre sa revanche sur la fin de l’Union soviétique. Ce n’est plus un régime de type soviétique. Il lui reste en commun un autoritarisme entre celui de Poutine et celui des dirigeants soviétiques de l’époque mais enfin bon, c’est la Russie.
La Russie a très très bien joué, la Russie va gagner, c’est clair. Comment est-ce qu’elle a gagné ? Elle a gagné par sa politique des agents dormants. Elle a recruté (en 1987 probablement), à l’époque, c’était l’Union soviétique, elle a recruté Donald Trump comme un agent dormant qu’elle utiliserait un jour ou l’autre. On l’a déjà utilisé en 1987 : il a fait un peu de propagande pour l’URSS dans les journaux américains mais jusque-là, on l’a laissé dormir.
On l’a laissé dormir, et puis on a vu une occasion, on a vu des États-Unis de plus en plus polarisés. Les anciens camps de la Guerre de Sécession : les Nordistes et les Sudistes, se sont reconstitués. Quand j’ai commencé à parler de Trump durant sa présidence, au début 2017, quand j’ai vu qu’il prenait véritablement le camp des ségrégationnistes blancs et, comment les appelle-t-on, les suprémacistes blancs, j’ai compris, je l’ai appelé « le Général sudiste de l’armée en déroute » mais son armée a rapidement cessé d’être en déroute et, en ce moment, il est à la tête d’une armée qui est en train de gagner suffisamment pour que la Russie considère que les Etats-Unis sont entièrement affaiblis, et ils le sont. Ils sont paralysés dans des querelles de savoir s’il faut même arrêter, condamner Trump pour sa sédition. Mais tout ça arrive très tard : le pays est déchiré. Le pays est constitué en particulier, voilà, de 40 % disons des gens qui considèrent que Biden n’a pas véritablement été élu et 60 % qui considèrent qu’il est élu et lui, il est paralysé en ayant des majorités riquiquis et avec ce système qu’on utilise aussi d’ailleurs, qu’on a su imposer en Europe aussi, c’est-à-dire que les mesures de droite demandent des majorités simples de plus de 50 % et les mesures de gauche demandent des majorités de deux-tiers. Pourquoi est-ce qu’on a laissé ça se mettre en place ? Par le rapport de force, par le rapport de force en faveur justement des gens qui ont imposé ce type de choses.
Alors, comment est-ce que la Russie a fait pour gagner cette guerre ? J’en parle déjà au passé. Est-ce que je serai là pour faire des trucs après ? Je ne pense pas honnêtement. J’ai l’impression que tout ça va péter de manière tout à fait spectaculaire. Comment elle a gagné ? Grâce à la doctrine Guérassimov. Je dirais qu’il y aura une certaine morale, c’est-à-dire que les plus malins auront gagné. C’est quoi la doctrine Guérassimov ? C’est de voir les failles à l’intérieur du système en face et de jeter de l’huile sur le feu, d’encourager les deux camps à en découdre, provoquant une polarisation dans la société qui la fragilise.
La difficulté pour des gens comme moi qui alertent, voilà, qui alertaient sur la crise des subprimes avant qu’elle n’arrive, quelqu’un qui a dit « Brexit casse-cou ! », quelqu’un qui a publié en 2016 un livre disant : « Le dernier qui s’en va éteint la lumière » sur l’extinction, qui parle, voilà, de la montée du fascisme aux Etats-Unis – j’en parle depuis 2015 – j’ai détaillé entièrement la vie de Poutine – pardon, je les confonds toujours – de M. Trump comme agent soviétique d’abord puis comme agent russe. J’en ai fait deux livres. On aimerait dire selon l’expression consacrée que mes livres ont provoqué un « intérêt certain » ou, comment dit-on, un intérêt… Bon, il y a une expression pour ça … mais ça n’a même pas été le cas. Ce sont deux cailloux qui sont tombés dans l’eau. Pourquoi ? Parce que d’un côté, la presse est de plus en plus de droite dans les pays occidentaux, en France en particulier. Pourquoi ? Parce qu’elle a été complètement phagocytée par des personnalités de droite. Elle a cessé d’avoir un intérêt quelconque à ce que je puisse m’exprimer dans les journaux, à la radio, la télévision et par ailleurs, comme je dénonçais d’une certaine manière, je dirais, les avancées de la Russie, la presse d’opposition financée par la Russie – dont on sait exactement qui c’est puisqu’il y a eu une photo à l’Ambassade de Russie qui montrait exactement qui était là – n’a pas eu intérêt du tout à encourager, à faire parler des gens comme moi qui montraient que la Russie était en train de l’emporter grâce à cette doctrine Guérassimov et donc c’est passé inaperçu. Il y a deux livres, vous pouvez encore les trouver ou bien vous les découvrirez dans les cendres, dans les décombres un jour ou l’autre mais vous aurez autre chose à faire que de les lire à ce moment-là.
Pourquoi ? Une question tout à fait générale, pourquoi est-ce que les gens font si peu attention aux avertissements ? D’abord parce qu’il y a des intérêts qui y sont opposés. Il y a des gens dont c’est l’intérêt qu’on ne dise pas que ça va aller mal et, d’autre part, je crois que c’est essentiellement parce que nos sociétés sont sur des rails en général ou même de manière tout à fait générale, il est bien possible que nous soyons dans des systèmes entièrement déterministes et que ce que je vous dis là, ce matin, était écrit de toute éternité. Je ne suis pas loin de le croire. Est-ce que ça m’a conduit à un fatalisme dans ma vie ? Non, pas du tout puisque nous avons quand même cette chose que nous appelons la conscience et qui nous fait croire que nous avons un libre arbitre et qu’on peut crier casse-cou, on peut apparaître comme un « prophète de malheur », on peut essayer de secouer les choses mais j’aurai eu au moins la preuve que ça ne sert absolument à rien. Si on a un « intérêt poli » (voilà l’expression que je cherchais tout à l’heure) : mes livres ont suscité un « intérêt poli ». Il y en a un qui a suscité un véritable intérêt, un de mes livres justement, c’est « Le dernier qui s’en va éteint la lumière » et où est-ce qu’il a suscité un véritable intérêt ? Je le sais par le montant des droits d’auteur, c’est en Chine, voilà. Donc, les Chinois savaient que ce que je disais ce n’était pas n’importe quoi mais dans le pays où j’habite, voilà, au mieux, un « intérêt poli ». Je ne vais pas me lancer des fleurs à la veille d’une guerre mondiale.
Qu’est-ce qui va se passer ? Bon, voilà, les Russes vont envahir l’Ukraine. On va prendre des mesures. Ils vont cesser d’envoyer du gaz de notre côté. Les chaînes d’approvisionnement qu’on appelle supply chain maintenant vont être complètement fichues. Tout ce dont on a besoin est fait en Chine de toute manière et la Chine est en train aussi de réentrer dans du confinement.
De toute manière, même s’il n’y a pas la guerre, les prix vont exploser. On me montre un article : « Ah, il y a peut-être un problème d’inflation ». Non, il y a pas de problème d’inflation, c’est que le prix de tout va être multiplié par 10 du jour au lendemain. Il y aura du cornering comme on dit en anglais, je sais plus comment on dit en français. En fait, les gens vont essayer de garder les choses et de faire monter les prix, ça a un nom en français [P.J. de l’accaparement]. C’était d’ailleurs puni de mort, il y avait une proposition de punir de mort pendant la Révolution française.
Ça va être, bon, une guerre généralisée et en plus, on ne sait pas, est-ce qu’on va se retenir longtemps d’utiliser les armes nucléaires ? Non, il y a l’un ou l’autre qui va penser que pour une raison de politique intérieure, c’est une bonne chose de les utiliser avec la situation qu’on a maintenant, un demi-million de troupes ou plus massées devant l’Ukraine, nous qui devrons faire semblant que, voilà, qu’on va faire quelque chose quand même. Ça va être la… je ne voulais pas dire « la panique », mais ce sera sûrement la panique mais ça risque d’être la fin. Quand les gens parlent d’effondrement, ils imaginent que voilà… Ils n’imaginent en fait rien du tout. Si : je vais prendre ma bagnole. Ils ne pensent pas au fait qu’il y aura un million de personnes sur les routes et qu’on ne pourra plus avancer. Je vais me réfugier quelque part. Il y en a qui sont déjà en Nouvelle-Zélande mais souvenez-vous du film : « On the Beach » [« Le dernier rivage »] qui nous montre… Là, on ne parle pas de la Nouvelle-Zélande mais on parle de l’Australie, les malheureux Australiens qui croient encore, quand la guerre thermonucléaire a eu lieu, qu’ils vont peut-être survivre quand même, que le nuage passera à côté. On a déjà entendu ça. Non, c’est très très très mal barré.
Bon, il n’y a rien de plus à dire. Si, je vais faire ce que j’ai fait jusqu’ici, vous expliquer pourquoi ça va de mal en pis aux États-Unis au jour le jour comme je l’ai fait, vous expliquer pourquoi le Brexit ça ne pouvait pas marcher et que ça n’a pas marché, pourquoi on continue d’aller tout droit vers l’extinction et que ça s’accélère bien entendu. [Parenthèse : point sur la situation Covid-19].
Alors, j’ai toujours espéré que mes prévisions alarmistes ne se réalisent pas. Malheureusement, du côté d’avoir espéré que ça ne marche pas, que je me trompe, j’ai été très très déçu, et j’espère sincèrement être déçu cette fois-ci mais une fois de plus, une fois de plus, je ne suis pas optimiste. Bon, on va voir.
Allez, à bientôt j’espère.
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