Je tente un résumé de ce qu’on a appris depuis le début de la semaine.
– Dans une mise en scène télévisuelle, le ministre des affaires étrangères russe Lavrov a dit à Poutine que les voies de la diplomatie pour obtenir les « garanties de sécurité » que la Russie exige ne sont pas encore épuisées, et Poutine l’a autorisé à poursuivre sur la voie diplomatique
– Dans sa conférence de presse avec le chancelier allemand Scholz, le président Poutine a rappelé que ces exigences sont toujours aussi valides et urgentes
– Un responsable militaire russe a annoncé que, certains exercices étant terminés, certaines unités commencent à rentrer dans leurs casernements. Cette annonce ne pourra pas être vérifiée par les analystes indépendants – ceux qui se basent sur les sources ouvertes, et sont bien plus fiables que toutes les CIA et FSB car ils ne sont l’instrument d’aucun pouvoir – avant quelques jours. Ils en appellent à la prudence
– En attendant, les forces russes déployées à proximité de l’Ukraine continuent de compter plus de 100 groupes tactiques bataillon. Quelques éléments de comparaison : l’armée de terre russe en compte environ 170, si l’on comptait l’armée de terre française de cette façon elle représenterait 40 à 45 de ces groupes tactiques, et les forces russes qui ont écrasé les forces ukrainiennes en décembre 2014 / janvier 2015 représentaient 10% seulement de ce qui est déployé aujourd’hui – depuis les Ukrainiens ont progressé, mais les Russes aussi, probablement davantage
– La Douma russe a voté mardi un appel au président pour qu’il reconnaisse les deux Etats séparatistes de l’est de l’Ukraine la république populaire de Donetsk et celle de Luhansk. Cette motion est maintenant dans les mains de Poutine, qui y répondra, ou non, au moment où il le voudra
– Le Sun de Grande-Bretagne annonçait hier que l’invasion commencerait mercredi dans la nuit à 1 heure par un barrage massif de missiles et 200 000 soldats (alors qu’il n’y en a pas autant). Selon le renseignement américain, paraît-il ! L’article a été changé à 1h41 cette nuit – allez savoir pourquoi – maintenant c’est seulement « à n’importe quel moment »
Il y a pas mal de manières contradictoires d’interpréter ces événements. Par exemple :
– Le pouvoir russe a pris peur devant la ferme détermination des Etats-Unis et de l’OTAN. Non seulement Poutine n’envahira pas l’Ukraine, mais il ne fera rien d’autre, il va s’écraser dans son coin et ne plus parler de « mesures militaro-techniques » s’il n’obtient pas de garanties, même si ça lui donne l’air d’un simple gueulard faible
– La Russie n’est pas suspendue à la précision avancée par la CIA comme quoi « l’attaque aura lieu mercredi 16/2 » et prend quelques jours de plus – d’ailleurs les jeux olympiques ne finissent que ce dimanche et il n’était pas prévu d’attaquer avant pour ne pas froisser Xi Jinping. En attendant, une petite feinte ne peut pas faire de mal
– L’attaque était bien prévue aujourd’hui, mais en le découvrant, la CIA a forcé Moscou à changer ses plans. La manœuvre informationnelle destinée à convaincre la population russe que la Russie est obligée d’attaquer doit être repensée – il y faut un peu de temps, et en attendant on meuble
– Poutine n’a jamais eu l’intention d’envahir l’Ukraine. Le déploiement militaire était destiné à intimider l’Ukraine pour qu’elle reste l’arme au pied alors que Moscou s’apprête à reconnaître les Etats sécessionnistes du Donbass puis à les aider à « libérer » l’ensemble du territoire qu’ils revendiquent
– Poutine n’a jamais eu l’intention d’envahir l’Ukraine. La suite des opérations, ce sont des déploiements de missiles destinés à inquiéter non plus les Ukrainiens et les Européens, mais bien les Américains, afin qu’ils soient « motivés » à retirer leurs missiles du voisinage du territoire russe
Ces interprétations sont pour la plupart mutuellement exclusives – et la liste n’en est pas forcément exhaustive. Bien malin qui pourrait choisir la bonne ! Bien malin – ou bien imprudent.
Je ne peux que renvoyer à la conclusion du colonel Goya dans le lien donné plus haut
Tout est en place pour une offensive et si offensive doit se faire, elle se fera sans signal préalable. Les choses à suivre sont dans les déclarations de Poutine. Lorsqu’il clamera victoire et que les forces sur la frontière se réduiront, la crise sera passée, mais cela peut durer encore des mois.
Les forces sur la frontière sont-elles en train d’être réduites ? Impossible à dire pour l’instant, et si oui dans quelle proportion. Poutine a-t-il clamé victoire ? Absolument pas.
Toute conclusion sur l’issue de cette crise est très prématurée.
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