Travailler avec un bon analyste

En réponse, à l’instant, à un analysant.

La difficulté dans un champ comme la psychanalyse, dont le fondateur est un génie sur le plan intellectuel et un champion hors-pair de la compréhension intuitive, c’est : « Comment faire en sorte que les héritiers soient véritablement à la hauteur, d’autant que la transmission ne peut se faire, pour un savoir en grande partie empirique comme celui-là, que par l’apprentissage auprès d’un maître ou d’une maîtresse ? »

Le processus étant décrit comme cela, il ne peut y avoir que déperdition, un peu du savoir originel se perdant nécessairement à chaque nouveau chaînon dans la transmission.

Pour que le savoir du fondateur et la part susceptible de se transmettre de sa pratique, ne se perdent pas entièrement en route, il faut qu’apparaissent périodiquement, comme jalons dans la chaîne, des refondateurs et refondatrices qui, non seulement font délibérément retour au message des origines, mais aussi le réinventent partiellement dans le nouvel esprit du temps, voire même, dans des cas exceptionnels, parviennent encore à améliorer l’apport de Freud dans quelques interstices, ici ou là.

J’ai eu la chance de cette exceptionnalité en devenant l’analysant de Philippe Julien. Bien sûr, cette chance est toute relative puisque c’est mon amie Judith Feher-Gurewich qui m’a dit, me faisant de gros yeux : “Il est passé par ici [Boston], il FAUT que tu ailles le voir !”.

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15 réponses à “Travailler avec un bon analyste

  1. Avatar de Maddalena Gilles
    Maddalena Gilles

    Un peu trop humble à mon avis : il n’y a pas que le (ou la) maître…

    Une fois entrés dans ce jeu-là, ce qui compte le plus, je pense, c’est l’expérience.

    Votre expérience avec des tas de gens différents —qui se mentent souvent à eux-mêmes, et donc à vous, sans le vouloir…
    Un médecin, en consultation, doit pareillement faire la part du symptôme présenté et du problème sous-jacent, non-dit…

    Freud ! D’accord… autant que vous voudrez !
    Mais sans votre expérience personnelle où en seriez-vous aujourd’hui ?

    1. Avatar de XTIAN
      XTIAN

      Plutôt de la fausse humilité
      Se sentir important dans le sillage d’un génie et d’un champion hors pair
      Se sentir augmenté car on a été l’ analysant d’un Maître
      En attendant la question d’un lecteur « Maître, quel message voulez vous faire passer »

    2. Avatar de Paul Jorion

      Bien sûr, il faut avoir beaucoup lu, disait Freud, mais aussi, beaucoup bourlingué, beaucoup observé les autres, et s’être jugé soi-même en interaction avec eux, des bars louches aux palaces, dirais-je personnellement. Et c’est ce qui me fait dire que le deuxième plus grand psychanalyste après Freud, c’est Georges Simenon.

        1. Avatar de Guy Leboutte

          Merci pour cet intéressant article, Rosebud.
          Cependant vous dites « Drôle d’idée! » en réponse à Paul qui nomme Simenon deuxième plus grand psychanalyste après Freud, et à l’appui de vos dires, vous donnez un texte biographique. Ce n’est pas la vie de Simenon qui montre son éventuel talent de connaisseur des passions humaines, c’est bien son oeuvre !
          Freud lui-même ne manquait pas d’être bizarre. Pendant des décennies, sa belle-soeur célibataire qui vivait avec le couple Freud, devait traverser la chambre conjugale pour entrer ou sortir de sa chambre, et pendant des années le grand bonhomme, accablé par un cancer, était devenu cocaïnomane, écrivant même qu’il était « plus normal que normal » sous l’emprise de ce produit. Personnellement, « Dieu me pardonne » (Brassens)*, je trouve très névrotique la manie des détails de Freud dans l’organisation de la société internationale de psychanalyse et la désignation de sa garde rapprochée, dont chaque membre le décevra en fait, comme c’est bien raconté par Erich Fromm.
          Pour Freud aussi, il faut juger son oeuvre, pas sa biographie.
          « Il y a un gouffre entre l’homme et l’oeuvre, disait Aragon, qui s’y connaissait.

          PS: * « Qu’il me pardonne ou pas, d’ailleurs je m’en fous« , du même.

          1. Avatar de Rosebud1871
            Rosebud1871

            Guy Leboutte 2 février 2022 à 17 h 10 min

            Je ne doute pas du talent de Simenon pour mettre en scène les passions humaines comme vous dites, mais le qualifier de psychanalyste est autre chose. J’ai le souvenir d’avoir lu ses mémoires intimes, non sans malaise sur son lien avec sa fille. D’une façon générale, je constate que certains parcours hors norme sont payés chèrement par leur entourage, d’où mon malaise, c’est probablement le cas chez d’autres plus communs, mais ça ne se sait pas par les médias. Pour vos remarques sur Freud, je sais tout ça, y compris pour le petit malin qui est allé chercher un vieux registre d’un hôtel Suisse montrant que Freud avait réservé une seule chambre avec sa belle sœur. Il y a nécessairement une articulation entre biographie et œuvre, les analystes s’en sont parfois donné la peine en s’égarant souvent. L’engagement communiste d’Aragon sans rapport avec sa blessure de classe – non reconnu par son père grand-bourgeois – je n’y crois pas.

            1. Avatar de Guy Leboutte

              Rosebud
              Ok ok… Je crois qu’il ne faut pas prendre dans toute sa rigueur le mot de psychanalyste, ici appliqué par l’hôte de ce blog à Simenon. De toute évidence, il ne s’agit pas de cure ou de technique analytique :)))
              Mais peut-être après tout n’aimez-vous pas Simenon? https://www.youtube.com/watch?v=JWG3FN-9Kps

      1. Avatar de Hervey

        Si l’écriture est un outil d’observation et d’analyse, c’est la littérature même qui devient un vivier de ou pour soignants.
        Balzac et sa Comédie Humaine, La Bruyère et ses Caractères, Flaubert et Madame Bovary … la liste est longue de Cendrars à Suétone.
        Pas interdit non plus de laisser entrer les auteurs de BD de Claire Bretécher à Hergé, eux aussi ont balisé la route.
        Et en ce siècle ne sommes-nous pas façonnés par ces personnages sortis des films de Fritz Lang, Fellini, Eric Rohmer … ?
        Hum ! Ne fais-je pas l’apologie du blog Jorion sans m’en rendre compte.
        (:-))

  2. Avatar de Guy Leboutte

    Je suis assez sceptique sur cette vision du génie fondateur dont le savoir ne peut que se perdre… Elle va à l’encontre de tout ce que nous savons sur la production du savoir par le collectif (comme sur ce blog il a souvent été parlé du « cerveau collectif »), et qu’aucun fondateur n’existe en-dehors de l’époque et de ses savoirs, confirmés ou en création, dont elle est la matrice, ce qui n’enlève rien à l’exceptionnalité de certains individus qui feront rupture ou nouvelle orientation.

    S’agissant de la psychanalyse, et plus précisément des psychanalyses didactiques, faut-il considérer ces dernières comme une « transmission », ce qui effectivement ouvrirait la possibilité, ou l’inéluctabilité même, d’une perte, ou comme autre chose? Très simplement, l’analyse didactique est-elle autre chose qu’éprouver soi-même un parcours que plus tard on invitera d’autres à emprunter?

    Il ne me paraît pas difficile de considérer que les apprentissages par compagnonnage, non seulement transmettent avec peu ou pas de perte, mais peuvent aussi intégrer les perfectionnements ultérieurs au fil des générations. Je crois avoir compris que les « cures » menées par Freud lui-même ne ressemblaient à rien de ce que l’on connaît aujourd’hui. Ses psychanalyses étaient menées à un rythme de cinq séances par semaine et duraient peu de temps, quelques mois, et péchaient peut-être par une illusion scientiste (l’époque!), selon laquelle un refoulement dévoilé et expliqué devait libérer du symptôme… Un de ses patients figurant parmi ses Cinq psychanalyses, était-ce L’homme aux rats, a vécu le restant de ses jours entretenu par les associations psychanalytiques: sa cure a contribué au savoir psychanalytique, mais pas à sa « guérison »…

    Vaste sujet !

    (PS: de quoi puis-je m’autoriser pour dire tout ça? J’ai suivi concomitamment une longue psychanalyse lacanienne et une thérapie reichienne, j’ai eu l’occasion de parler avec une « ratée » de la psychanalyse (son psychanalyste lui disait qu’elle en avait terminé, mais elle était toujours en souffrance), et dans mes lectures, à part Erich Fromm et son humour sur Freud en chef d’armée ou de parti, la lecture de deux livres de Tobie Nathan – ethnopsychiatrie – qui font éclater la vision occidentale du psychisme m’a fait la plus grande impression. J’ai aussi suivi une formation professionnelle avec un éricksonien qui avait du génie, et au bout du compte il me semble que la théorie du champ unique du succès thérapeutique n’existe à ce jour pas plus que la théorie du champ unique des physiciens: de nombreuses écoles s’affrontent, ont des succès et des échecs, la psychanalyse comme les autres. Un fait d’observation courante est remarquable : la thérapie qui va réussir pour un sujet est souvent la deuxième ou la troisième qu’il entreprend.)

  3. Avatar de baloo
    baloo

    Coucou,

    C’est grave docteur ?

    Cette addiction au pire ? Qu’est ce que cela cache ?

    https://www.nouvelobs.com/coronavirus-de-wuhan/20220202.OBS53962/le-scenario-du-pire-s-eloigne-le-pic-de-la-cinquieme-vague-est-il-enfin-passe.html

    Alors je vous invite à créer un blog pour analyser vos angoisses de fin de monde.

    Ah c’est déja fait ! Bon ben continuez, c’est quand même interessant vos points de vue, même si je ne partage pas vos obsessions.

    Bonne journée

    STéphane

    1. Avatar de François Corre
      François Corre

      « Le nombre de patients Covid n’y a jamais dépassé 4 000 [soins critiques] lors de cette vague, et il diminue depuis dix jours. »
      Euh, oui, mais plus 117 patients sur les trois derniers jours, font bien de préciser de « rester prudent »… 🙂

  4. Avatar de Bernard
    Bernard

    « La difficulté dans un champ comme la psychanalyse, dont le fondateur est un génie sur le plan intellectuel et un champion hors-pair de la compréhension intuitive »

    « Génie ». Vous êtes sûr ? Certains parlent de génie du mal…
    https://sante.lefigaro.fr/article/sigmund-freud-grand-maitre-de-l-esbroufe/

    Il y aurait aussi beaucoup à dire sur la notion de « compréhension intuitive « .
    Comment valider une intuition de façon objective ?
    Il semblerait que depuis les débuts de la psychanalyse, la notion de BIAIS de confirmation est élevée le débat .
    La pauvre petite Anna O ne fut elle pas rendue malade par une médication dont les effets n’était pas maîtrisée ? Sa prétendue guérison ne fut elle pas un des mensonges fondateur d’une renommée fabriquée ?

    Perso, si je suis mon intuition , la photo de Freud évoque un regard qui me dit : «  Il me plait ce luxe de vous enfumer avec mes théories , mais surtout … surtout , combien vais je pouvoir soutirer de ces plaignants qui m’entourent ( sous entendu « tous fous sauf moi «  ) , combien d’argent et surtout de notoriété ? « .

    Comment valider cette intuition là 😊?

    Par le bilan qu’en fait l’Histoire seulement ?
    Beaucoup lu , beaucoup vécu , deux données qui expliqueraient une supériorité infaillible dans le discernement ?

    Quand on cherche à comprendre les raisons des bugs ou des réussites de l’intuition et de l’intellectualisme , une partie du voile est levée.

    1. Avatar de Paul Jorion

      Il y a un truc là… je ne sais plus exactement comment ça marche, mais il est question de « chiens » et de « caravane »… Vous voyez ce que je veux dire ?

  5. Avatar de Bernard
    Bernard

    Freud…

    Dans ce travail sur l’inconscient , on peut retrouver l’idée d’une recherche des forces obscures qui nous animent . Bon point .
    Freud met beaucoup apparement sur le compte de la sexualité . » . Mauvais point, surtout si l’on considère les dangers de la projection .

    S’il avait vu la religion sous un autre angle , il aurait envisagé que le monde invisible, dont bien des peuples dit «  primitifs «  font plus que soupçonner l’existence , est peuplé de bons et mauvais esprits.Dont ceux qui incitent à préférer l’ironie au dialogue.

    Rechercher des solutions à travers une supposée intuition , pour lui donner finalement l’apparence de la raison : une forme de folie comme une autre quand la réalité se montre tout autre que ce qu’en dit « l’intuition «  supposée.Pour exemple , Le cas de l’échec de la psychanalyse face aux enfants autistes est patent.

    Freud sait il jamais interrogé sur son besoin de mentir ? Ces mensonges lui venaient ils de son seul orgueil ou des suggestions de ce que certains appellent « le malin » .
    Quand on se croit superbement intelligent , la notion qu’il existe plus performant que soi échappe.
    L’humilité est un remède à bien des maux.
    Freud s’est fait dupé par son athéisme. Votre admiration manifestement sans bornes du «  maître » prouve qu’il a fait des émules.
    Aujourd’hui , on ne dirait pas maître mais gourou.

    Ce qui n’empêche pas que Les bons analystes existent probablement ., vous en faites possiblement partie.
    La seule écoute bienveillante soigne bien des maux.

    Mais ne pas réfléchir aux causes des errements historiques de la psychanalyse , au lieu de se contenter d’une admiration sans bornes ( le qualitatif de «  maître » ) qui a tout de l’idolâtrie, c’est une erreur .
    Erreur qui devrait pouvoir s’expliquer … mais j’oubliai , la caravane ne pense qu’à passer, et les chiens qu’à aboyer, soit disant.

    Chacun sa musique , la mienne me dit « Tout passe sauf… « 
    vous voyez ce que je veux dire .

    https://blogs.mediapart.fr/jacques-van-rillaer/blog/110718/anna-o-le-cas-paradigmatique-de-la-psychanalyse

  6. Avatar de Ghost
    Ghost

    La contribution de Freud pour forger une mentalité moderne au niveau collectif était énorme. Mais comme méthode clinique, la sitatuion est différente. Il y a toujours des adeptes orthodoxes du freudisme, et je dirais surtout en France, mais la plupart des psy titulaires d’une formation reconnue en psychothérapie pratiquent d’autres méthodes ou un « micmac » de différentes méthodologies cliniques, adaptées au client, centrées sur sa problématique.
    J’ai discuté récemment avec un psychanalyste allemand lors de ma visite à l’université de Cambridge, qui me disait seulement quelques universités allemandes enseignent encore la psychanalyse freudienne, et même à Francfort, jadis haut lieu de la psycha. allemande après 1945, le département freudien vaccille. Autrement le freudisme ne suscite plus beaucoup d’ intérêt, contrairement aux années 60 ou 70. Malgré tout, une analyse « pragmatique » est invariablement remboursé par la sécu, mais moins en nombre que les thérapies comportementales.

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