Dans Moïse ou la Chine. Quand ne se déploie pas l’idée de Dieu * de François Jullien paru ce mois-ci chez L’Observatoire.
Pages 93 et 94 :
… du côté chinois, il n’est pas dressé de Scène originaire engageant d’emblée un questionnement sans fin [P.J. Dieu crée Adam et Ève pour leur reprocher aussitôt un million de trucs – pourquoi, dans son infinie bonté, ne leur a-t-il pas épargné ces avanies ?] Par suite, ne se voit pas développer de réflexion existentielle ouvrant à la diversité des interprétations [P.J. Mais, bon dieu, pourquoi ?]. Un dispositif relationnel, fonctionnel, se trouve d’ores et déjà impliqué, au niveau du monde comme de l’humanité, d’où dérive le principe d’un bon gouvernement [P.J. Les Chinois comprennent spontanément qu’ils naissent au sein d’un merdier et que la priorité c’est de se retrousser les manches pour ramener un peu d’ordre dans tout ça]. Ce n’est d’ailleurs pas l’homme, en tant que tel, qui se trouve en cause (« Adam »), mais la « multitude » du peuple d’un côté, de l’autre la capacité « vertueuse » du souverain, celui-ci étant chargé d’incorporer l’ordre ou « commandement » du Ciel au sein du social [P.J. Ce n’est pas juste une affaire de « Moi-je », mais de tout le monde]. De sorte que la cohérence tissée par la pensée de la Régulation fait barrage – ou vient à bloquer – la question d’un sens, abyssale comme est celle-ci [P.J. Arrête de te poser des questions : bosse !]. Ne surgit pas de grand Pourquoi énigmatique ni ne se creuse d’enjeu dramatique – cette cohérence est sans béance par où s’engouffre une interrogation vertigineuse [P.J. Il y a des problèmes à résoudre, tout le reste, c’est du vent !]. Car si un tel ordonnancement en vient douloureusement à se fissurer, au cours des temps, y produisant tant de « calamités », l’Histoire n’en est pas moins appelée à être restaurée par la lignée suivante, rétablissant du Ciel le mandat [P.J. Le peuple exigera des nouveaux dirigeants d’être moins nuls que les précédents]. Le dévoiement auquel a conduit un mauvais gouvernement ne donne pas à rencontrer la tentation du mal ni n’appelle non plus à se révolter. L’humanité n’y est pas précipitée dans une déréliction à laquelle seul peut répondre un plan divin du Salut, justifiant Dieu en grand recours face à l’angoisse humaine [P.J. Ne te tourne pas vers le Ciel : il vaut bien mieux « compter sur ses propre forces et lutter avec endurance » (Mao Zedong)].
* Quand la reliure a rendu l’âme alors que vous n’avez encore lu que vingt pages, je le signale toujours consciencieusement. On n’ignore pas mes griefs de cet ordre chez Gallimard non plus à propos de la collection « Tel » 😉 .
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