Paul Jorion et Stéphanie Kermabon ont abordé pour nous dans leur dernière vidéo, la question : à qui la faute ?
Après avoir abordé la question de la souffrance, ainsi que celle de la guérison, il était tout à fait naturel qu’ils en viennent à cette question sensible qui soulève à elle seule de multiples questions sous-jacentes pouvant mettre totalement en échec toute tentative de thérapie dès lors qu’elles sont mal abordées.
J’ai partagé avec eux ma propre expérience du burn-out, cette épreuve du vide absolu, cette absence de flamme, telle celle décrite par Stéphanie lors de leur première vidéo, et surtout les moyens utilisés dans mon cas pour en sortir. Paul m’a demandé si je me sentais prêt à partager cela avec vous tous, alors voilà.
Ce qu’il faut d’abord comprendre, c’est que l’on peut basculer très rapidement de l’état de dépression à celui de burn-out, en passant par un état intermédiaire d’anxiété ne faisant quant à lui qu’aller crescendo tout en vous épuisant, si ce n’est que l’on ne prend conscience de l’état de burn-out lui-même qu’au moment où la thérapie porte enfin ses fruits, c’est à dire aux premiers signes de burn-in maîtrisé si j’ose dire ; ce moment particulier où la flamme se rallume d’elle-même. Dans mon cas personnel, c’est mon médecin traitant qui me suivait depuis près de 5 ans, qui a tout de suite compris ce qui se passait et qui n’a pas hésité une seconde à m’orienter vers le médecin psychiatre qu’il estimait le plus à même de m’aider.
Dans mon cas personnel, tout s’est mis en place malgré moi sur une période d’environ 3 ans qui précéda ce basculement dans cet état de burn-out aux conséquences tant personnelles, que familiales…
Tout se passa en milieu professionnel, dans le cadre d’une très Grande Entreprise où l’externalisation massive des ressources humaines répondait certes aux besoins économiques court-termistes favorables aux actionnaires, mais en aucun cas aux besoins de protection des salariés (internes) et des consultants (externes) ; cette distinction internes vs. externes est importante à comprendre tant elle participe indirectement à une forme particulière de discrimination salariale en entreprise, les chefs d’orchestre de ce type d’organisation ne se souciant guère des impacts psychologiques sur les personnes à court, moyen et long terme. Et de ce type d’organisation découlent parfois des comportements pour le moins douteux pouvant conduire dans certains cas jusqu’à la suspicion de délit de marchandage :
Article L8231-1 du Code du travail
« Le marchandage, défini comme toute opération à but lucratif de fourniture de main-d’œuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou d’éluder l’application de dispositions légales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail, est interdit. »
Rq. Parmi ces « dispositions légales » figurent également toutes celles qui se rapportent au Code de la propriété intellectuelle…
C’est donc dans un tel contexte que je me suis d’abord retrouvé mis au placard, avant d’être ni plus ni moins évincé du projet de recherche important sur lequel je travaillais corps et âme, tout cela sur une période d’environ 3 ans, alors même que cela faisait plus de 5 ans que je travaillais sur ledit projet. Eh ! bien forcément, au moment de l’éviction, vous tombez d’abord dans un état de torpeur, puis très tôt, vous sentez grandir en vous cet état d’anxiété qui vous submerge semaine après semaine, qui brûle toute votre énergie et qu’il vous est tout « simplement » impossible de contrôler du fait de la violence de l’événement. Puis arrive le moment paroxystique où sans que l’on s’en rende compte, tout bascule, votre flamme s’éteint d’un seul coup, vous n’existez plus, vous ne croyez plus en rien, vous n’avez plus envie de rien, vous êtes littéralement vidé et épuisé. L’état de burn-out, c’est encore pire que l’état de torpeur. Dans cet état, vous n’éprouvez plus rien, tout vous semble au ralenti, vos pensées sont désordonnées, vous vous culpabilisez pour rien, vous régressez, alors que dans l’état de torpeur, vous avez malgré tout pleinement conscience des choses qui vous entourent.
Il m’aura fallu près d’un an avant de pouvoir commencer à en sortir, et je n’y serais jamais arrivé sans l’aide de mon médecin qui me proposa très tôt un exercice qui consistait à essayer de schématiser et d’illustrer ce qui m’était réellement arrivé, d’essayer d’y représenter tous les protagonistes, et de partager tout cela avec l’avocat en charge de mon dossier juridique. Au début, mes premiers essais étaient totalement désordonnés, tout était si flou. Puis petit à petit, un schéma beaucoup plus clair a commencé à émerger. Pour illustrer l’ensemble, j’ai fait le choix des figurines de LEGO Star Wars ; alors ce choix peut sembler totalement enfantin, mais je ne crois pas avoir été beaucoup plus qu’un enfant à ce moment là. Et voici ce qu’il en est ressorti au bout de quelques mois ; vous observerez au passage que le « moi » reste encore totalement absent de ce schéma, ce que mon médecin me fit bien évidemment remarquer :
A ce moment là précis, je n’existe toujours pas…
Puis, de ma propre initiative, je me suis consacré à l’élaboration d’une cartographie cognitive complète, dite aussi carte sémantique, dans laquelle étaient représentés tout autour de « moi » tous les protagonistes de l’affaire, leurs dates respectives d’apparition, leurs distances respectives par rapport à « moi », leurs localisations respectives selon des secteurs allant de 0 à 360°, leurs vecteurs respectifs d’influence, leurs différentes fonctions et leurs rôles respectifs dans l’affaire. Cette cartographie cognitive était non seulement importante dans le cadre de ma thérapie psychologique puisqu’elle me permit notamment la réappropriation du « moi », elle l’était aussi dans le cadre du suivi de mon dossier juridique. C’était en quelque sorte mon Minority Report qui me permit progressivement de me déculpabiliser après toutes ces années.
Voilà comment j’ai pu commencer à en sortir, sachant que cette sortie n’est jamais sans risque, tant le burn-in demeure dès les premières années extrêmement fragile ; il est en effet toujours possible de rechuter, notamment par le biais d’un nouveau burn-out incontrôlé du fait d’un nouvel état d’anxiété, ce qui a bien failli m’arriver à quelques occasions, mais plus maintenant.
Et ce sont aujourd’hui la lecture, l’écriture, la peinture, la musique, la photographie et mes recherches, qui me permettent de maîtriser cette flamme ; tout le reste, les distances aidant, étant définitivement mis en boîte…
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