Un ami me renvoie ceci : « Je pensais que les conceptions évoluaient (lentement) mais on dirait plutôt qu’elles sont occupées à reculer … » Il fait partie des gens qui luttent pour un monde meilleur, peu importe le domaine. Et qui s’en prend plein la gueule en retour au pire, ou est comme face à un troupeau de bovins amorphes ou de poules découvrant un démonte-pneu au mieux.
Cela pose vraiment la question de la démocratie face à la bêtise humaine. Car « ces gens », « nous » -car peut-être sommes-nous toujours l’idiot utile de quelqu’un d’autre ?- avons le droit de vote et votent. Heureusement que l’histoire convainc que la dictature est pire que la démocratie. Car la même bêtise est manipulée par un seul sociopathe/psychopathe dictateur (la monarchie ou le pouvoir dans les mains d’un seul). L’oligarchie (le pouvoir dans les mains d’un petit nombre), la ploutocratie (pouvoir dans les mains des plus riches) ou le régime des colonels (junte militaire) ne produisent pas de meilleurs résultats que la dictature. La démocratie reste, semble-t-il, le moins pire des régimes. A l’aristocratie traditionnelle de l’Ancien Régime -en fait une ploutocratie-, certains anciens Grecs opposaient l’aristocratie au sens du « gouvernement par les meilleurs ». Ils fantasmaient parfois sur une république des philosophes. Mais serait-elle différente d’une oligarchie, des philosophes seraient-ils moins « bêtes » que leurs semblables, rien ne l’indique.
Le problème principal de la soutenabilité de l’humanité reste donc la bêtise humaine. Nous avons les solutions techniques, politiques, institutionnelles, ce qui bloque c’est le FHF, le fucking human factor, ou putain de facteur humain pour les francophiles.
– mon épouse a discuté avec la voisine d’en face qui a travaillé dans le secteur hospitalier. Cette voisine a sorti des tas de théories complotistes sur le vaccin, la pandémie, etc. Mon épouse s’est fâchée (docteur en sciences, travaille dans le pharma, n’aime pas les complotistes 😉
La bêtise humaine n’a pas de limites. L’illusion décrite comme un poison principal par … le Bouddha : ils croient dur comme fer en des choses totalement fausses, ils préféreront mourir que d’abandonner leurs illusions.
« Le réveil va être brutal » n’est même pas exact : il y a des Sinistrés climatiques qui n’ont pas compris le lien entre climat, maison détruite et partis au pouvoir depuis 50 ans dans leur pays. Ils voteront encore pareil… Ne pas espérer que le réel ait une force de persuasion supérieure à celle de la raison, ce n’est pas le cas ! A nouveau, on préfère mourir que de modifier ses croyances.
Alors que faire ? A quoi bon lutter contre une telle bêtise humaine éternelle et universelle ?
J’ai trouvé dans un petit texte de la vulgate traditionnelle bouddhiste une réponse simple mais libératrice. Je vais le paraphraser à ma manière. Il s’agit de trouver la voie du milieu entre toute-puissance et impuissance. Le récit se déroule après le fameux moment « d’éveil » du Bouddha. La vie de Siddhartha Gautama, car c’est son nom, telle qu’elle nous est rapportée, est une quête spirituelle qui passe par l’observation des phénomènes tels qu’ils apparaissent, et la recherche d’une voie d’extinction de la souffrance, après avoir exploré des démarches extrêmes. Après son fameux « éveil » (étape de compréhension clef « des choses de l’existence » dans sa démarche spirituelle), le Bouddha, nous dit-on, s’interroge. « Je pourrais enseigner ce que j’ai appris à d’autres qui demeurent dans la souffrance. La voie est difficile, obscure, sinueuse à celui qui la poursuit. La voie est difficile. Or les humains n’ont pas d’yeux pour voir, pas d’oreilles pour entendre, ils s’empêtrent dans l’illusion, le désir, le rejet. Ils ne sont pas prêts à suivre la voie. A quoi bon leur enseigner ? Je ne vivrai que frustrations et désappointements. Je voudrais plutôt me retirer loin des humains pour continuer à vivre dans l’éveil, dans la sérénité, dans la plénitude. » C’est alors qu’apparaît soudainement une sorte de génie, de divinité de rang intermédiaire ou inférieur liée aux religions d’extrême Orient. Ce génie s’offusque (je trouve la situation très touchante et drôle, car elle humanise le Bouddha, vous allez le voir) : « Quoi, comment ? Qu’entends-je ? Le Bouddha, celui-là même qui a atteint l’éveil, celui qui a péniblement exploré, à force de travail spirituel intense, les impasses des démarches extrêmes pour trouver la voie du milieu, celui-là doute de sa vocation à enseigner la voie qu’il a mise au jour à d’autres êtres humains ? Comment ? Lui, le soi-disant Eveillé, ne voit-il pas qu’il y en a, parmi tous ceux qui semblent aveugles et sourds, qui ont des yeux pour voir et des oreilles pour entendre ? A qui son enseignement pourrait apporter la libération des souffrances et la joie ? Le Bouddha va-t-il les laisser seuls avec leurs souffrances ? A ceux-là, le Bouddha peut enseigner ! A ceux-là, l’enseignement sera bénéfique ! » Et c’est là que le Bouddha comprend son erreur, l’illusion dans laquelle il demeurait. Oui, beaucoup n’ont pas d’yeux pour voir ni d’oreilles pour entendre, pour beaucoup il sera vain d’enseigner. Peu comprendront mon enseignement peut-être. Mais à ceux qui voient et entendent, il y a du sens à enseigner la voie que j’ai mise à jour. »
C’est là que le Bouddha, qui n’est qu’un être humain, découvre la voie du milieu entre impuissance (je ne peux rien) et toute puissance (je peux tout) : je peux faire quelque chose.
Ce court récit me réconforte et conforte mon engagement « pour un monde meilleur ». L’équilibre des forces en présence semble désespéré, éternellement et universellement. Mais agir n’est pas vain, ce que nous faisons peut avoir du sens. Nous pouvons parler à ceux qui ont des yeux pour voir et des oreilles pour entendre. Comme l’a dit Margaret Mead : ne doutons jamais qu’un petit nombre de citoyens déterminés et bien organisés puisse changer le monde, il n’a jamais changé que comme cela !
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