La Chine fait trembler les marchés
À propos de la très sérieuse crise de liquidités qui affecte Evergrande, le second promoteur immobilier chinois en taille, un commentateur a utilisé l’excellente image d’une explosion contrôlée. Une explosion du type de celles planifiées effectivement en Chine ces jours-ci pour effacer le cancer de tours inoccupées et à la construction inachevée depuis dix ans et dont la surface totale d’habitation permettrait de loger 90 millions de personnes.
Pourquoi cette gabegie à laquelle il faut maintenant remédier ? Parce que la construction était la locomotive qui tractait le train chinois en représentant 30% du PIB jusque’à récemment. Un rappel : 10,4% de croissance annuelle pour la Chine sur la période 2000 à 2009, et 7,68% les 10 dernières années. Autre mesure du poids de l’immobilier dans l’économie chinoise : une baisse de 60% du prix du minerai de fer sur le marché international des matières premières depuis le changement de politique.
Et pourquoi remédier maintenant à cette gabegie ? Pour le comprendre, il faut remonter aux paroles du président Deng Xiaoping dans les années 1980 : « Traverser le gué en tâtant une pierre à la fois ». Qu’il faut comprendre comme : tester le capitalisme pour comprendre ce qui en lui est bénéfique et ce qui est nocif. Et dans cette dernière catégorie, la concentration excessive des richesses, la Chine ayant aujourd’hui un coefficient Gini de 42% comme les États-Unis, à comparer aux 28% de la Belgique.
Un coup de semonce avait été donné dès 2017 par le président Xi Jinping quand il avait dit : « Une maison, c’est fait pour y vivre, pas pour spéculer sur son prix ». Il va plus loin aujourd’hui avec deux nouveaux mots d’ordre : « faire émerger l’ordre du chaos » et « prospérité pour tout le monde ». En laissant entendre que la richesse accumulée au cours des vingt dernières années peut s’accommoder même de la décroissance qu’exigera le sauvetage de l’environnement.
Tout cela est-il révolutionnaire ? Un officiel chinois fait observer que le même programme est prôné aux États-Unis par M. Bernie Sanders et Mme Alexandria Ocasio-Cortez, que ceux-ci qualifient aussi de « socialisme ». Pas le communisme donc de l’Union soviétique, ni celui de Mao, mais la social-démocratie à l’Occidentale des années 1950 à 1970 : celle du Plan Marshall, ce qu’on appelle encore keynésianisme en économie.
Mais la Chine est une dictature, dira-t-on. D’abord, est-ce le sentiment de la population ? Difficile de l’affirmer quand en 2005, selon le Pew Research Center basé à Washington, 72% de la population se disait satisfaite, un chiffre que l’Occident pouvait lui envier : 49% aux Pays-Bas, 39% aux États-Unis, à la même époque.
L’hyper-surveillance ? Les Chinois interrogés la rejettent à 90% quand il s’agit de leur vie quotidienne, mais la plébiscitent comme moyen de contrôle permanent de la corruption à tous les niveaux, de préférence aux échéances électorales. Ils approuvent également la récolte de méga-données permettant de gérer les « villes intelligentes » dont 800 sont en construction ou en projet en Chine, assurant une meilleure sécurité, un trafic plus fluide et une utilisation optimale de l’énergie. Le gouvernement chinois recourt également aux méga-données pour donner un coup de fouet à la concurrence dans les secteurs privilégiés. En 2020, les données ont officiellement été classées « cinquième facteur de production », complétant la main-d’œuvre, la terre, le capital et la technologie.
La persécution des Ouighours ? Comment diriger, à l’époque d’un regain du djihadisme, une province sécessionniste depuis deux mille ans déjà ? Sommes-nous, en Occident, les mieux qualifiés pour donner des leçons en matière de gestion d’une question aussi épineuse ?
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