Le résumé du sondage publié le 28 septembre est disponible ici.
Quelques réactions :
– Les deux participants du débat Zemmour-Mélenchon en ont visiblement profité, effectivement. Preuve que les débats ça sert encore à quelque chose ! Pas tellement à convaincre des gens qui vous sont opposés, mais plutôt à vous crédibiliser aux yeux de votre propre « camp »
– À encore plus de six mois de l’élection, ça bouge déjà pas mal ! À droite évidemment, mais aussi à gauche. C’est donc que ça pourrait continuer à bouger. Rien n’est joué, contrairement à ce que plusieurs avaient imaginé
– Tout se passe comme si les Français cherchaient collectivement à éviter le scénario prévu d’un second tour Macron – Le Pen, dont les enquêtes d’opinion montrent depuis longtemps qu’ils ne l’aiment pas. Il est tout à fait possible qu’ils l’évitent en effet. Pour l’instant, c’est Le Pen qui a du souci à se faire. Est-ce que cela pourrait être le président demain ? On ne peut rien exclure, sachant que son bilan – qui n’est pas au dessus de toute critique, pour dire les choses gentiment – n’est pas encore le sujet, alors qu’il le deviendra certainement quand Emmanuel Macron aura annoncé sa candidature
– Ce sondage confirme ce qui apparaissait depuis plusieurs semaines : il y a trois forces à droite, de taille aujourd’hui assez comparable. Il est donc pensable que l’une quelconque des trois prenne l’ascendant et parvienne au second tour pour y représenter son « camp »
– Eric Zemmour avance vers son objectif déclaré de rassembler les droites et de reconstituer l’alliance bourgeoisie de droite (LR) + classes populaires de droite (RN) qu’il voit comme la formule gagnante du RPR d’il y a trente ans et du gaullisme avant lu. A vrai dire, il avance façon Blitzkrieg ! Je conserve un doute que la formule qu’il vise puisse pleinement réussir, vu la question sociale qui sépare la droite modérée mais libérale de LR de la droite dure mais sociale du RN – mais il est clairement possible qu’il se qualifie pour le second tour. Ce qui ouvre une question… une telle Blitzkrieg est-elle possible à gauche de l’échiquier ? Pourrait-elle mener un candidat de gauche au second tour ?
– La gauche rassemble tout compris 32% des sondés, sur 7 candidats dont 3 majeurs. La droite rassemble 42 à 45% des sondés sur 9 candidats dont 3 majeurs. Si le rassemblement se fait aussi bien d’un côté que de l’autre, alors la droite se qualifie pour le second tour, et pas la gauche. S’il se fait mieux à gauche qu’à droite – c’est-à-dire si Eric Zemmour ne réussit pas beaucoup mieux son pari qu’aujourd’hui, tandis que le « Zemmour de gauche » réussit mieux – alors la gauche se qualifie pour le second tour. Ceci en supposant que Macron ne s’effondre pas, ce qui paraît tout de même le plus probable
– Un rassemblement ne se décide pas dans des congrès entre notables et apparatchiks des différents partis. Il se fait dans les urnes. Il n’est pas motivé par des compromis et des motions eau tiède ni par les intérêts des apparatchiks qui craignent avant tout pour leurs places. Il est motivé par des couleurs franches et par la volonté d’une partie du corps électoral de se rassembler pour l’emporter. Le petit tiers des Français qui se reconnait dans telle ou telle tendance de la gauche a-t-il cette volonté ? C’est probable. Mais il leur faut l’occasion. Quelle personnalité pourrait incarner cette volonté de rassemblement à gauche ?
– Arithmétiquement, à regarder les sondages, c’est Jean-Luc Mélenchon qui paraîtrait le mieux placé, et c’est bien lui qui a failli se qualifier pour le second tour en 2017. Les couleurs franches, on peut dire qu’il connaît. Et sa pugnacité de débatteur est intacte, il l’a montré. Le problème, c’est qu’il ne suffit pas de se qualifier… il faut aussi emporter le second tour. Rappelons que lorsque le second tour Mélenchon – Le Pen a été testé, la présidente du RN a obtenu 60% ! A plus forte raison, Mélenchon serait écrasé par Macron au second tour, et peut-être aussi par Zemmour (ce scénario n’a jamais été testé)
– C’est un problème classique, le candidat le mieux à même de rassembler son camp au premier tour – les couleurs les plus franches, le drapeau levé au plus haut – est aussi celui qui aura le plus de mal à attirer les modérés intermédiaires pour le second tour. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la victoire de Zemmour reste peu probable : arrivé au second tour, ses propositions les plus surprenantes (prénom traditionnel obligatoire pour les enfants) et ses idées les plus controversées (islam et islamisme sont la même chose, une personne musulmane ne peut être un bon Français que s’il est un mauvais musulman) lui rendraient difficile d’éviter la défaite face à Macron
– Pourtant, le potentiel existe ! A voir la toujours très instructive enquête annuelle de l’IPSOS sur l’opinion française (*) les trois questions qui préoccupent le plus les Français sont : 1) l’avenir du système social 2) le niveau de la délinquance 3) la protection de l’environnement. Le niveau de l’immigration, sujet fétiche et moteur du rassemblement initié par Zemmour, ne vient qu’en cinquième position. Il « devrait » être possible de rassembler en mettant en avant social et environnement – à condition certes d’être capable de rassurer en même temps sur la fermeté vis-à-vis de la délinquance, mais cela ne devrait pas être si difficile pour peu qu’on évite de se perdre dans l’idéologie. Un tel rassemblement « devrait » être plus efficace que celui qu’a commencé à réussir l’ancien polémiste. Du moins il le pourrait
– Si Mélenchon malgré sa pugnacité est engagé dans une impasse, alors qui ? Certainement pas Hidalgo, qui n’a rien d’autre à proposer qu’un « macronisme de gauche », pendant du « macronisme de droite » d’un Bertrand ou d’une Pécresse. Macron s’est installé au centre de ce qu’Alain Minc a appelé « le cercle de la raison », quand PS et LR autrefois bonnet blanc et blanc bonnet du Cercle sont pratiquement des coquilles vides, l’essentiel de la force du Cercle étant rassemblé par le président de la République. Si par extraordinaire Hidalgo était élue, si et c’est plus réaliste Bertrand ou Pécresse l’était, pas grand chose ne changerait. Alors, qui ?
– Si l’on admet qu’à six mois de l’élection il est très difficile d’imaginer un personnage entièrement nouveau s’imposer – par comparaison, Zemmour a été testé pour la première fois il y a trois mois, et on parlait déjà un peu de lui en début d’année – alors seulement trois personnes pourraient potentiellement commencer à lancer des propositions qui claquent voire choquent – et qui attirent l’attention – avertir de l’enjeu vital de l’élection, jouer à la fois de la peur et de l’espoir tout en exhibant une détermination sans faille – ce qu’Eric Zemmour réussit si bien à faire. Mais pour un danger bien plus réel que l’échec de l’assimilation et la submersion migratoire que craint tant Zemmour : rien de moins que la France emportée tel un fétu de paille par la crise écologique et crise des ressources qui se profile au cours des prochaines décennies. Ces trois personnes sont : Yannick Jadot, Arnaud Montebourg et Fabien Roussel
– Aucun n’a de base véritablement convaincante à ce jour – 2% à 6% – mais tous sont relativement connus de l’ensemble des Français. Jadot a une meilleure base de départ, tandis que Montebourg et Roussel sont probablement moins « marqués » gauche sociétale et européisme donc plus crédibles sur la demande de protection qui apparaît aussi dans l’enquête d’Ipsos. Bref, chacun a ses points de force et ses faiblesses
– Quelles que soient leurs différences, tous ont probablement une chance – pas très grande il faut le reconnaître, mais une chance réelle – de rassembler le pays devant le danger. Le rassembler devant le VRAI danger, pas devant une difficulté certes réelle mais largement surmontable comme propose de le faire Eric Zemmour !
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