Les insectes sont en voie de raréfaction selon certaines études. Sans remettre en cause les résultats globaux, de fortes disparités régionales sont remarquables et sources d’optimisme. Si les grandes plaines vouées à l’agro-industrie tiennent le palmarès de l’effondrement de la biodiversité, il reste dans ce pays des espaces où l’équilibre entre les champs, les herbages, les forêts et les zones humides reste préservé. Les insectes « disparaissent », soit, mais encore faudrait-il s’y intéresser. Quand prend-on la peine d’y prêter attention ? Quand d’agaçants moustiques nous empêchent de dormir, quand des mouches viennent nous chatouiller la peau alors qu’on voudrait lire un livre tranquille à l’ombre d’un arbre, quand des guêpes s’invitent à table, allant du verre de bière à la tranche de melon, quand le vrombissement sourd d’un imposant frelon vient semer la panique chez les convives. Finalement, qui s’intéresse aux milliers d’autres espèces qui nous entourent ?
Moi ça m’est venu par trois voies convergentes, un fils, un ami et un appareil photographique.
Un de mes garçons était, durant son enfance, peu enclin aux relations sociales avec ses congénères. Aux beaux jours, il passait des heures dans le jardin à contempler le manège des petites bêtes rampantes et volantes. Cette inclinaison particulière a d’ailleurs été renforcée lors de ses séjours chez la nourrice. Ayant eu pour recommandation de ne pas le laisser toute la journée devant la télé comme les autres enfants dont elle avait la charge, le petit gars restait le plus souvent dehors sous la surveillance amicale des deux chiens du foyer pendant que madame vaquait à ses occupations domestiques (ce qui lui a été profitable par la suite, mais c’est une autre histoire).
Un ami passant là, voyant l’intérêt du fiston pour les petites bêtes, m’a alors vivement conseillé la lecture des Souvenirs entomologiques de Jean-Henri Fabre (1823-1915) récemment réédités (quatre mille pages, quand même). Tâtant de plusieurs disciplines au cours de sa longue existence, c’est sur les insectes qu’il a consacré le plus de temps de recherche et d’écriture. Bien sûr aujourd’hui des esprits grincheux, des sectaires de diverses chapelles, viennent remettre en cause l’ensemble de ses travaux. Peu importe, la lecture des Souvenirs de Fabre est un régal et suscite l’intérêt pour cet univers si proche et pourtant si peu visible pour nous les géants.
La photographie enfin. La macrophotographie d’insectes en pleine nature n’est pas chose facile. À ce degré de proximité, le moindre souffle d’air sur le sujet vient perturber la mise au point. Les stars à six pattes ont par ailleurs autre chose à faire que de prendre la pose sans bouger et préfèrent se gorger de nectar en volant de fleurs en fleurs, copuler frénétiquement et bien entendu s’enfuir à tire d’ailes à l’approche du gros œil de verre géant. Avec les prouesses de la technologie numérique, les objectifs performants, la mise au point automatique, la prise de vue en rafales, la chose est devenue plus accessible à l’amateur. Sans investir dans du matériel professionnel onéreux, les résultats sont acceptables quand on n’a pas d’autres prétentions que de se faire plaisir.
Les insectes disparaissent-ils ou ne prenons-nous pas le temps de les observer ? Asseyez-vous dans une prairie fleurie avant la fenaison. Laissez votre regard aller d’une fleur à l’autre. Tendez l’oreille, soyez attentif aux moindres petits mouvements dans votre champ de vision. Si votre vue est défaillante, armez-vous d’une loupe. Le peuple de l’herbe va alors s’offrir à vous. Le grouillement de la vie va éclater sous votre regard ébahi.
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