La raison générale pour laquelle nous avons besoin d’énergie est qu’elle est nécessaire à « faire tourner » la machine économique. Moins d’énergie signifie moins de prospérité matérielle.
Bien sûr, l’efficacité à obtenir le type de prospérité le plus pertinent, et le mieux partagé possible, compte aussi. A cette efficacité contribuent à la fois l’organisation sociale et l’art de l’ingénierie (produits plus efficaces). Meilleur partage de prospérité mieux définie et meilleure efficacité technique… ont cependant leurs limites. A un certain moment, on se retrouve devant le fait brutal que sans telle quantité minimale d’énergie, on aura beau faire, ça ne marchera pas.
La raison particulière pour laquelle nous avons besoin d’énergie, et pas un peu, pour préserver la biosphère et arrêter de scier l’arbre sur lequel nous sommes assis, c’est qu’il s’agit de convaincre l’ensemble de l’humanité (y compris nous convaincre nous-mêmes) de la nécessité d’une démarche d’autolimitation de notre prospérité. Deux difficultés abyssales se présentent :
- 1. Nous voulons tous la prospérité. Les habitants des pays les plus développés ne souhaitent pas vivre comme l’on vit actuellement dans les pays les plus pauvres. Les habitants des pays les moins développés savent qu’une prospérité bien plus grande est possible, ils désirent améliorer leur vie et celle de leurs enfants
- 2. Il n’y aura pas d’autolimitation de la prospérité si toute l’humanité ne s’y met pas. Nous sommes divisés en nations, empires, cités… Et c’est l’ensemble de ces groupes humains qui doivent participer à la démarche, sinon elle échouera. Ceci alors que telle nation, groupe de nations ou empire qui s’en extrairait en recevrait un surcroit de puissance relative – donc, prime au « tricheur ». Prime par exemple à celui des deux Grands qui laisserait l’autre s’autolimiter : il en sera d’autant plus facile de gagner le monde à la Chine / ou de le préserver pour l’Amérique. Et alors que l’option de contraindre une nation ou un empire réticent – à supposer encore ce que soit souhaitable – n’existe pas : le réticent augmente justement sa puissance relative, et de toute façon il y a la dissuasion nucléaire
Je n’ai pas de solution complète à ce casse-tête. Je suis convaincu que proposer l’objectif de « stopper » la croissance matérielle serait déjà extrêmement difficile à faire accepter politiquement au bon niveau – c’est-à-dire l’humanité entière ! – mais il me semble au moins avoir une chance. De même, remplacer au bon niveau – c’est-à-dire entièrement ou quasi – nos sources d’énergie actuelles, à plus de 80% carbonées, par des sources non carbonées, quoique seulement « difficile » techniquement, est extrêmement difficile politiquement car il s’agit de convaincre des responsables politiques de voir loin, alors que la mode est de se fixer sur le court terme – mais il me semble qu’il existe là aussi une chance.
Les deux ensemble, et c’est bon. Très facile à écrire certes, extrêmement difficile à réaliser, mais il me semble qu’il y a là une voie.
D’où le « repère » que j’ai utilisé sans l’expliciter dans mes calculs ci-dessus : il s’agit d’obtenir 5 x 10^20 joules par an, et sans émettre de carbone dans l’atmosphère. Ou quasi, le scénario que je présente réduit les émissions à 1 milliard de tonnes annuelles plutôt que 35 milliards, soit 3% de la valeur actuelle.
Un monde qui disposerait de ce genre d’énergie ET qui apprendrait à se limiter de manière coopérative parviendrait à freiner le réchauffement. On pourrait imaginer par exemple un accord limitant la quantité d’énergie globale utilisée, mais laissant la recherche de l’efficacité (sociale, organisationnelle, technique) comme voie ouverte au progrès de la prospérité : « On a tant d’énergie par an, comment faire pour vivre au mieux avec ça ? ».
Ca je peux y croire, politiquement parlant. Convaincre 7 à 9 milliards de personnes d’abandonner leur prospérité ou leurs espoirs de prospérité, avec toutes les différences de toutes les sociétés humaines, et avec une telle « prime au tricheur »… je n’y crois pas.
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