Bonjour Paul, vous avez raison dans vos vidéos et vos écrits, le capitalisme se défendra toujours pour survivre. Il faut admettre que la survie est la meilleure preuve de l’efficacité d’un système, les autres n’étant généralement plus là pour témoigner…
Une illustration de cette constante est très visible en ce moment du côté des sociétés pétrolières qui n’hésitent pas, au moyen d’un dispositif juridique appelé ISDS, à extorquer des dommages et intérêts faramineux aux Etats qui refusent d’honorer leurs précédents engagements auprès des intéressées, ces refus ayant pour conséquence de limiter les revenus attendus du pétrole, charbon, gaz, etc.
Un récent article du Guardian, traduit ici sur le site Les Crises, explique comment l’ISDS permettait de réduire les risques des investisseurs face aux instabilités politiques des Etats dans les années 50. Il explique aussi comment les pays signataires du Traité de la Charte de l’Energie (TCE) se retrouvent désormais attaqués par les compagnies pétrolières qui se servent de ce même ISDS pour protéger leurs actifs, cette fois face à une vague imminente de législations sur le climat.
Nous y sommes donc, c’est de protection des actifs dont il s’agit. Somme toute, c’est assez légitime d’un point de vue économique et financier. La menace vitale de dépréciation des actifs est là, les opérateurs le sentent et se débattent en mordant via l’ISDS pour l’éviter. Les banques, de leur côté, sont totalement solidaires de cette situation : leurs bilans sont remplis d’actifs fossiles (chiffre à retrouver) qui, s’ils étaient dépréciés du jour au lendemain par décision politique de décarbonation, seraient emportées dans une crise financière sans précédent. Normal, 100 ans d’économie mondiale dopée aux énergies fossiles, ça ne s’efface pas d’un trait de plume. Pourtant, elles sentent bien que le vent tourne, que les assureurs se désengagent (ou refusent de s’engager) face aux risques climatiques avérés, que les fonds majeurs comme BlackRock entament le même virage. En face, ces banques voient bien qu’elles ont tout intérêt à financer les méga-projets écologiques et reconstructions durables mais ne peuvent assumer en même temps sans contrepartie la disparition pure et simple des actifs fossiles de leurs bilans. Les alertes des rapports du GIEC sont finalement pris en compte, c’est plutôt une bonne nouvelle.
Le problème est donc posé en termes contradictoires : Si ces actifs fossiles se déprécient très vite, trop vite, par décisions politiques hâtives ou soubresauts financiers incontrôlés, c’est la méga-crise financière mondiale, avec de possibles conflits armés à la clé générés par les pays concernés par la chaîne de valeur des énergies fossiles ? C’est à dire presque tout le monde. De l’autre côté, si les virages écologiques et environnementaux, dont l’abandon des énergies fossiles pour réduire ce fichu CO2, ne sont pas pris très rapidement, c’est également une crise majeure qui nous attend, aux conséquences tout aussi funestes, un monde invivable pour l’humanité en prime.
Dans les règles du système capitaliste actuel, avec ses normes comptables actuelles, il n’y a pas de bonne solution. Dans les deux cas, ça va secouer et provoquer des crises majeures. Peut-on minimiser les conséquences qui s’annoncent désastreuses de la situation actuelle ? Oui, en partie, et tenter d’en sortir par le haut.
Cette analyse est soutenue par Gaël GIRAUD qui propose des solutions pour sortir de cette double contrainte paradoxale *.
…/… à suivre
* Chiffres disponibles dans le résumé exécutif en libre accès du rapport de l’Institut Rousseau – ACTIFS FOSSILES, LES NOUVEAUX SUBPRIMES ? par Gaël Giraud et Christian Nicol, publié le 10 juin 2021.
Laisser un commentaire