Parmi tous les romans d’anticipation qui ont imaginé à quoi ressemblerait notre vie dans une société hypertechnicisée du futur, il y a « Ravage » de Barjavel, peut-être le plus « visionnaire », et « Un bonheur insoutenable » d’Ira Levin, dans la lignée du « Meilleur des mondes » d’Huxley, mais moins désespérant car on y trouve aussi une utopie « kropotkinienne » contrebalançant (un peu) la dystopie technoscientifique.
Hélas ce grand livre d’essence libertaire est aujourd’hui récupéré et enrôlé dans une pathétique croisade contre la vaccination et le passe sanitaire par des imbéciles fanatisés.
C’est aussi le cas de « 1984 » de George Orwell, très souvent très mal lu. S’il était parmi nous, Orwell critiquerait sans doute durement non pas la prétendue « dictature sanitaire », mais bien plutôt l’infantilisme de l’ex-citoyen devenu consommateur, qui ne sait que se plaindre quand on lui demande un effort. Pour reprendre le titre étonnant d’une BD de Martin Veyron, « Ce n’est plus le peuple qui gronde, c’est le public qui réagit ».
Spartiate face à l’adversité, Orwell a soutenu l’effort de guerre prôné par le conservateur Churchill – alors que lui-même était un authentique socialiste démocratique – , parce qu’il avait compris que la terrible situation ne laissait pas d’autre choix.
Mais autres temps, autres mœurs, la société marchande surdéveloppée nous ayant tous rendus (plus ou moins) mollassons, capricieux et irrationnels, nous manquons cruellement de l’état d’esprit combatif nécessaire pour affronter une crise grave.
Tous ces pseudo-révoltés qui défilent contre une prétendue dictature, un prétendu apartheid, qui vont, les salauds, jusqu’à s’épingler une étoile jaune ! « Ça ose tout les cons, c’est même à ça qu’on les reconnaît. »
Les gens de bonne volonté se doivent de dénoncer cette INDÉCENCE SINGULIÈRE majeure, qui est à l’opposé de la DÉCENCE COMMUNE minimale que chérissait Orwell, et qui révèle un abaissement moral inquiétant des « foules solitaires » au sein des sociétés ultramodernes.
« Comment rendre les gens conscients de ce qui se passe en dehors de leur petit cercle, voilà un des principaux problèmes de notre temps… »
Orwell posait ainsi la question qui fâche, celle que les démagogues de droite comme de gauche ne veulent surtout pas poser.
EN PLEINE PANDÉMIE MONDIALE, tout le monde devrait comprendre que porter un masque, éviter les contacts physiques, se faire vacciner, ce n’est pas seulement se protéger soi-même, c’est aussi protéger autrui.
Ce n’est pas une question de liberté individuelle, c’est une question d’intérêt général, une question de décence commune, pour le dire comme Orwell.
À la fin du XXe siècle, l’immense penseur que fut Cornelius Castoriadis constatait très justement : « Tout a été déjà dit. Tout est toujours à redire… L’humanité semblerait sourde. Elle l’est, pour l’essentiel. »
Alors quoi ? Nom de Zeus ! On n’est pas sortis de l’auberge…
Un simple citoyen (13 août 2021)
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