Je suis en désaccord avec ceux qui s’opposent au passe sanitaire obligatoire tant il me semble être une reprise opportuniste façonnée non selon l’urgence médicale présente mais par une considération bassement politicienne, commune à presque toute la gauche en France – et effet, il est assez pittoresque et révélateur qu’au Royaume Uni, la gauche demande des mesures plus fermes et contraignantes du gouvernement Johnson (qu’on n’aime mais alors vraiment pas du tout) alors qu’en France cette même gauche (et écolos) s’insurge contre de telles mesures au nom de la « liberté individuelle ». Il me semble que face à Macron (!), et peut être depuis quelque temps, la gauche française (et les écolos !) ont perdu d’esprit (sinon de vue) la notion de « bien commun ». Certes dans le passé, la gauche, stalinienne notamment, mettait en avant ce concept pour réprimer les libertés individuelles au nom du Parti car l’intérêt de classe primait sur l’individu. C’était notamment une époque où le PC et d’autres formations à gauche estimaient que le féminisme et l’écologie pour ne citer que ces deux considérations-là n’étaient que des considérations « petites-bourgeoises » et se régleraient naturellement avec la « dictature du prolétariat ». Bon, on a vu ce que cela a donné – et ce n’était en fin de compte pas si différent de la vision fasciste qui remplace « classe » par « race » ou « nation ».
Cette vision extrême du « bien commun » a été héritée par la Chine d’aujourd’hui. Une vision découlant d’un passé communiste mais aux relents actuels totalement facho. Ainsi, le « crédit social » à la chinoise, qui dépend d’une surveillance quasiment intime de tout individu et de son « classement » à l’aune du Parti est une excroissance ou plutôt un pilier d’un certain fascisme moderne. J’ose néanmoins arguer que l’imposition du passe sanitaire de Macron n’a rien à voir avec ces chinoiseries-là. Par contre, le concept de « bien commun » qui est normalement une vision humaniste de la gauche (et des écolos non fachos) a été plutôt malmenée ces derniers temps : soit par opposition opportuniste à Macron, soit parce que la gauche est devenue totalement individualiste, on veut sa liberté individuelle au détriment des autres, au détriment du « bien commun ». Or lorsqu’il y a une crise aiguë, il est normal que dans des cas et des conditions bien précises et pour une durée limitée (le temps de la crise aiguë), certaines libertés fondamentales, individuelles, soient mises en veilleuse afin de préserver la communauté. Une situation de pandémie tombe dans ce cas de figure d’autant que j’estime que cette situation n’exige pas qu’on déroge à de réelles libertés mais simplement qu’on adapte son comportement et qu’on se plie à certaines exigences administratives afin de résoudre un problème essentiellement médical et sanitaire (avec certes, un volet social selon les inégalités).
Un virus se fiche des « libertés individuelles » ; une pandémie se combat avant tout avec des mesures médicales et sanitaires et nous voulons tous que cette saloperie se termine. La première urgence, vous en conviendrez j’espère, est de sauver ou de protéger des vies humaines ; s’il y a choix entre la vie et les « libertés », nous sommes obligés de donner priorité à la vie d’autant que je ne crois pas un instant que lesdites « libertés » soient actuellement menacées. Un virus se propage et contamine, son profil génétique va muter ( = accidents de reproduction) en proportionnalité directe avec sa masse effective: plus il y a de virus, plus il y a de (mal)chance que des variants « réussis » (du point de vue du virus) apparaissent et compliquent la donne. De même, la seule façon de constituer une immunité collective est de faire en sorte qu’une grande majorité de la population (70%, 80%, plus ?) soit effectivement vaccinée. Cela parce qu’aucun vaccin ne protège à 100% et que même vacciné, un individu peut « porter » la saloperie. Comme dans le passé, nous avons tous été obligés de nous faire vacciner contre le polio, la tuberculose, la diphtérie, la rubéole… sans un certificat de vaccin officiel, il n’y avait nulle scolarité. Ceux d’entre nous qui avons travaillé en Afrique, en Asie, dans le Pacific… avions l’obligation d’être vaccinés contre la fièvre jaune et parfois le choléra (bien que ce vaccin-là soit des moins efficaces et assez lourd à absorber, de moins l’était de mon temps) sans quoi on n’entrait pas dans les pays concernés (et donc pas dans ses bars, restaurant, cinémas…) ; j’ai ainsi 40 ans de passes sanitaires obligatoires – j’ajoute que le fait de me faire vacciner dans ces conditions était plutôt une très bonne chose n’ayant aucune envie d’attraper la fièvre jaune, le choléra, quelques hépatites etc. La notion de certificats de vaccinations obligatoires n’est donc pas nouvelle du tout, qu’on appelle cela certificats, passes et même pass… Et cela a permis d’enrayer considérablement voire anéantir certaines terribles maladies (la variole notamment).
Ainsi, je pense que vaccin anti-Covid doit être obligatoire (sauf pour raisons médicales avérées) pour arriver à constituer une barrière infranchissable (ou le plus possible) pour la transmission du virus. Afin de sauver des vies humaines, désengorger les services de réanimation, voire revenir à une certaine normalité. Dès lors que le vaccin est obligatoire, il faut bien une forme de contrôle ; en effet, c’est très certainement malheureux, mais vu l’enjeu, on ne peut prendre la parole des gens comme argent comptant. Il faut donc des passes et si le vaccin est obligatoire, les passes doivent l’être aussi… quid erat demonstrandum.
D’autant que les « libertés » des Français ne sont pas affectées sérieusement, du moins pas par l’imposition des « passes ». D’abord parce que la personne qui ne veut pas se faire vacciner dans l’état actuel des choses, peut toujours aller, il me semble, au cinéma, restaurants, concerts si il ou elle est muni(e) d’un PCR négatif récent. Nous avons en France de quoi nous protéger d’une quelconque dérive à la chinoise, nous avons le CNIL – institution de la plus haute importance par les temps qui courent –, nous avons le Conseil constitutionnel, les tribunaux et même les élections (boudées par 60 % des Français !). Mais nous avons aussi le devoir de réhabiliter la vision du « bien commun » pour que notre société ne tombe pas dans le travers de l‘ultra-individualisme libéral. Il s’agit de faire la part des choses et d’être civiquement responsables. En effet, on ne peut pas reconnaître la « liberté » de mettre la santé ou la vie d’autrui en danger.
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