Les éducateurs aiment à s’indigner lorsqu’un enfant qui vient de passer à peine trois semaines dans un pays étranger en parle désormais la langue couramment, alors qu’eux-mêmes se sont efforcés sans succès de lui inculquer cet idiome durant les six dernières années. « Ainsi cet enfant n’écoutait pas ! Se refusait au moindre effort, faisait un étalage insolent de sa paresse, puisque le voici, enfin « motivé » pour une raison inconnue, rattrapant son retard à pas de géant (mais en-dehors de l’école !) ».
Comme on peut être piètre pédagogue alors même que l’on est enseignant ! Ce qu’ils ne comprennent pas, c’est que ce n’est pas cet enfant qui parle enfin l’allemand, mais sa bouche qui a été détournée par une coalition germanophone. Car ce sont ses camarades de jeu durant ces trois semaines, le conducteur du bus, la caissière du super-marché et la petite copine qu’il s’est dégottée là-bas, qui parlent aujourd’hui en utilisant sa bouche. Comment ne pas préférer en effet à la honte du mutisme forcé, l’abandon volontaire de sa bouche à la parole ventriloque de chacun de ces autrui germanophones ? La reconnaissance comme personne humaine, fort contestée il faut bien le dire par des interlocuteurs sceptiques au début de son séjour, était au prix d’une telle capitulation, libératrice.
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