Le texte original se trouve ici.
Comme on l’a déjà fait remarquer, le Brexit vous obligera à détenir un passeport et à être soumis au contrôle de l’immigration à la frontière britannique, comme la plupart des citoyens étrangers qui ne bénéficient d’aucun privilège particulier en ce qui concerne l’admission dans le pays vert et agréable qu’est l’Angleterre. Je parle d’Angleterre plutôt que de Grande-Bretagne ou même de Royaume-Uni, car le contrôle de l’immigration au Royaume-Uni repose essentiellement sur une attitude anglaise à l’égard des étrangers et sur une tradition anglaise de contrôle de leur nombre. En outre, comme vous le savez, l’appendice nord de l’Angleterre, l’Écosse, ne souhaite pas imposer les contrôles de l’immigration du Brexit, mais elle le fait à contrecœur, tout comme elle a quitté l’Union européenne à contrecœur, où elle était parfaitement heureuse d’être. En Angleterre, au contraire, l’une de ses clameurs périodiques à l’encontre des étrangers et leurs œuvres a créé une exigence que l’on fasse quelque chose à leur propos. D’où le référendum de 2016 sur le Brexit et la décision des Anglais de vous renvoyer tous et, par la suite, de vous empêcher de vous immiscer dans les affaires anglaises.
Pendant la majeure partie du XIXe siècle, curieusement, il n’y a pas eu de contrôle de l’immigration britannique à proprement parler, bien qu’il y en ait eu un à des degrés divers tout au long de l’histoire de l’Angleterre, principalement à des moments où ce royaume se sentait particulièrement menacé par des puissances étrangères, assez souvent la France, bien sûr. À l’époque victorienne, les étrangers affluent, en particulier à Londres, où une présence juive particulièrement importante s’établit dans l’East End, ce qui suscite une réaction nettement défavorable de la population autochtone, qui n’avait pourtant été que trop heureuse d’accueillir les réfugiés huguenots venus de France au XVIIe siècle comme conséquence d’une persécution religieuse vraiment brutale après la révocation de l’édit de Nantes en 1685. Au XIXe siècle, néanmoins, un tollé s’est élevé contre ce qui était considéré comme l’impact indésirable d’une colonisation étrangère excessive, et les contrôles de l’immigration ont donc été rétablis. De même, dans les années 1950 et 1960, un tollé contre le même phénomène en ce qui concerne l’immigration en provenance du Commonwealth britannique a entraîné l’imposition de contrôles de l’immigration aux citoyens du Commonwealth. On peut donc considérer que le tollé du Brexit contre les étrangers et la réponse qui y a été apportée ne sont pas sans précédent, du moins à certains égards.
Que fait un esprit anglais de tout cela ? Je ne peux pas vous le dire dans la mesure où je n’en possède pas, étant simplement Écossais, mais à cet égard, il vaut la peine de lire un passage que je vais vous citer, tiré de l’exposé anglais fondamental sur le contrôle de l’immigration anglaise, puis britannique, The Key in the Lock de TWE Roche en 1969, L’auteur était à l’époque un haut fonctionnaire (totalement anglais) du service de l’immigration du ministère de l’Intérieur et le titre du livre fait référence au Haut-Constable du château de Douvres, qui gardait les clés de cette forteresse normande (ironiquement), qui était la serrure censée assurer la sécurité du royaume. Se projetant dans une décennie au cours de laquelle l’adhésion du Royaume-Uni à la Communauté économique européenne semblait possible, M. Roche écrivait ce qui suit :
« Un contrôle interne du modèle continental doit-il voir le jour, ou le style traditionnel de contrôle de l’immigration dans ces îles survivra-t-il, en s’adaptant aux nouveaux problèmes et aux nouveaux moyens de transport ?
Si l’on considère les leçons des neuf cents dernières années, la réponse est sans doute claire. Nous avons encore besoin d’une porte d’entrée dans notre maison nationale : l’électorat ne souhaite pas que les habitants d’autres pays affluent ici et profitent de plein droit des avantages de notre civilisation durement acquise. Si un contrôle interne prenait la place du contrôle portuaire, si nous mettions de côté nos avantages géographiques naturels, les vannes seraient ouvertes. Notre pays est un aimant trop tentant pour les habitants les moins bien lotis de cette planète pour qu’il en soit autrement. Non seulement les indésirables doivent être exclus, mais un grand nombre de personnes travailleuses et de bonne réputation doivent être tenues à l’écart parce que leur présence entraînerait du chômage. Il faut donc trouver un modus vivendi pour concilier l’arrivée encore plus rapide d’un grand nombre de voyageurs avec le processus de « tri » indispensable à notre économie et à notre bien-être national. Le contrôle de l’immigration et le service de l’immigration, même s’ils doivent adopter un système d’appel pour les « refus », doivent s’adapter une fois de plus aux conditions changeantes. Il ne fait aucun doute qu’ils peuvent le faire ».
C’était en 1969. Maintenant que nous sommes en 2021, il est possible de percevoir que le contrôle de l’immigration par les ports britanniques n’a pas donné les résultats escomptés par des personnes comme M. Roche, qui serait sans doute horrifié de découvrir que l’actuelle ministre de l’intérieur chargée du contrôle de l’immigration est une certaine Priti Patel, dont la famille asiatique est arrivée au Royaume-Uni dans les années 1970 en tant que réfugiés d’Afrique de l’Est. Bien que, contrairement à ce que Roche affirme avec assurance, le modèle anglais de contrôle de l’immigration basé sur les ports soit en fait singulièrement et manifestement inadapté à l’ère des voyages internationaux de masse, c’est ce que vous devez désormais endurer en tant que citoyens de l’Union européenne si vous décidez, le moment venu, de vous rendre sur la verte et agréable terre d’Angleterre, sans oublier ses appendices périphériques, cela va sans dire. Malheureusement, en ce qui concerne le contrôle de l’immigration, nous devons nous rendre à l’évidence que les Anglais n’ont rien appris au cours des mille dernières années et que l’on récolte ce que l’on sème.
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