Durant mes récentes recherches sur les crises républicaines françaises marquantes, je remontai le temps et tombai sur l’Affaire Dreyfus. Affaire à tiroirs tellement notable dans l’histoire de la nation qu’un jeu de l’oie (!) fut crée pour en retracer les différents rebondissements.
je crois qu’il faudrait inventer un jeu de l’oie pour démocratiser de manière ludique la notion de « privatisation de l’espace public ». Ou un jeu de 7 familles puisqu’il y existe essentiellement sept groupes qui règnent sur les principaux canaux, pourvoyeurs d’information. La famille Bolloré et le groupe du même nom étant aujourd’hui le cas le plus spectaculaire de concentration médiatique.
« Dans la famille Bolloré je demande le groupe Lagardère ! Paris Match, le Journal du Dimanche, Europe 1 ou encore les maisons d’éditions Hachette, Grasset, Fayard, Calmann-Levy. Bonne pioche ? Je continue dans la même famille et demande Vivendi ! C8, Cnews, Canal+, Gala, Voici, Télé Loisirs, les éditions Plon, Robert Laffont, Nathan, Havas pour la publicité … et j’en oublie !
Un jeu qui permettrait aussi de faire de la pédagogie sur l’hégémonie culturelle ambiante : à savoir le règne de “l’infotainment”, savant mélange de sport et de politique spectacle. Deux Sujets de nos jours traités similairement par des commentateurs interchangeables, de Pascal Praud à Daniel Riolo, du foot à l’info. Décortiquant les petites phrases et livrant leurs analyses tactiques, parlant aussi doctement du ballon rond que de la dernière mobilisation sociale ils sont omniprésents. Le nombre de blessés, d’incarcérations et de manifestants remplaçant le nombre de buts, les déclarations de Macron, Le Pen ou Mélenchon, celles des entraineurs. Quant aux joueurs ? Ce sont les citoyens ou les syndicalistes dont il est de bon ton d’aller recueillir quelques brefs propos en tête de manif ou en queue de peloton…
Match de foot entre deux équipes ou confrontation entre le gouvernement et son opposition : l’objectif est de créer l’intérêt du public pour voir l’argent des annonceurs rentrer. La mécanique du sport a donc été dupliquée ce qui revient d’ailleurs moins cher que de payer le noble travail d’une rédaction. Pour économiser ce qu’il faut ce sont des commentateurs qui rendent la politique plus rythmée, des « grandes gueules » pour ne pas les nommer. La conséquence est de rendre le citoyen passif. Il devient doucement spectateur de ces commentateurs qui s’invectivent sur les plateaux télé et il perd de vue les véritables sujets. Un patron de chaîne d’info privée nous l’a bien expliquée : le but c’est de vendre du temps de cerveau humain disponible pas de nous libérer.
Il n’existe alors plus rien du temps d’Hubert Beuve-Méry où les propriétaires de journaux étaient détachés de toutes autres activités économiques. Les ordonnances de 1944 sur la presse avaient pourtant bien du sens : elles protégeaient le 4e pouvoir de tomber dans des conflits d’intérêts anti-démocratiques. Mais voilà, plutôt que de laisser les journaux faire faillite et se réinventer, les gouvernements ont cru bon de laisser les industriels de tout bord les sauver. A la bonne heure : ils les ont transformés en vaches à lait publicitaire et de précieux alliés pour régner sur leurs affaires. En effet, quoi de mieux qu’un média pour négocier en coulisse avec d’ambitieux candidats et leur offrir une généreuse visibilité médiatique – ou les priver de cet indispensable sésame. C’est sûr qu’on est pas prêt de voir ni Mélenchon ni Ruffin en maillot de bain à la plage ou au camping, faire la une de Paris Match comme Sarkozy, Hollande et Macron l’ont fait docilement tour à tour… Ceci explique pourquoi nous nous retrouvons toujours avec des chefs d’état sans aucune vision pour la nation. Ils sont inévitablement adoubés par le secteur privé qui se partage en sept familles tous les plus influents médias.
Vous noterez que dans la presse les journalistes sportifs usent désormais du terme « Groupama Stadium » pour désigner le stade de l’Olympique Lyonnais et « Orange Vélodrome » pour celui de Marseille. Zemmour à qui l’on prête un esprit taquin, apprécierait j’en suis sûr que l’on accole à son nom ses sponsors privés dès que l’on parle de lui : Dassault et Bolloré. Car oui Dassault Bolloré Zemmour vend ses talents de chroniqueur plateau au plus offrants depuis plus de 20 ans maintenant. Il court matin et soir d’un micro à un autre pour encaisser sa pige. Mercenaire zélé, il flingue n’importe quel invité. Avec son coéquipier Naulleau sur le service public ils en ont ridiculisé plus d’un, pour le plaisir des spectateurs endormis sur leur canapé. D’une saison à l’autre, Dassault Bolloré Zemmour fut transféré plusieurs fois, souvenez-vous : France 2, Itélé, Paris Première, RTL, M6, CNews et j’en oublie sûrement. Cependant Serge Dassault jusqu’à sa mort l’aura toujours souhaité près de lui, au Figaro. Faut-il rappeler que malheureusement la provocation fait toujours encore vendre davantage de papier que l’investigation ?
Comme tout chroniqueur talentueux, parfois il s’emporte. Dassault Bolloré Zemmour a reçu trois condamnations… Mais Zidane lui aussi a bien pris quelques cartons ! Par contre comme toujours, lorsqu’il s’agit d’argent le jeu devient sérieux. Dans le milieu de la télé comme du foot, pour rester à l’antenne comme sur le terrain mieux vaut se la boucler sur les pratiques douteuses du métier.
Dassault et Bolloré, ce sont des contrats dont les montants se chiffrent en milliards avec différents gouvernements Français, Africains, du Proche et du Moyen-Orient. Donc comprenons bien que le petit Eric Zemmour c’est une danseuse de salon, grassement payée pour donner l’ivresse du contrôle de l’opinion publique et le frisson du pouvoir à ses patrons. Quant à sa frousse du grand remplacement de nos églises par des mosquées, ce n’est pas en confiant les rênes du pays à Dassault, Bolloré et Zemmour que l’on va enfin faire respecter la laïcité dans notre pays. Car les mosquées c’est Bouygues, un confrère propriétaire de LCI qui les construit. Et puis notez bien que dans les grands groupes privés, ils les aiment les communautés d’immigrés : ce sont parmi eux qu’ils recrutent celles et ceux qui travaillent pour le Smic et sans se syndiquer. C’est précisément grâce à cette main d’oeuvre peu éduquée que se font les économies qui payent la rente des actionnaires. N’allez pas les mettre dehors ou vous n’aurez que des grèves, vous diront les grands patrons ! Ils sont la concurrence qui fait taire les employés.
« Dassault Bolloré Zemmour » président, c’est l’histoire de Trump qui se répète. Ils sont tous les deux le même symptôme d’un mal plus profond : celui de la privatisation et de la personnification de l’espace médiatique autour de vedettes du petit écran. Donald aussi créa sa notoriété de toute pièce grâce aux médias privés. Ce sont des candidats opportunistes, ayant grandi hors-sol sans aucune expérience du jeu collectif nécéssaire pour gouverner un pays. Ils n’ont pas appris la nécessité du compromis ou du consensus propre à la vie d’un parti politique. Ils sont déconnectés de la réalité de terrain et paralysés dans une posture extrémiste, polarisante et dangereuse. Ayant seulement une image et des slogans offensifs à revendre. Aucun programme sérieux, juste de l’huile sur le feu. Des personnalités libres de toutes contraintes d’appareils. Des francs-tireurs, des mercenaires qui n’existent que dans un système médiatique où le moindre mètre carré à été privatisé. Ce sont des mauvaises herbes dont les ténors de la politique vont avoir bien du mal à se débarrasser.
Ni le chroniqueur télé “vendu” ni le président banquier “patron” ne font un honnête constat : notre vieille République s’est lentement transformée en un triste marché dominé par 7 familles qui font la loi.
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