Quelques points peut-être utiles :
– François Ruffin a refusé le 1er mai de se prononcer sur la candidature de Jean-Luc Mélenchon, annonçant ne prévoir de prendre position qu’ « à partir de l’été » et confirmant « non je ne serai pas (candidat)« .
Cela dit, en politique, les changements de position ne sont pas rares…
– Il peut arriver que l’affiche de second tour annoncée un an avant une présidentielle soit confirmée (1981, 2007) mais ce n’est pas le cas le plus courant : en 1988 Chirac remplaça Barre comme adversaire de second tour de Mitterrand, en 1995 Chirac supplanta Balladur, en 2002 Jospin fut mangé tout cru par Le Pen, en 2012 Hollande remplaça Strauss-Kahn et en 2017 Macron supplanta Juppé.
De plus, même si l’affiche de second tour est confirmée, le vainqueur n’est pas nécessairement celui annoncé de longue date, l’exemple criant étant 1981 puisque six mois avant l’élection Giscard était à 57% et Mitterrand à 43%.
===> Le scénario d’une victoire au second tour de Macron contre Le Pen n’est qu’un scénario parmi d’autres. Assez improbable, en fait
– La journaliste Laetitia Krupa a publié récemment « La tentation du clown« , livre défendant la thèse de la très probable émergence d’un candidat « hors système » disposant d’une véritable chance de l’emporter. Gaspard Gantzer, ancien conseiller communication de François Hollande, va jusqu’à affirmer « le clown sortira très tard, ça se jouera en huit semaines. »
A l’appui de cette thèse, de nombreux entretiens sur l’état du pays. Et plusieurs exemples étrangers : si Grillo en Italie n’est pas parvenu au pouvoir, le mouvement M5S avait fortement percé. Surtout, Trump en Amérique et Zelensky en Ukraine sont bien devenus présidents de leurs pays respectifs. Tous sont, littéralement, des clowns : c’est la profession de Grillo, Trump s’était fait connaître comme présentateur télé, et Zelensky en présentant une émission humoristique. Il faut imaginer un président Bigard ou Hanouna – qui font d’ailleurs partie des noms testés par Laetitia Krupa. Il faut imaginer Coluche élu en 1981…
A l’appui de l’idée comme quoi « ça se jouera » tard, les exemples de 1981, 1988, 1995, 2017 où les bouleversements qui soit changèrent l’affiche du second tour, soit changèrent le gagnant (en 1981) sont survenus en début d’année électorale. Sans parler bien sûr de 2002, où le changement n’a pas eu lieu avant la dernière semaine !
===> Cette thèse est solide, d’autant plus si l’on étend l’hypothèse du « clown » à celle d’un candidat qui ne serait pas littéralement un amuseur public à la Grillo, Trump ou Zelensky, mais qui bousculerait le jeu sans avoir été annoncé, encore davantage si on inclut l’hypothèse d’un simple changement du nom du vainqueur du second tour
– Les hypothèses sur la « surprise » sont multiples. Essayons de les rassembler en quelques groupes :
1. La presque-pas surprise, le scénario de 1981. Même affiche, mais de même qu’un grand basculement avait porté début 1981 Mitterrand en tête, un basculement plus petit porte début 2022 Marine Le Pen en tête du scrutin, puis à l’Elysée. Après avoir viré au socialisme en 1981 en élisant un critique féroce de la constitution de la Vème république – qui se garda bien d’y toucher, et d’ailleurs abandonna au bout de deux ans le plus gros de son originalité – les Français vireraient RN en 2022 en élisant une critique féroce de l’UE et de ses politiques – qui ferait… quoi ? Originale, mais incapable, à la Trump ? Capable, mais bientôt « rangée », à la Mitterrand ? Autre chose ?
2. La recombinaison haletante qui ne change pas grand-chose. Par exemple, Macron pourrait chuter rattrapé par son impopularité et laisser la place au candidat LR qui l’emporterait sans doute contre Le Pen. Ou bien être remplacé par un ancien lieutenant de la même tendance mais moins impopulaire tel Edouard Philippe. Ou encore c’est Marine Le Pen qui pourrait ne pas accéder au second tour parce qu’un candidat surprise (Zemmour ?) aurait marché sur ses plates-bandes, d’où candidat LR au second tour qui deviendrait président (avant, on peut l’imaginer, de récompenser Eric Zemmour 🙂 !) Dans tous ces cas, après diverses manœuvres byzantines faisant la joie des gazettes et des chroniqueurs, Macron serait remplacé par un dirigeant qui serait… plus ou moins comme lui, et sur le fond ne changerait guère de politique générale
3. Le clown littéral. Les Américains ne sont pas nécessairement satisfaits d’avoir porté un amuseur public au pouvoir, et il reste à voir si les Ukrainiens seront d’un autre avis, mais qu’est-ce qui empêcherait les Français de faire la même err… pardon, expérience ? On peut aussi grouper parmi les clowns des personnalités qui ne sont pas par profession des amuseurs publics, mais qui ont ce point commun d’avoir été entièrement créées par des médias avides de sensationnel. Bigard, Hanouna… mais aussi Zemmour, Onfray, d’autres encore ? L’hypothèse de la victoire d’un personnage de ce genre pourrait paraître assez fantastique… si Washington et Kiev n’en avaient pas déjà donné une illustration
4. La personnalité « nouvelle » qui attire par un mélange de force de conviction et de provenance « hors système politique » ou du moins « aux marges », sans prendre la figure d’un braillard ou d’un extrémiste. On peut y ranger l’hypothèse Pierre de Villiers, général réagissant par un acte de dignité à une humiliation gratuite par le président, et estimé pour cela, bénéficiant de l’image d’autorité et d’humanité qui s’attache à l’armée, tout en tenant sur le fond un discours plutôt modéré. On peut encore imaginer une Jacline Mouraud, à l’origine des Gilets jaunes, mais se gardant ensuite de toute surenchère creuse. Et d’autres noms encore, y compris que personne n’aurait cité jusqu’ici.
C’est dans ce quatrième groupe que l’on pourrait imaginer un François Ruffin. Même s’il n’est pas « hors système », il n’est du moins pas en plein dedans puisqu’il est toujours resté « avec » l’un des principaux partis politiques (LFI), mais pas dedans. Et ce n’est évidemment pas un simple braillard. Resterait pour lui à « prendre figure », à se faire connaître davantage, idéalement par un acte de courage et/ou de dignité (c’est plus facile à écrire qu’à faire !) en tout cas quelque chose qui lui permette d’être connu davantage. Ce qui pourrait (?) lui donner au moins une chance de rassembler des chats en troupeau… entendre, de rassembler des socialos, des écolos, des cocos et des insoumis en un tout plus ou moins pas trop incohérent. Puis, dans l’hypothèse où le tout parviendrait à faire mieux que « glorieux troisième », c’est-à-dire où l’un des deux premiers se prendrait les pieds dans le tapis – ce qui est tout sauf exclu, il est vrai – il lui resterait peut-être le plus dur, l’emporter contre un Macron, une Le Pen ou l’un de leurs avatars. (Allez, voilà une source d’inspiration !).
Bien sûr, on ne peut totalement exclure le scénario 0. Celui où le président Macron serait réélu. Faire l’expérience de réélire ce dirigeant serait sans doute assez « osé », et surprenant. Mais après tout, la surprise, cela pourrait aussi être ça !
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