À propos de Gaza / Mandela, par Chantal Montellier.
La comparaison que fait Mandela avec la situation des Noirs confinés dans des bantoustans au temps de l’apartheid en Afrique du Sud est tout à fait justifiée. Le régime dans lequel les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza sont maintenus se compare directement au système des bantoustans, et il en serait l’équivalent strict si Israël avait officiellement annexé la Cisjordanie. Mais même si ce n’est pas officiel… c’est bien la réalité de la situation sur le terrain pour les Palestiniens. Et vu que cette situation dure depuis 1967, la grande majorité des Palestiniens n’ont jamais connu autre chose.
C’est bien cette situation sur le terrain qu’il s’agirait de changer, et depuis une vingtaine d’années rien ne change – sinon éventuellement pour le pire.
Deux « points aveugles » dans son discours toutefois :
1. Mandela évoque la nécessité de résoudre « des problèmes de 1948 » appuyant le « droit au retour des réfugiés palestiniens », c’est-à-dire dans les frontières internationalement reconnues d’Israël, celles de 1967
C’est d’une part oublier que l’expulsion de 1948 a été réciproque. La majorité des Palestiniens vivant dans les frontières de 1967 a été expulsée ET la majorité des Juifs des pays du Moyen-Orient a été expulsée – une grande partie trouvant refuge dans le nouvel État d’Israël.
Surtout, c’est imaginer que les expulsions et « nettoyages ethniques » se résolvent par un retour au statu quo ante, quand la chose n’a pratiquement jamais été appliquée, ne serait-ce que par pur réalisme. Quand 15 millions d’hommes ont été expulsés de ce qui était en train de devenir Pakistan et Inde à leur indépendance, la solution n’a pas été leur retour, mais leur assimilation de l’autre côté. De même les Grecs expulsés de Turquie occidentale dans les années 1920. Les Serbes et Croates chassés de chez eux dans les années 1990. Les Pieds-Noirs expulsés d’Algérie en 1962. Les Allemands expulsés de l’ouest de la Pologne en 1945. Les Sunnites et Chiites expulsés de leur zone d’habitation en Irak lors de la guerre civile post-invasion américaine. Etc. etc.
On peut rêver d’un « retour au statu quo ante », mais il ne s’est avéré réaliste dans aucune situation. Encore moins après les trois générations qui nous séparent de 1948. Et bien sûr, le retour au statu quo ante est totalement inenvisageable pour les descendants des Juifs expulsés en 1948 – parce que retourner dans des pays actuellement en pleine passion antisémite ne serait pas exactement une bonne idée !
2. La comparaison que fait Mandela du mouvement qu’il a dirigé avec l’OLP d’Arafat, sans parler du Hamas, est très bienveillante pour ces derniers. La réalité est hélas différente.
Jusqu’en 1991, la lutte autour des droits des Noirs en Afrique du Sud opposait :
– d’une part un nationalisme exclusif et inégalitaire celui des Blancs visant à maintenir leur domination sur les autres,
– d’autre part un nationalisme inclusif et égalitaire celui de l’ANC voulant construire non pas la domination dans l’autre sens du Noir sur le Blanc, mais bien un pays égalitaire où chacun serait libre et aurait sa chance
En Terre sainte, ce sont deux nationalismes exclusifs et inégalitaires qui s’affrontent. La Charte de l’OLP l’est encore davantage que ce qu’Israël fait en Cisjordanie et à Gaza – voir en particulier les articles 2 et 5.
La Charte du Hamas est encore bien pire – voir l’article 11, également l’article 8 sur la nature djihadiste du mouvement et enfin l’article 7 pour le rappel « sympathique » du hadith de Mahomet affirmant que lorsque les Musulmans combattront les Juifs, ceux-ci se cacheront derrière pierres et arbres et les pierres et arbres diront au Musulman « il y a un Juif caché derrière moi, viens et tue-le ».
Bénéficiant d’une marge de supériorité militaire et matérielle gigantesque, Israël pourrait l’utiliser pour desserrer les contraintes qu’il fait peser sur les Palestiniens en Cisjordanie et à Gaza, sans se mettre en danger. La chose serait sans doute assez délicate, mais possible. À long terme (une génération ?), laisser les Palestiniens se développer dans un État à eux mènerait sans doute parmi eux à une perte d’influence du Hamas, de l’idéologie djihadiste et de l’antisémitisme en général. Alors, une véritable paix pourrait être construite – de même que les Européens ont cessé à un moment de s’opposer sur les champs de bataille.
Israël ne le fait pas, essentiellement parce que le statu quo lui est somme toute très confortable, et encore pour complaire à ses radicaux qui considèrent la colonisation de la Cisjordanie comme une obligation religieuse. Les partis religieux israéliens sont petits, mais le système politique ultra-parlementaire du pays – à l’opposé de ce qu’est la Cinquième République chez nous – leur laisse une influence disproportionnée.
L’ONU n’a strictement aucun pouvoir sur le conflit israélo-palestinien, pour la bonne et simple raison qu’elle n’a d’influence que sur les pays qui ne sont pas militairement forts – et surtout pas sur les puissances nucléaires comme Israël ! De plus, les principales puissances mondiales soit sont plus proches de cœur des Israéliens que des Palestiniens (Américains bien sûr, mais aussi Russes, Français, Allemands, Indiens, Britanniques…) soit n’en ont pas grand-chose à faire mais remarquent qu’Israël est un marché non négligeable et un acteur de poids dans les hautes technologies tandis que les Palestiniens ne pèsent guère (Chinois, Japonais…).
J’aimerais bien trouver une note plus positive, mais je n’en vois pas.
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