Oui, les choses changent. Mais les changements sont-ils ceux que nous appelions de nos voeux ?
Davos 2021, c’était en janvier. Klaus Schwab, son patron, lui avait donné pour thème « The Great Reset », la grande remise à zéro des compteurs économiques. Nous tergiversions à initier les transitions qui s’imposent : l’abandon des énergies non-renouvelables, la fin des émissions de gaz de serre, l’adieu au plastique, à ses déchets non-recyclables et ses micro-particules mortelles, le renversement de la vapeur dans la concentration de la richesse.
Or la grande réinitialisation n’aura probablement pas lieu. La raison en est simple : la distribution des responsabilités aujourd’hui dans nos pays entre le privé et le public, et le rapport de force entre les deux.
L’instrument d’un Great Reset c’est la planification impérative : des objectifs clairement définis, complétés par la création d’emplois en masse dans les secteurs innovants. Mais il y a une demi-siècle que nos États ont délégué la création d’emplois à l’initiative privée et la définition des objectifs économiques aux syndicats patronaux.
C’est l’Europe qui dispose désormais de la vue d’ensemble nécessaire à opérer de grands tournants. La Covid-19 a constitué pour elle un test grandeur nature, nous conviant au spectacle d’un spectaculaire retard à l’allumage. L’intérêt immédiat des firmes est de redémarrer de l’endroit où elles sont restées bloquées, et de recréer à l’identique les emplois tels qu’ils existaient auparavant. Le Great Reset ne viendra donc pas d’elles. Ce qui ne veut pas dire qu’elles ne doivent pas s’adapter à un environnement qui a lui, bel et bien changé.
Se souvient-on encore de l’époque où, pour une décision commerciale importante, les cadres venaient des quatre coins du monde (24 heures de vol pour un trajet de Londres ou de New York à Sydney) ? Zoom a transformé cela en un lointain souvenir, qui a permis de découvrir que la classe affaires subventionnait le vol tout entier, d’où le renchérissement maintenant de la classe économique, d’où peut-être un coup mortel porté au tourisme de masse. Quant au commerce de détail … Amazon représentait déjà plus de la moitié du marché du livre aux États-Unis avant la pandémie et le chiffre évoqué maintenant est de 87%.
Oui, les choses changent, mais les changements sont-ils ceux que l’on appelait de ses vœux ? Début 2020, nous apprenions que la Chine rattraperait les États-Unis au titre de première puissance économique en 2034 ; on nous annonce un an plus tard que ce sera en 2028 : six années gagnées par la Chine en 365 jours seulement. Là, la pandémie fut une affaire vite réglée, sur le plan économique comme sur le plan sanitaire. Il faut dire que l’État chinois dispose toujours de la planification impérative.
Le 14 mars, la National Security Agency américaine répertoriait les ingérences étrangères dans l’élection présidentielle de novembre. La Chine, était-il dit, avait envisagé d’intervenir mais s’en était abstenue. La Russie elle, par de la désinformation calibrée, avait soutenu activement le président sortant et tenté d’handicaper le candidat Biden. Une peccadille en réalité par rapport à ce que Moscou avait accompli durant les quatre années de la présidence Trump : placer du logiciel malveillant, d’espionnage mais capable sans doute aussi d’agir, dans 18.000 firmes et agences gouvernementales américaines, y compris l’ensemble du réseau électrique, le Pentagone et la gestion des silos d’armes thermonucléaires. Les Américains ignorent où se trouvent exactement les chevaux de Troie installés et quel est leur réel pouvoir de nuisance. Les États-Unis ont perdu la guerre cybernétique qui les opposaient à la Russie. La Chine prend la tête en matière d’Intelligence Artificielle et d’armement hypersonique. Quant à notre semi-paralysie à nous, elle persiste.
L’Après-Covid a commencé. Rien n’est déjà plus comme avant.
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