Nos angles morts sont pour certains d’entre eux fort bien révélés par la pandémie en cours. Qu’il s’agisse du plan médical ou du plan de la « gouvernance » (plan cybernétique si je suis l’étymologie du « Gouvernail », racine commune au deux), cela est apparu à satiété.
La vaccination amène son lot d’interrogations. Faisons deux vols rapides au-dessus du nid de coucou, le titre du billet étant d’ailleurs construit à partir de deux titres de films.
– Le vaccin à ARN et la façon dont il intervient dans la biologie, les cellules et leur noyau. La polémique n’a pas beaucoup duré, mais il a été question de se demander si, « ARN » n’étant pas très loin d’ADN (et chimiquement, c’est apparemment vrai), n’allait-on pas « toucher à notre génome » ? La réponse était dure à formuler car si tout le monde apprend à l’école maintenant les bases de biologie (ADN lu par la machinerie, gènes transcris en ARN messagers qui peuvent sortir du noyau cellulaire le cas échéant, et aller à l’usine « Ribosome SARL » se faire traduire en protéine assemblées à partir des 20 acides aminés que le liquide cellulaire doit avoir « sous la main », comme les graines dans les N silos à l’échelle d’un pays. Bien bien.
Mais cet ARN, c’est chaud, non ? Et si il prenait le chemin X ou Y, ne finirait-il pas par usurper la place de notre bon ADN ? L’ignorance ici est celle de la dégradation d’un peu tout, y compris ces messagers. On connait les produits finaux du métabolisme (CO2, urée, excrétions, la nature sait conditionner l’azote sous N formes, Primo Levi le rappelle quand il en parle dans son recueil « Le Système Périodique »), mais peu hors les spécialistes savent qu’il y a des armées d’enzyme chargées de dégrader ce qui chez nous va in fine à la poubelle : ticket de caisse, bon de livraison, duplicata, emballage. Baptiste Monsaingeon a bien montré dans son « Homo Detritus » (coll. Anthropocène au Seuil) comment en 150 ans, la perception de notre génération de déchets avait changé, et notre anthropologie avec : le chiffonnier, avant d’être emblématique des « petites gens », est un recycleur de fibres textiles, on l’oublie aujourd’hui, il avait une tolérance spéciale pour pouvoir ouvrir en grand les poubelles/déchets dans la rue dans ce but (dans des temps sans emballages jetables, faut-il le rappeler). Voilà pour le premier nid.
– La vaccination et le terrain immunitaire dans la pandémie, c’est le second nid (avec des coucous bizarres). La complexité de l’immunité est largement aussi grande que dans le cycle de génération des protéines, voire encore plus, pour gérer des mémoires qui se superposent dans le temps, dans l’espace, dans différentes cellules et mucus, etc. Après la polémique assez dégonflable de l’HCQ marseillaise, un dénommé Geert van den Bossche a depuis début mars 2021 plaidé que la vaccination a un effet négatif sur notre futur immunitaire, et qu’il faut considérer de l’arrêter avant que cela ne se gâte. C’est devenu viral. Son pedigrée en publication véritable est assez vieux (> 20 ans), et son savoir a été acquis en science vétérinaire, domaine où l’on est sans doute amené à vacciner en pleine « zoodémie » pour sauver des cheptels. (Son profil en termes de {âge & temps depuis la sortie de la science} me fait penser à la députée–docteur Mme Martine Wonner, avocate de la prescription de l’HCQ , mais surtout par soutien à la médecine libérale, forcément « menacée »). Vaccination en plein pandémie, donc, cas de figure sans doute documenté pour les animaux, alors que le cas coronavirus/vaccination est plutôt une première dans le genre humain pour un virus sans aucune exposition préalable de la population mondiale, du fait de la rapidité de la réponse des fabricants de vaccin. (les vaccins Ebola sont au mieux « en cours de test », crois-je comprendre). On peut écouter son interview ici, lire son pamphlet ici et prendre connaissance d’un premier essai de debunking très « USA côte Ouest» ici . En effet, plus les éléments d’environnements disent de façon étrangement appuyée « ceci n’est pas une logique anti-vaxx » (notre argumentateur a accompagné N campagnes récentes dont certaines en lien avec Ebola, à vérifier), plus il faut redoubler d’attention, c’est ce que nous ont appris les « Marchands de Doute », titre de l’ouvrage à lire de Erik Conway et Naomi Oreskes.
Je laisserai chacun se faire une idée (mon bookmaker est prévenu). La connaissance médicale est bien délicate à interpréter dès que des réseaux d’interactions complexes sont en jeu (exemple : le microbiote intestinal et son lien à l’obésité post-malbouffe-dans-l’enfance est maintenant connu ; de même pour les greffes d’intestins, ça fait 15 ans qu’on sait qu’il faut ne pas désinfecter le greffon de son contenu de digestion du donneur, en gros ses selles, pour qu’il soit toléré, etc.).
Je continuerai en attirant toutefois l’attention sur une dérive qui n’est pas comme celle de l’accumulation de déchets, car dans ce cas de déchets on est seulement dans le « problème logistique » : on pourrait dire qu’il suffit de bien « regarder » l’externalité (et des économistes vous diront même qu’elle est quantifiable) pour décider où s’arrêter en payant un prix XX pour faire autre chose, le détail étant décidé à l’aide des « utilités » généralisées. Les effets de seuil sont idéalement, assez clairs pour les déchets, et dans ce cadre, l’échelon collectif ne coïncide évidemment pas avec l’échelon individuel (mon pot de yaourt dans la forêt n’aura pas d’influence notable à lui tout seul, non ? mais les microplastiques de 7 milliards de consommateurs oui !). L’effet de seuil est celui d’une pollution plus ou moins grande, avec des capacités de concentration connues des chaines qui ont leur « capacité de charge », le tout dans une image « quasi-statique », cela s’arrange à peu près quand j’arrête (sauf le CO2, sauf les dioxines, sauf le Pu…, où la patience s’imposera).
Un cas plus tordu est celui où l’avantage semble exister **à tout moment** mais où la catastrophe guette néanmoins. Autant être prévenu si d’aventure nos démêlés viraux et vaccinaux devaient cocher cette case (ce n’est pas ce que dit G. van den Bossche, mais il faut s’entrainer à raisonner sur tous les cas de figures possibles, une gym saine). Il s’agit du cas de la « Loterie Multiplicative », où chaque tirage semble bénéfique, mais où le fait d’insister conduit néanmoins assurément chacun à la ruine. La raison est subtile car elle fait appel à la non-ergodicité : la moyenne d’un grand ensemble de réalisations ne coïncide pas (pas du tout) avec la moyenne des réalisations suivie sur un même et unique individu. L’ergodicité, la possibilité d’interchanger les moyennes d’ensemble et de suivi temporel, c’est l’hypothèse-clé de la physique pour les mouvements browniens etc. : chaque particule subit des chocs, l’effet moyen sur chaque particule « à la fin », est égal, si c’est ergodique, à l’effet moyen à un instant t sur les 10^22 particules (1 gramme de molécules de gaz, disons) d’un échantillon de gaz. Cas contraire : imaginez des particules capables de se communiquer entre elles où est la micro-fuite dans le tuyau de gaz et d’influer sur leurs trajectoires pour y aller toutes au lieu d’aller dans votre chaudière !).
Des économistes et des « cerveaux » de la complexité se sont penchés sur la question : Murray Gell-Man,[1] et le duo A. Adamou et O. Peters [2] notamment ([1] « Evaluating Gambles using dynamics », Google Scholar est votre ami pour les papiers plus récents), au point de proposer une meilleur définition de l’inégalité que le traditionnel « coefficient de Gini » aux faiblesses assez notoires (spoiler : c’est d’elle qu’il est question in fine).
Voici : vous avez une chance sur deux à la LM (Loterie Multiplicative) de multiplier votre mise par 1,6 et une chance sur deux de la multiplier par 0,6. Donc si vous investissez 10 euros, votre « espérance » est (16+6)/2 = 11. Donc vous avez intérêt à jouer « tant et plus ». 10% de gain en moyenne, mazette.
J’ajoute juste une clause (héhé) : vous DEVEZ réinvestir vos gains à-tous-les-coups, pour toujours ! Alors il faut considérer la suite des MULTIPLICATIONS (écho non négligeable aux sirènes exponentielles et leurs R mystérieusement fluctuants) : Donc une suite {x0,6 | x1,6}, aléatoirement.
Le produit fait 0,96 et est donc plus petit que 1 : Donc en termes multiplicatifs, vous êtes sur une pente descendante. Les fois où vous gagnez sont de belles aubaines et font justice de « l’espérance » susmentionnée de 10%. Mais au total, vous devrez finir… ruiné ! Au bout de N=25 tirages, le produit {x0,6 x1,6}^25 fait (1-1/25)^25, loi qui tend vers 1/e (0,37) si N croit. Mais vers le tirage 10 ou 15, vous qui êtes chanceux (ou votre voisin si pas vous) aura un beau pécule (1,6^13 ~450 au tirage 13 si tout va bien). Paradoxe apparent dans les résultats, donc.
La solution du paradoxe est que en effet la fortune globale augmente (aspect « espérance », additif et non multiplicatif de la vision sur un tirage) mais que cela concerne de moins en moins de cas au fur et à mesure qu’on insiste : une personne sur 500 atteindra le gain x500, et assurera que l’espérance entrevue n’était pas un mensonge, pendant que les 499 autres auront été ruinés (Ce truc, « capitalisme » dont on parle des fois, aurait-il un rapport ?). Puis si on passe à 1 sur 5000 (= 1,6^18) pour encore plus d’aubaine visée, mais que le village est petit : pas plus de P=1000 personnes ont joué, en réalité, alors tout le monde est ruiné, peu ou prou ! On ne peut plus « faire commuter les limites de l’ergodicité », car la « bonne fortune » ne correspond qu’à trop peu de réalisations, très extrêmes.
Il n’est pas impossible qu’il y ait quelque chose de multiplicatif dans les mutations du virus, et que le risque soit élevé. Mais pour ce que j’ai pu y réfléchir, ce n’est pas nous qui jouerions à la loterie avec le vaccin. Il faut plutôt imaginer que c’est lui, le virus, qui jouerait à la loterie avec nous et donc renverser la perspective pour se remuer les méninges. Par exemple se demander si la stratégie très inégalitaire « peu de virus très dangereux » serait ce que le GCEVNE, le Grand Conseil Evolutionniste des Virus Non Ergodiques (au sens figuré d’un rêve de Darwin) suggère aux SARScov2 de faire, ou pas.
Quelle conclusion en tirer ?
Un peu comme la « poubelle » dont on sait trop peu comment elle « marchait toute seule » avant Homo Detritus, c’est le terrain immunitaire dont on sait trop peu. Lest tests sérologiques ne sont conduits que sporadiquement en terme de santé globale, les individus peuvent en profiter mais on n’a pas encore construit un « savoir de défense collectif » sur ce volet-là. Il me semble qu’on ne comprend pas les différents cas de figures régionaux et subrégionaux (Californie vs Texas, Maroc, Inde, Slovaquie, Turquie, Brésil,…) et leurs pendants socio-humains (minorités, ethnies plus vulnérables, …) si on ne construit pas de savoir sur les modes d’immunité et leurs évolutions. C’est un vrai sujet compliqué, je ne me fais pas de film. Mais on n’est pas beaucoup au-dessus du zéro absolu pour l’instant. Qu’il soit anti-vaxx déguisé ou pas, un pamphlet du type précité (de G. van den Bossche) pourrait avoir indirectement l’intérêt d’attirer notre attention sur ce que nous sommes comme machine immunitaire complexe et sociale, et pas seulement sur ce dont nous pouvons être « augmentés » ponctuellement par le vaccin, aspect qui n’est , admettons-le, qu’un pan de la vision d’ensemble.
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