Les deux baies, de St Brieuc et de Lannion, au bassin versant Est moins industrialisé, ont rempli la fonction de super-stations d’épuration naturelle pendant des siècles en donnant satisfaction aux populations locales.
À ce titre, les sédiments en conservent une « mémoire » qui participent à la vie de l’écosystème. Mais une production d’hydrogène sulfuré (H2S) en devient un paramètre toxique limitant – plus ou moins vite selon les conditions locales. Le bilan sédimentaire historique en est donc probablement autant humain ( y compris touristique) et industriel (activités portuaires) qu’agricole. Aussi curieux que cela paraitra au touriste de passage, les marées les plus grandes de ces côtes contribuent peu au renouvellement de l’eau dans la baie qui y fait des aller-retours. Même les heures passées au soleil breton après un rinçage pluvieux à marée basse, sont peu efficaces pour digérer les excès accumulés, sédimentés !
Les cinétiques de réaction des mécanismes chimiques en écosystème aquatique et en géologie ne sont pas du même ordre de grandeur : la terre est lente à digérer nos excès et les baies s’encrassent par les sédiments. Par contre tout va très vite en surface et dans l’eau. On peut le constater dans les abers et les rias ; les « marées vertes » s’y développent d’année en année.
Les pêcheurs de coquilles St Jacques contribuent à prélever une partie de N et C accumulés mais nul ne dira combien de temps ça peut durer : les effets toxiques du H2S accumulés finiront bien par se faire sentir. Les pathologies des moules et huîtres en marges de ces baies participent des mêmes limites écologiques. Ces productions peuvent aussi contribuer à encrasser un peu le site plus selon la courantométrie locale ; les conchyliculteurs le savent et gèrent leurs stocks en conséquence. On peut craindre que l’écologie de ces écosystèmes soit trop compliquée pour transformer cette évolution physico-chimique puis biologique naturelle et inéluctable en politique, droit et administration !
En baie de Lannion, ce serait plus facile mais le bashing agricole permet de ne rien faire et de distribuer des subventions et calmer une partie des protagonistes ? Résoudre le problème serait-il contre-productif ? À ce propos une anecdote.
Chacun a pu lire dans ce blog un témoignage de Paul Jorion qui en mission FAO dans un pays d’Afrique française avait « résolu » le problème posé. À son retour à Rome, son référent du siège lui avait fait la remarque que « ce n’était pas habituel » ! J’ai vécu pour la FAO une situation similaire en Afrique de l’Est. Le site d’un élevage de crevettes avait été mal choisi et l’échec était patent et sans espoir. Mon référent m’a dit qu’il était content d’avoir des explications techniques mais que ça ne plairait pas en haut lieu. Il m’a fallu des années pour comprendre pourquoi et je n’ai guère été rappelé à la FAO par la suite ! En fait l’expert n’est pas invité à résoudre les problèmes mais à aider les ministères locaux à vivre avec en demandant toujours plus d’aides et de subventions : la FAO aussi en profite ! J’avais donc tout faux ! J’ai l’impression de vivre des situations similaires en France depuis des années !
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