J’ai acheté un coffret de films de Gabin. J’ai fait allusion l’autre jour au fait que j’avais revu le French Cancan (1955) de Jean Renoir. Pour ceux qui ne connaissent pas, c’est l’histoire d’un patron de revues (Jean Gabin) qui couche avec toutes les jeunes filles qu’il recrute et quand il y en a une qui se plaint d’être remplacée (François Arnoul), il lui dit : « Mais qu’est-ce que tu crois, poulette ? etc. », et tout le monde autour de lui de s’esclaffer. Je suppose que tout le monde dans la salle s’esclaffait aussi.
Dans le bonus making of de French Cancan, quelqu’un vous explique que Jean Renoir trouvait lui-même la formule très drôle, et il ajoute que le père de Jean Renoir, Auguste, y recourait abondamment lui-même. Comme il n’était pas patron de revues mais peintre, je suppose qu’il est question de la relation de « l’artiste » avec ses modèles…
Mais il y a pire encore !
Hier j’ai regardé, avec le même Gabin, complété de Jean-Paul Belmondo, Un singe en hiver (1962) d’Henri Verneuil, d’après le roman éponyme (1959) d’Antoine Blondin.
Dans ce film, très proche dit-on du roman autobiographique de Blondin, nous assistons à l’amitié naissante entre deux poivrots. L’un des deux avait abandonné la boisson à la suite d’un vœu dans une cave lors d’un bombardement, ce qui avait fait de lui un misanthrope acariâtre, mais il retrouve heureusement (sic) la jovialité en se bourrant à nouveau aux côtés de l’autre, qui laisse lui sa petite fille à son malheur.
J’attendais naïvement qu’à un moment ou à un autre on nous laisse entendre qu’il ne s’agit pas là d’une bonne chose, ou que le Bon Dieu intervienne pour punir au moins l’un des deux, mais rien : il s’agit d’une ode à la biture, et d’un pied-de-nez à ceux qui n’aiment pas ça.
J’ai le souvenir, étant gosse, des affiches dans les rues « Les parents boivent, Les enfants trinquent ». Il devait donc y avoir quelque part une ligue de tempérance, mais je suppose qu’on devait la faire taire, comme on le fait toujours aujourd’hui, par un quelconque chantage à l’emploi : « Vous voulez ôter le pain de la bouche des vignerons ? », « Le film fera plein d’entrées à l’étranger ! », etc. Quant au roman de Blondin qui raconte la même horreur, il avait bénéficié lui du … Prix Interallié ! (senza vergogna !)
Je suis content de vivre encore à une époque où l’intolérable n’est plus toléré d’une aussi grande gaieté de cœur. Même si je m’inquiète du retour de pendule excessif dans l’autre sens. Comme disait M. Aristote : « la bonne approche, c’est celle du juste milieu ». Quand une personne commentait l’autre jour sa satisfaction que sa plainte ait été enregistrée « même s’il m’a fallu dix ans pour que je me rende compte que la relation n’était pas consentie » (authentique), je me suis rendu compte qu’il devrait y avoir dans les bureaux de police un avis du genre « Sur les simples changements d’avis, la prescription débute dès le lendemain matin à 10 heures ».
P. S. Si vous n’avez pas vu la vidéo ci-dessous (et que vous entravez l’angliche), je vous la recommande chaleureusement, l’hôte vous y démontre pas à pas mais de manière extrêmement convaincante que le film Mulholland Drive (2001) de David Lynch est une dénonciation cryptée de la « formule Weinstein ».
Laisser un commentaire