Le 21 avril aura lieu à l’Université catholique de Lille, une journée d’étude « Science-fiction, religion, théologie ». Vous trouverez ici l’appel à communications.
Voici un résumé de ce que j’y dirai.
« Prédestination et futurs contingents chez Philip K. Dick »
Parmi les auteurs classiques de science-fiction, l’Américain Philip K. Dick (1928-1982) est l’un des très rares à mentionner expressément la théologie parmi les thèmes qu’il entend couvrir, et le seul à ma connaissance à avoir consacré un roman exclusivement à des thèmes théologiques : La transmigration de Timothy Archer (1982), même si, exceptionnellement dans son œuvre, ce texte ne relève pas à proprement parler du genre science-fiction puisqu’il s’agit d’une transposition à peine voilée de la vie de l’évêque épiscopalien James Pike [1913-1969], accusé d’hérésie de son vivant, et qui fut à une époque le propre beau-père du romancier. Le fait cependant que ce roman ait été écrit alors que Dick se savait en fin de vie a conduit la plupart des commentateurs à le considérer comme son testament spirituel. La transmigration de Timothy Archer ne fait par ailleurs que rassembler en un texte unique des thèmes que l’on retrouve en de nombreux endroits de l’œuvre de Dick, tels que
1° quelle est la part qu’il nous est permis à chacun de nous, individus humains, de connaître du Réel (Être-donné kantien) dans lequel nous sommes plongés ?
2° le fait que notre sentiment d’un Moi repose essentiellement sur la continuité de notre mémoire, alors que celle-ci est altérable (d’intention délibérée par la consommation de drogues ou à notre corps défendant dans la folie), remet-il en question que la représentation que nous avons chacun de la destinée humaine puisse nous être commune, ou bien s’agit-il d’un malentendu fondamental ? pouvons-nous remédier au caractère éventuellement lacunaire de notre compréhension en rassemblant nos points de vue ?
3° peut-on imaginer qu’un progrès technologique nous ayant permis de nous voir implanter une fausse mémoire, nous soyons dans l’incapacité de déterminer si notre passé a bien eu lieu ? (cas des « répliquants »)
4° l’avenir est-il a) unique (déterministe), auquel cas nous sommes prédestinés à vivre un « destin » unique lui aussi ; b) ouvert, auquel cas nous disposons d’un « libre-arbitre » ; c) constitué d’un petit nombre d’options, que certains « voyants » parmi nous (cas des « precogs ») pourraient connaître ?
5° pouvons-nous communiquer avec les morts ? Et si oui, savent-ils l’avenir, ce qui ferait d’eux les « voyants » des quelques options qui nous sont ouvertes à chacun ?
Mon exposé visera à déterminer l’éclairage qu’apporte l’œuvre de Philip K. Dick, et plus particulièrement La transmigration de Timothy Archer, à la « Querelle des futurs contingents » qui déchira dix années durant l’Université de Louvain et qui avait été formulée ainsi le 13 décembre 1465 devant l’assemblée des étudiants et des professeurs : « Après que le Christ eut dit à Saint Pierre : ‘Cette nuit, avant que le coq chante, tu m’auras renié trois fois’, était-il au pouvoir de l’apôtre de ne pas renier son maître ? ».
Références :
Léon Baudry, La querelle des futurs contingents (Louvain 1465-1475), textes inédits, Paris : Vrin 1950
Philip K. Dick, The Transmigration of Timothy Archer, New York : Timescape Books 1982
Philip K. Dick, autres ouvrages (passim)
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