J’imaginais en revenant à Houat en 2010, à mon retour des États-Unis l’année d’avant, retrouver la petite communauté que j’avais connue, chacun de ses membres étant banalement plus âgé de trente-six ans. Mais dans l’île que j’ai retrouvée, le Houat d’autrefois avait entièrement disparu : il y avait bien en 1973 une ou deux maisons au village métamorphosées en résidences secondaires, mais en 2010 plus de la moitié étaient devenues telles. Les sommes offertes par les « touristes » pour les habitations, et même les écuries, représentaient un pactole pour les îliens qui acceptèrent la manne tombée du ciel, inconscients du fait qu’ils mettaient ainsi à terme tout logement à Houat hors de portée de leur propre progéniture.
Il y a dans le Golfe du Morbihan, bien abritée de l’océan, une île appelée l’Île aux Moines. J’y suis allé pour la première fois en 1977, époque où elle était déjà comme Houat est aujourd’hui : une juxtaposition de résidences secondaires, pittoresques comme pas deux sans aucun doute, mais aux volets fermés à l’exception des grandes vacances et de quelques longs weekends en morte saison. Et c’est cela qui m’est venu à l’esprit lors de mon retour à Houat en 2010 : l’Île aux Moines avait dû un jour être telle que lui l’était en 1973, à savoir avec un atelier en plein air à traverser avant d’atteindre le pas de la porte, au lieu du jardinet propret qu’on y voit maintenant, et cela parce que ceux qui l’habitaient n’y étaient pas pour s’y changer les idées quand l’envie leur en prenait, mais parce qu’ils y trimaient tous les jours que Dieu fait.
FIN
Les pêcheurs d’Houat (Hermann 1983 ; Le Croquant 2012)
La transmission des savoirs, avec G. Delbos (Maison des Sciences de l’Homme 1984 ; 1990)
Le prix (Le Croquant 2010 ; Flammarion 2016)
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