- Nous sommes dans une période de transition entre 2 périodes historiques:
- celle qui finit de la gestion plus ou moins capable d’élites formées au gouvernement (au sens le plus général du terme)
- une autre qui cherche à se définir et qui tente de se former autour d’un magma encore informe fait de consultation, participation, cogestion, coconstruction, etc. bref qui se voudrait « plus démocratique », faite par « le peuple ». Quelles définitions émergeront finalement pour ces termes, c’est toute la question qui est en train de se décanter dans l’époque.
- Les élites (dirigeantes, savantes, médiatiques, etc.) à la suite de tripatouillages pas clairs ont perdu la confiance de tous. Étant donné l’état actuel du monde, qui en doute, qui s’en étonne?
- Le peuple ou si on préfère le pékin lambda que nous sommes tous en est conduit à se débrouiller quasi tout seul pour former une représentation et agir. C’est ainsi que l’on voit surgir un pharmacien énonçant une nouvelle théorie de la monnaie ou un notaire émettre son avis éclairé sur la vaccination. Nous pouvons tous être théoriquement (en droit) cet « outsider » qui révolutionne un champ, la question est de savoir si dans les faits nous avons tous été équipés, nous nous sommes équipés pour ça. La réponse la plupart du temps est non.
- Plusieurs facteurs concomitants s’additionnent pour rendre l’émergence du nouveau chaotique (au sens de René Thom), on peut citer:
- la sous-éducation chronique des populations à la fois aux processus de la vie collective (comprendre, s’informer, débattre, décider, construire à plusieurs) et aux caractères généraux du fonctionnement des sociétés (histoire, sociologie, etc.) = c’est plutôt à mon sens un quasi-miracle que le report de la compréhension du monde sur des interprétations complotistes et de leurs toujours renouvelés « deus ex machina » délirants ne soit pas plus généralisé. Todd a noté sur le champ la rapidité avec laquelle les Gj se sont élevés au-dessus de tout ça, et à quel point c’était une raison d’optimisme pour la suite.
- dit autrement, jusqu’ici ça arrangeait tout le monde, et ça fonctionnait, de réduire l’éducation générale de la population à un vade mecum succinct (« instruction civique » du collège et lycée): « il y a des députés, et un président, vous votez tous les 5 ans, voilà c’est fini ». Et pareillement de l’histoire collège-lycée à: « il y a eu des dirigeants, des guerres, des périodes de crises où les gens avaient faim et d’autres d’expansion économique, voilà c’est fini ».
- le saut qualitatif des expériences d’apprentis-sorciers : de la publicité et à sa manipulation des affects à petite échelle, aux réseaux sociaux qui forment et déforment aujourd’hui la quasi-totalité des consciences hystérisées et insécurisées « by design ».
- Plus généralement, tout le matériel humain formé en Business Schools (et on sait que depuis le directeur d’hôpital jusqu’aux présidents des nations ils y passent tous) est formé à la manipulation du fond anthropologique hérité des périodes précédentes, comme s’il devait rester identique et non modifié par un processus qui a pris une ampleur généralisée.
- on pourrait peut-être ramener l’essentiel de nos problèmes à l’apparente victoire sans partage de l’individualisme méthodologique, il est en train de s’auto-détruire sous nos yeux en détruisant les consciences, le langage, la réflexion. Ce n’est pas une maladie du peuple mais de l’époque. Le rapport par exemple de Messieurs Trump et Macron, aussi différents qu’ils soient, à la décision, au langage, au gouvernement, tombent sous le même diagnostic : le réel est censé correspondre à leur énonciation individuelle. Ils sont tout aussi fous que le reste d’entre nous…
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