La revue Le Débat est donc morte après quarante ans d’existence. On y vu beaucoup de beau monde. Il y a aussi beaucoup de beau monde qu’on n’y aura jamais vu. L’éventail politique des idées qu’on y défendait s’étendait de la droite (jusqu’à la droite limite) au centre-gauche. Qu’on s’en tienne là était logique puisqu’il s’agissait de conjurer l’intellectuel engagé sartrien qui avait dominé l’autre partie du spectre.
L’entreprise n’était pas innocente : on laissait entendre ainsi qu’aucun véritable intellectuel n’habitait les terres situées à gauche du centre-gauche. Gallimard n’y était pour rien, qui continuait d’accorder son hospitalité aux Temps Modernes, plus ou moins fossilisés depuis la mort du patron.
Le décès du Débat a-t-il une signification secrète, au-delà du simple entérinement de l’âge avancé des Nora, Gauchet et Pomian ? Peut-être, mais je n’en suis pas sûr, même si ses anges tutélaires disent y lire une.
Cela dit, l’appel d’air que créera la disparition du Débat, après celle des Temps Modernes, incitera-t-il un éditeur à offrir à ses lecteurs une revue où l’on pourrait lire Serge Audier, Alain Badiou, Pierre Dardot, Régis Debray, Gaël Giraud, Paul Jorion, Christian Laval, Annie Le Brun, Frédéric Lordon, Jean-Claude Michéa, le regretté Bernard Stiegler et sa fille Barbara, Alain Supiot, Emmanuel Todd et Sophie Wahnich ? Je sais qu’une telle revue serait lue. Mais cela compte-t-il encore aujourd’hui ? Le problème est essentiellement là.
N.B. j’ai contribué à quatre numéros du Débat. Par ailleurs Pierre Nora et Marcel Gauchet m’ont très aimablement publié et fait bénéficier de leurs conseils dans la Bibliothèque des Sciences Humaines, également chez Gallimard.
Laisser un commentaire