G.J. CORBISIER a déjà publié ici : « Le VIROSAPIENS », le 9 octobre 2018.
Le sentiment de dualité provoqué par l’identification au corps et à la personne n’a-t-il pas précipité l’humain dans un monde d’oppositions, de brutalités, d’injustices, de corruptions et de cupidités ? Même si au milieu de ces ruines poussent quelques fleurs des champs… En prendre conscience résoudrait d’une certaine façon les problèmes d’un ‘’monde d’après’’, qui de toute manière n’est que notre propre projection.
De l’HOMO SAPIENS VENENUM à l’HOMO SAPIENS LIBER
‘’A la redécouverte d’un antidote connu depuis des millénaires’’.
Pourquoi l’homme n’examine-t-il pas avec sérieux les raisons qui font que ses actions détruisent tant autour de lui, au point de l’empoisonner lui-même ? La Nature, elle, n’a qu’un seul ‘’objectif’’, la reproduction, et il n’est qu’à court et moyen termes. Court, de la fertilisation à la parturition. Moyen, de quoi amener, dans une sécurité et une condition physique suffisantes, à la période de reproduction. Pour ce faire elle multiplie frénétiquement les mutations et les espèces.
L’Évolution étant une construction aléatoire mais accumulative, la Sélection Naturelle nous a dotés de la conscience-réflexe destinée à nous assurer les meilleures chances de remplir cet objectif, prolongeant et amplifiant une évolution déjà amorcée chez certains primates supérieurs. En ouvrant la voie au développement hasardeux d’une personnalisation du corps elle aura accru le sentiment de dualité. Ce dispositif est différent du simple instinct, qu’elle complète, ou perturbe à l’occasion. Combiné aux côtés joueur, curieux, créatif et habile dont est doté l’homme ces différents caractères auront enclenché un phénomène cataclysmique dont l’humanité risque de faire les frais, entraînant avec elle une bonne partie de la biosphère. Qu’elle en ait longtemps bénéficié est un sujet de débat, et qui dépend du point-de-vue…
Car les caractéristiques dont nous sommes dotés nous amènent à peser également sur le très long terme, et souvent de la pire des manières. Notre capacité à développer, notamment, des matières de synthèse et notre incapacité à en planifier une utilisation avisée, accumule les causes de destruction. Car nous sommes par contre oublieux des leçons du passé et dépourvus de toute capacité de prévision fiable. L’IA, ce concept qui n’est qu’un extenseur, multiplicateur et accélérateur d’une pensée humaine mono-séquentielle lente, pourrait peut-être aider à compenser nos faiblesses en la matière. Las, utilisant les résultats d’un ‘’big-data’’ escroqué, cette technique algorithmiquement multi-prévisionnelle a peu de chances de nous aider. Pour des raisons évidentes dont la moindre n’est pas qu’elle ne sera pas orientée dans ce but par les détenteurs des données lui permettant de fonctionner, et que de toute manière on ne trouverait pas de consensus dans le choix des actions à mener.
En réalité le problème est dans le comportement même de l’homme, et dans cette conviction égocentrée qu’il a d’avoir le droit par nature de piller la biosphère. Et cela sans le moindre devoir de compensation, la Nature étant supposée s’auto-régénérer. Très gros consommateur d’énergie sous toutes ses formes dont largement fossiles, il est logique qu’il restitue les déchets toxiques de cette boulimie à une allure colossale. Grâce à une amélioration de l’hygiène et des traitements médicaux, ainsi que par une alimentation plus abondante, même si de moindre qualité, la population humaine mondiale est devenue, en quelques décennies, pléthorique. La propension à consommer tout ce qui se présente comme attrayant implique le concept de croissance. D’abord centrée en Occident, celle-ci est devenue une nécessité mondiale et exponentielle. Par contre la Société, tout en favorisant la diminution d’une fertilité déjà naturellement en baisse, reste braquée sur le concept de protection de la vie des individus. Il ne s’agit pourtant que d’existences. Elle inverse ainsi dramatiquement la pyramide des âges, au lieu de favoriser l’iVV, l’interruption volontaire de vieillesse. La Vie, qui anime toute la biosphère, homme compris, est apparue il y a bien longtemps et se prolongera probablement pour de longues années encore, évoluant peut-être vers des formes moins énergivores.
Nombreux sont ceux qui ont pris conscience de ces aberrations. Certains changent le cours de leur vécu avec conviction, mais avec peu d’impact planétaire. Les Etats, qui devraient prendre les mesures les plus significatives, sont eux embourbés dans les conflits d’opinions partisanes ou sont dirigés par des sceptiques soumis aux lobbies et/ou à des ego surdimensionnés. Fréquemment financièrement exsangues, ces entités sont peu efficaces et désespérément lentes dans leur action.
Les perspectives qui sont réservées à l’humain sont difficiles à évaluer, mais les jeunes sont de plus-en-plus anxieux de leur avenir d’hommes et femmes et de celui de leurs enfants. Suivant le point-de-vue leur angoisse est justifiée. Ou au contraire un nouveau destin, un Transhumanisme glorieux, est promis à l’Humanité. Ou à tout le moins aux plus nantis… A chacun de se faire sa conviction. Mais si on se réfère aux avertissements ‘’…peu seront élus’’ (Mt 22,14). Et une version, apocryphe, ajoute : ‘’… et debout ils seront Un’’ (évangile selon Thomas 23). En attendant un choix cornélien semble s’imposer : ‘’la fin du mois ou celle du monde’’.
Beaucoup voudraient enfin en avoir le cœur net et comprendre pourquoi une humanité pleine de promesses en est arrivée là. Que ceux-là se posent la question séculaire : ‘’Connais-toi toi-même’’. Se reconnaître en tant qu’issu d’une unité primordiale et non au travers d’apparences physiques et dans les multiples méandres psycho-cryptés de personnalités socioculturelles. Tenter ainsi de briser les chaînes de la conviction duale qui nous précipite dans un monde d’oppositions, de brutalités, d’injustices, de corruptions et de cupidités, même si au milieu des ruines poussent quelques fleurs des champs et la promesse de rares fruits.
Bien sûr notre marquage génétique ne changera pas. Il n’est pas question de forcer une mutation, qui a d’ailleurs peu de chances d’apporter la correction souhaitée. Mais il est temps que nous apprenions qui nous sommes, ou plus exactement qui nous ne sommes pas. Ce n’est pas parce que la réponse est complexe et difficile à concevoir et surtout à assimiler qu’elle n’est pas simple. Au point de passer sous les radars de notre attention, éblouie par la pyrotechnie d’un monde aux mille facettes, dans lequel nous nous tenons en héritiers réservataires uniques.
La recherche d’un équilibre personnel et donc de notre confort psychique est compréhensible. Le succès des techniques de pleine conscience et de méditation indique un besoin éloquent de notre époque. Mais elles constituent, sauf exceptions des édulcorations par rapport au sens réel de la méditation telle qu’elle était, et est encore, pratiquée dans les ‘’lieux de Sagesse’’. Là, la recherche du contact avec les profondeurs insondables de l’être priment. Elle commence et aboutit immanquablement sur l’observation de son surgissement dans l’existence humaine. L’enchantement libératoire que constitue la découverte de notre véritable nature constitue la source d’où jaillit tous les autres bienfaits.
La manière la plus évidente pour détecter cette réalité est d’observer le parcours existentiel usuel. Trois étapes d’identifications s’additionnent et nous convainquent de dualité. En ça elles nous abusent, nous détournant chaque fois un peu plus de notre source.
0. L’embryon, doté d’une combinaison ADN aléatoire, naît muni d’un statut d’êtreté non définie qu’on pourrait appeler une conscience-base. Elle relève plutôt de la cognition corticale primaire et permet notamment la localisation dans l’espace dont bénéficient la plupart des animaux. Comme eux, l’homme vient à l’existence en totale dépendance de l’environnement. La mère (stricto sensu, puis en mode étendu) lui fournit ce dont il a besoin pour se développer. Mais très tôt des hiatus vont survenir, dus aux besoins essentiels non immédiatement satisfaits. Or tout notre fonctionnement cérébral est guidé par l’alternance des perceptions de désagrément et de celles de satisfaction.
1. A l’issue de cette première étape s’installe une impression de séparation. C’est ici que le génome humain se différencie de nombre des précédents. La dualité entre ce qui fournit les satisfactions primaires et le sentiment de leur manque fonde la Conscience-réflexe, le ‘’Je’’, premier degré de l’identification.
2. Ce ‘’moi-je’’ va se chercher un enracinement. Ce seront les sens, transmetteurs vers le système nerveux central des messages perçus tant en interne que dans l’environnement qui vont imposer, par défaut, cet ancrage. Ainsi s’affirme la somatisation, l’identification au corps.
3. Vient ensuite le stade de la particularisation spécifique. Par une succession de définitions allant des identifications administratives à la lecture interprétative du regard des autres en passant par les fêtes anniversaires de naissance, les rappels d’appartenances sociales et généalogiques, l’affirmation de jugements péremptoires de la part des tiers et, pire, de celle des proches, des rêves adolescents… Le tout brassé par un mental qui agite et pérennise des impressions et des mémoires dont on sait les défaillances, s’appropriant sous la dénomination de volonté le hasard qui lui convient. La personnalisation, troisième étape de l’identification est atteinte.
C’est sur ces fondations friables et somme toute fictionnelles, que se construit le Soi. Cette conviction que vous avez d’être immuablement ‘’Vous’’, tout au long de l’existence et cela malgré les changements incessants.
La parole du Sage Sri Nisargadatta Marhaj (BSI), représentative de celle de tous les ‘’Éveillés Vivants’’ au travers des siècles aura des chances de devenir réalité pour ceux qui en prendront conscience.
Marhaj : ‘’En tant que personne […] vous êtes une calamité et une gêne dont il faut se débarrasser. En fait le but est de vous éliminer dans la conscience’’.
Visiteur : Si je suis éliminé que restera-t-il !?
Marhaj : ‘’Rien ne restera, tout restera. La sensation d’identité demeurera, mais il n’y aura plus d’identification à un corps en particulier. L’Être, l’éveil, l’amour brilleront de toute leur splendeur’’.
… Une promesse d’apaisement sinon de sauvegarde pour une Humanité prise dans une tornade dévastatrice. Pour peu que ceux qui aspirent à en bénéficier gardent le plus souvent le regard intérieur fixé sur le calme des profondeurs originelles, en même temps que de contempler et s’extasier sur le bouillonnement du torrent de l’existence. Pour s’apercevoir finalement que le Monde n’est que notre projection duale alors que nous sommes issus d’un Infini insondable. Car nous sommes les créateurs de cet univers pour lequel d’aucuns cherchent un dieu.
Laisser un commentaire