Retranscription de La prière du réaliste, le 30 juin 2020.
[…] Je voudrais parler des Etats-Unis et de la Russie.
Les Etats-Unis ont fait semblant de déconfiner et ont été obligés de reconfiner rapidement. C’est intéressant parce que des états comme la Floride ou le Texas, sont à la fois dans le déconfinement sur certaines mesures et sont en train aussi, bien sûr, de freiner des 4 fers sur d’autres et donc, il y a à la fois des mesures de déconfinement et de reconfinement simultanément. Et on s’étonne que ça ne marche pas ! Il faudrait au moins une politique unifiée.
Il y a quelques jours, je l’annonçais au moment où je l’apprenais : la Floride qui va très très mal, le Texas, qui va très très mal, referment les cafés, referment les restaurants. On apprend hier soir aux Etats-Unis, que la Californie va refermer les plages pour le 4 juillet, la fête nationale là-bas. Et pourquoi ? Pour une raison qui nous est familière : parce que les hôpitaux sont encombrés et qu’on n’a plus assez de lits, etc.
Quand on regarde la carte maintenant des Etats-Unis, quand on examine les statistiques, on s’aperçoit que ce n’est même pas qu’il y ait une seconde vague, on s’aperçoit qu’on a simplement dit prématurément que la première vague était terminée. Pourquoi ? Parce que, essentiellement, il y a une mosaïque d’états où on a confiné, imbriquée à l’intérieur d’une mosaïque d’états où on n’a pas confiné. Bien entendu, il n’y a pas de frontière dure entre les états. Il y a de très grosses agglomérations où il y a beaucoup de gens qui présentent des conditions préexistantes et puis, il y a aussi le fait que le pays est très très vaste et que, donc, je l’avais dit ça, au départ : quand on voit Trump, avec sa grille de lecture religieuse, il dit de tous les endroits où il y a des gens très religieux (qui sont en général des endroits très ruraux, des endroits très éloignés des centres), il déclare : « Ils ont été épargnés ! ». Et puis, non, c’était simplement parce que la pandémie mettait plus de temps à arriver jusque-là.
Les Etats-Unis, comme si ils n’avaient pas assez de soucis avec le coronavirus sont de nouveau sous l’emprise de la question « Est-ce que M. Trump est vraiment un agent russe ? ». Parce qu’on a découvert qu’en 2018, c’était il y a 2 ans, M. Trump avait été prévenu qu’en Afghanistan, les Russes versaient des primes aux gens, aux Talibans, mais aux Afghans en général, qui tuaient des soldats Américains.
[Le montant serait de 100k$ par soldat américain éliminé. Ce ne seraient pas essentiellement des Talibans qui en auraient bénéficié mais des chasseurs de prime dans le milieu du banditisme afghan. The New York Times : Suspicions of Russian Bounties Were Bolstered by Data on Financial Transfers, le 30 juin 2020 :
Lors d’un raid dans la ville de Kunduz, dans le nord, il y a environ six mois, 13 personnes ont été arrêtées dans le cadre d’une opération conjointe des forces américaines et de l’agence de renseignement afghane, la Direction nationale de la sécurité, selon Safiullah Amiry, le chef adjoint du conseil provincial de cette ville. Deux des principales cibles du raid avaient déjà fui – l’une au Tadjikistan et l’autre en Russie, a déclaré M. Amiry – mais c’est dans la maison de l’une d’elles à Kaboul que les forces de sécurité ont trouvé un demi-million de dollars. Il a déclaré que l’agence de renseignement afghane lui avait dit que les raids étaient liés à l’argent russe versé aux militants.
Deux anciens responsables afghans ont déclaré lundi que des membres de réseaux criminels locaux avaient mené des attaques pour les talibans dans le passé – non pas parce qu’ils partageaient l’idéologie ou les objectifs des talibans, mais en échange d’argent.
Dans la province de Parwan, où se trouve la base aérienne de Bagram, les talibans sont connus pour avoir engagé des criminels locaux comme indépendants, a déclaré le général Zaman Mamozai, l’ancien chef de la police de la province. Il a ajouté que les commandants des talibans sont basés dans deux districts de la province, Seyagird et Shinwari, et que de là, ils coordonnent un réseau qui charge des criminels de mener des attaques.
Et Haseeba Efat, un ancien membre du conseil provincial de Parwan, a également déclaré que les talibans ont engagé des indépendants dans le district de Bagram – y compris, dans un cas, un de ses propres parents éloignés.
« Ils sont d’accord avec ces criminels qu’ils n’auront pas de salaire mensuel, mais ils seront payés pour le travail qu’ils font quand les talibans en auront besoin », a déclaré M. Efat.
Vingt militaires américains ont été tués lors d’opérations liées au combat en Afghanistan l’année dernière, le plus grand nombre depuis 2014.
M. Trump dit qu’il n’était pas au courant. Sa secrétaire de presse confirme : comme l’information n’était pas tout à fait sûre, elle ne lui avait pas été transmise. D’autres sources proches de la Maison-Blanche affirment au contraire que l’information se trouvait dans une note confidentielle communiquée chaque jour au Président. À quoi certains rétorquent que le Président ne lit jamais ces notes et demande que toute information lui soit transmise sous la forme d’une image ou d’un diagramme.
D’ailleurs, une question continue de se poser bien sûr : n’en avait-il pas été directement informé par Moscou ? On découvrira un jour qu’était vraie l’histoire rapportée dans le « dossier Steele », dont il est question depuis 2016 d’un Trump compromis par les Russes. On continue d’en parler sur le mode allusif : Nancy Pelosi pose la question sur un mode rhétorique chaque fois qu’elle est interrogée sur l’étrange promiscuité entre Trump et Poutine.
Mais la question traîne sans jamais avancer. Trump est parvenu à mobiliser un Deep State : chacun a pu observer qu’il y a désormais un Deep State à son service, aucune doute n’est possible là-dessus. Trump est parvenu avec son ministre de la Justice, William Barr, à créer un Deep State tout en ayant hurlé plusieurs années qu’il y avait, déterminé à l’abattre, un Deep State, qui s’est révélé tout à fait inopérant, qui n’a en tout cas rien fait, qui a été incapable de quoi que ce soit pour le déboulonner. Cela dit, il est en train de construire un Deep State à lui. Et il arrive toujours à avoir une secrétaire de presse déclarant qu’il n’était pas au courant de ceci ou de cela. Et donc, il n’était pas au courant que les Russes versaient des primes pour qu’on se débarrasse des soldats américains, même si cela était dit dans un rapport déposé journellement sur son bureau.
L’accumulation de ces interrogations n’arrange tout de même pas ses affaires dans l’opinion. Combien de gens croient encore qu’il n’était vraiment pas au courant alors que tout le monde était au courant autour de lui, en haut, en bas, sur le côté. Ça paraît peu vraisemblable. Le fait est sans doute qu’il le savait et qu’il n’a rien dit. De la même façon que, quand il s’est trouvé devant Poutine et l’ambassadeur de Russie à Helsinki en 2018 et que la presse lui disait : « Vous savez, la CIA et le FBI disent que ces gens-là, avec qui vous êtes, n’ont pas une attitude sympathique vis-à-vis des Etats-Unis » et que Trump s’est tourné vers Poutine pour lui demander si c’était vrai et que Poutine a dit : « Non, non, c’est pas vrai ! ». Trump a dit textuellement, ridiculisant ses services secrets qui devaient avoir des dossiers gros comme ça, qui venaient d’inculper des agents du GRU, etc. : « Ils ont dit qu’ils pensent que c’est la Russie, moi j’ai ici le Président Poutine, il vient de me dire que ce n’est pas la Russie. Je vais dire ceci : je ne vois aucune raison pourquoi ce serait le cas. J’ai grande confiance dans mes gars du renseignement, mais je vous dirai que le Président Poutine a été très affirmatif et convaincant quand il a nié ça aujourd’hui. » The Guardian avait aussitôt titré, ce jour-là, le 16 juillet 2018 : « Trump ‘treasonous’ after siding with Putin on election meddling », Trump « trahisonneux » après avoir pris le parti de Poutine sur la question des ingérences russes dans l’élection (présidentielle américaine).
Je suis en train de revoir tout ça parce que je prépare le deuxième volume des aventures de Trump. Je ne sais pas si je vais appeler ça « L’homme de Moscou » ou bien « Haute trahison ». Je ne sais pas ce qui est le plus vendeur [rires]. Je vais y réfléchir. Enfin, l’idée est la même : le problème est toujours là pour les Etats-Unis bien entendu. On pourrait dire – et c’est le cas de M. David Ignatius aujourd’hui dans un journal qui dit en substance : « Avec tous les sales coups que les Américains ont fait aux Russes, en particulier en Afghanistan, ils leur rendent simplement la monnaie de leur pièce ».
Bien entendu ! Ce qui ne signifie pas que les Etats-Unis soient en bonne posture en ce moment, alors qu’ils sont en position eux de recevoir la monnaie de la pièce dans une vieille histoire.
Ce qui apparaît en tout cas, c’est que la guerre est là : une nouvelle Guerre froide. Quand on se demandera quand est-ce qu’a commencé cette nouvelle Guerre froide, on ne nous donnera pas une date dans le futur par rapport à maintenant. On nous donnera une date, je ne sais pas, d’il y a 3 ou 4 ans. On nous donnera peut-être justement comme date celle des interférences, des ingérences russes dans la vie politique américaine et britannique.
Parce que cette histoire concerne aussi les Britanniques, qui la connaissaient aussi. Les Britanniques le savaient aussi et eux aussi n’ont rien dit, ni Mme Theresa May, Premier ministre, ni M. Boris Johnson qui était son ministre des Affaires étrangères à l’époque, n’ont révélé non plus l’affaire au grand jour.
Et là, le soupçon, pour ce qui est d’eux, est qu’ils sont restés muets, simplement, parce que dans le même package, dans le même lot d’informations, dans le même emballage, il était mis que les Russes étaient en train de financer la campagne pour le Brexit.
On demande maintenant : « Pourquoi Mme May et M. Johnson ont-ils voulu rendre ce service à M. Trump ? ». Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit : ils n’ont pas voulu divulguer le contenu du package parce que dans le paquet, il y avait un article qui les dérangeait eux profondément et qu’ils n’entendaient pas révéler à leur propre opinion publique : à savoir qu’ils savaient, qu’ils étaient informés que les Russes finançaient la campagne en faveur du Brexit.
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