Quand je vous ai résumé avant-hier ce qui s’était passé chez Wirecard, expliquant la faillite de ce gestionnaire d’opérations de cartes de crédit et l’embarras du gouvernement allemand devant une escroquerie de près de 2 milliards d’euros, pas même subtile mais du type le plus élémentaire, je vous ai dit que la réputation de la BaFin, le régulateur des marchés financiers allemands, était compromise.
Eh bien, pas du tout ! Pourquoi ? Parce qu’en réalité la BaFin sous-traitait la surveillance comptable des entreprises à un organisme privé (Financial Reporting Enforcement Panel – FREP, créé en 2004) constitué des firmes d’audit elles-mêmes.
[Est-ce qu’on ne vit pas une époque formidable ?] J’ai écrit la phrase qui précède juste pour vous donner le temps de vous relever après être tombé.e de votre chaise.
Pourquoi est-ce qu’on confie à des délinquants potentiels le soin de déterminer s’ils sont d’authentiques délinquants ? En fonction du principe très néo-libéral de l’autosurveillance, principe qui jouit – je vous l’apprends – d’une extrême popularité dans le secteur financier. Et si vous voulez mon avis tant qu’on y est, il s’agit d’un principe qui devrait être populaire dans l’ensemble des secteurs commerciaux.
Je vous donne un exemple : pourquoi déranger la police (qui a déjà tant à faire) et la faire surveiller l’activité des proxénètes ? Pourquoi ne pas confier à une association de proxénètes le soin de vérifier si leurs activités ne troublent pas l’ordre public et n’enfreignent aucune loi ?
Pourquoi l’autosurveillance des proxénètes par des proxénètes serait-elle efficace ? Vous êtes stupide ou quoi ? En raison du risque réputationnel pour la profession bien entendu : s’ils échouaient à s’autosurveiller efficacement leur réputation serait ternie – ce qu’ils voudront éviter à tout prix, et mettront le paquet pour qu’il en soit ainsi !
Je me moque de vous ? Pas du tout ! Remplacez « proxénètes » par « banquiers » ou « milieux d’affaires » et vous trouverez des milliers, voire des dizaines de milliers de personnes (y compris des gens aussi intègres que des professeurs d’Écoles de commerce) pour vous dire qu’il s’agit d’un raisonnement tout ce qu’il y a de plus rationnel (la rationalité « économique », on est d’accord : pas nécessairement la rationalité « logique ») !
Et le conflit d’intérêts, me direz-vous ? Le quoi ? Le « conflit », kèzako ? De quoi ? « Intérêts » ? L’incitation au crime que constitue l’autosurveillance ?
Bon, vous faites la mauvaise tête : le risque réputationnel, vous dis-je ! qui risque de faire baisser votre chiffre d’affaires !
Quoi ? qui le ferait peut-être baisser moins que le bénéfice en attendant de l’escroquerie que vous organiserez en grand grâce au sympathique principe de l’autosurveillance ?
Bon, j’arrête : avec des anarchistes, des black blocks de mauvaise foi comme vous il n’y a pas moyen d’avoir une conversation sérieuse !
P.S. La BaFin vient de retirer son mandat à la FREP : le principe de la sous-traitance vient de prendre un mauvais coup.
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