Trends-Tendances – Davos 2021, une édition révolutionnaire ?, le 25 juin 2020

Davos 2021, une édition révolutionnaire ?

Klaus Schwab, ingénieur et économiste, est le patron du World Economic Forum, le « sommet de Davos », qu’il fonda en 1987. Il définit chaque année un nouveau thème pour ce rendez-vous de janvier des « gens qui comptent » dans le monde des affaires, dont on sait qu’il se conçoit comme la source légitime de la décision politique éclairée.

Le thème du sommet annuel n’est pas toujours très imaginatif. Ainsi, pour marquer le nouveau millénaire : « De nouveaux débuts. Faire la différence ». Ou « Un nouveau contexte global » en 2015. Le thème pour 2021 contient cependant un élément de radicalité : « Le temps de la Grande réinitialisation », en anglais « The Great Reset ».  

Schwab est depuis toujours le chantre de la « stakeholder economy » (jeu de mots en anglais sur « shareholder » : actionnaire), un concept apparenté à la participation gaullienne, puisant elle-même aux sources historiques de la pensée socialiste. « Stakeholders », c’est l’ensemble des parties prenantes : direction de l’entreprise, salariés, clients, fournisseurs, la communauté tout entière, en sus des actionnaires. Soit, tout le contraire de l’économie selon Milton Friedman, pour qui l’actionnaire était roi et où les autres travaillaient du mieux qu’ils pouvaient, et se tenaient coi par ailleurs.

Dans l’annonce du sommet de 2021, Schwab écrit que « de nombreuses entreprises se sont mobilisées pour soutenir leurs employés, leurs clients et les communautés locales, en évoluant vers le type de capitalisme des parties prenantes auquel elles n’avaient auparavant accordé qu’un intérêt de pure forme ». Il a dû se réjouir l’année dernière quand la Business Roundtable annonça en août l’engagement de 181 dirigeants des plus grandes entreprises américaines en faveur de la formule.

Quand nous voulons, nous pouvons, martèle Schwab, qui observe à propos de la pandémie « qu’elle a montré à quelle vitesse nous pouvions apporter des changements radicaux à nos modes de vie. Presque instantanément, la crise a contraint les entreprises et les particuliers à abandonner des pratiques longtemps considérées comme essentielles, des voyages aériens fréquents au travail dans un bureau ». Le fait est incontestable. Et il est également vrai, comme il l’affirme, que « pendant la crise du COVID-19, des entreprises, des universités et d’autres intervenants ont uni leurs forces pour développer des diagnostics, des thérapies et d’éventuels vaccins ; établir des centres de test ; créer des mécanismes de traçage des infections ; et proposer des services de télémédecine. Imaginez ce qui serait possible si de tels efforts étaient déployés dans tous les secteurs ». En effet : la seule chose qui nous fasse défaut de manière générale, c’est la détermination !

Pour contrer les menaces existentielles pesant aujourd’hui sur l’humanité, Schwab propose des mesures fortes : « des modifications de l’impôt sur la fortune, le retrait des subventions aux combustibles fossiles et de nouvelles règles régissant la propriété intellectuelle, le commerce et la concurrence ». Et il ne cherche pas à cacher que quand il invoque une « Grande réinitialisation », c’est d’une Grande réinitialisation du capitalisme qu’il s’agit. Il n’envisage cependant pas l’éventualité que la potion qu’il propose soit trop énergique au regard de la mauvaise santé présente du patient, et que, s’il devait se rétablir, ce serait au sein d’une économie pour laquelle le nom que « capitalisme » aurait cessé de convenir.

Ainsi quand Schwab affirme que « les frustrations liées aux fléaux sociaux comme l’augmentation des inégalités (la richesse combinée des milliardaires américains a augmenté pendant la crise) s’intensifient », imagine-t-il vraiment que cette question puisse être résolue sans que soit remis en question le principe qui veut que celui qui dispose de davantage de ressources que nécessaires à sa survie, les prête à un autre qui dispose lui de moins que l’indispensable, et que le riche en devienne plus riche et le pauvre, s’acquittant du versement d’intérêts, plus pauvre encore ? Un mécanisme dont les plus perspicaces d’entre nous avaient déjà constaté l’existence il y a fort longtemps : « Je vous dis qu’on donnera à celui qui a déjà, et qu’il sera comblé de biens ; et que pour celui qui n’a point, on lui ôtera même ce qu’il a » (Luc 19:26). 

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3 réponses à “Trends-Tendances – Davos 2021, une édition révolutionnaire ?, le 25 juin 2020”

  1. Avatar de timiota
    timiota

    … ce serait au sein d’une économie pour laquelle le nom *** de *** « capitalisme » aurait cessé de convenir.
    Et s’ils arrivent tous à dos de lama à Davos, ce sera gagné ?

  2. Avatar de timiota
    timiota

    C’est vrai que pour frapper les chrétiens,
    on pourrait parler de « Luquisme 1926 » comme aménagement (renversement !) nécessaire du capitalisme.
    La lutte des classes se porterait -elle mieux sous couvert d’Evangile qu’au grand jour ?

  3. Avatar de JeNeSauraisVoir
    JeNeSauraisVoir

    On imagine mal un Klaus Schwab ou tout autre habitué à apercevoir le monde plutôt du point de vue des possédants porter son effort d’imagination plus loin que la sollicitation de l’indulgence de « ceux qui ont déjà »! Certains autres qui appellent de leurs vœux une nouvelle société fondée sur l’altruisme ne disent-ils pas la même chose en substance ?

    Nos aînées qui nous ont précédés dans la carrière y ont laissé, me semble-t-il, une poussière moins résignée, moins ‘solliciteuses’ et des vertus nettement plus empreintes de justice et d’équilibre !

    Quand les suivants entreront dans la carrière (je suppose qu’il reste quelques suivants bien moins jaloux de leur [nos aînés] survivre que de partager leur cercueil) et puisque le carnet de voeux est encore ouvert, voici le mien pour cette nouvelle société : permettre à chacun de vivre convenablement du fruit de son labeur tout en empêchant que quiconque puisse engranger ce qui reviendrait à autrui, autrement que dans les limites explicités collectivement.

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  1. Mes yeux étaient las, bien plus que là, juste après l’apostrophe : la catastrophe.

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