Ouvert aux commentaires.
Lors de notre entretien jeudi, Chantal Montellier avait été surprise lorsque j’avais suggéré que le qualificatif d’« insolente » lui avait sans doute été appliqué au fil des années. Il en est résulté le petit dialogue que voici :
PJ : Comment peut-on dire d’un enfant de six ans, comme l’a fait à ma mère mon institutrice Mme Renée Dautreppe, que je suis un très bon élève, à ceci près que je le suis « en dilettante » ?
CM : “Des possibilités inexploitées, travaille en dilettante”… Et ça, toute ma scolarité ! Ça devait donc être vrai.
PJ : Que peut bien vouloir dire ce « en dilettante » ? Il est à rapprocher à mon sens de l’accusation qui m’est faite à la même époque, d’être un enfant « insolent ».
CM : Des heures de colle pour cette même raison. Et aussi parce que je “recopiais des chansons pendant les cours”, alors que j’écrivais des poèmes !…
+ des zéros en cascade pour mes rédactions, car toujours accusée d’avoir pompé !!! (Je lisais énormément mais ne pompais pas).
On ne prête qu’aux riches, et ma famille était tombée dans la mouise…. Et puis j’étais trop douée pour être crédible. (Mais sous-douée en maths, physique, etc.)
PJ : Qu’est ce qu’un enfant insolent ?
CM : Un enfant orgueilleux… ?
PJ : La réponse se trouve plus aisément que pour un enfant « dilettante ». D’abord, l’accusation d’insolence s’exerce toujours de haut en bas : de supérieur à subordonné, d’un adulte vers un enfant, et elle vise dans le chef de celui qui porte son regard du haut vers le bas, ce qui est interprété comme une remise en question implicite de la supériorité de celui ou de celle qui, dans le cadre existant, est défini comme supérieur.
CM : Exact !
PJ : L’accusation d’insolence, n’est pas tant réponse à des mots prononcés me semble-t-il qu’à l’expression du visage qui accompagne ceux-ci chez l’accusé. Lequel se montre incapable d’accueillir sans un scepticisme visible les contradictions, les incohérences, du sujet supposé savoir en face de lui ou elle.
CM : Preuve d’intelligence (critique).
PJ : Supposé savoir, ceci dit, par des institutions bien en place que sont selon le cas, la hiérarchie militaire, la séniorité, etc.
CM : Il peut y avoir aussi un irrespect structurel… Pour ma part, J’avais un mépris exagéré pour les adultes quels qu’ils soient, à quelques exceptions près… Je les prenais majoritairement pour des sortes de clowns ridicules et un peu effrayants.
Quand enfant on m’emmenait au cirque, j’avais des crises d’angoisse terribles devant les spectacles (dressages, clowneries, trapèze)… Je n’y voyais qu’humiliation et souffrance alors que les autres gamins exultaient … Il fallait m’évacuer. Idem, pour les trucs sportifs auxquels on a essayé de m’emmener… Du coup, on ne m’emmenait plus nulle part !
Et on me regardait avec une certaine inquiétude dans la famille (oncles, tantes, cousins)… Ma passion et mon don pour le dessin et l’écriture ne faisait qu’aggraver les choses. “Chantal est vraiment bizarre”…
PJ : L’accusateur d’insolence a vu remise en cause par des faits dans le réel, la supériorité supposée naturelle qui justifie à ses yeux la condescendance, le paternalisme, le regard dirigé vers le bas comme un ce qui va sans dire.
L’enfant perd l’habitude de poser des questions à l’adulte systématiquement désarçonné, plongé dans la perplexité par elles, recourant au bluff dans ses réponses, faute de mieux, et qui l’accuse en retour d’insolence. L’enfant insolent prend alors l’habitude d’enquêter par ses propres moyens. Il entreprend sa quête de la vérité à l’écart des adultes dont il lui est déjà clair que sur ce plan là en tout cas, ils ne sont guère fiables.
CM : Oui !
Je m’amusais souvent à poser – très sérieusement – des questions n’ayant aucun sens, mais très bien formulées à mes profs, pour voir ce qu’ils allaient répondre. J’avais une ou deux complices parmi les autres élèves… Quand on a explosé de rire un peu trop fort toutes en même temps, l’une de nos victimes a fini par comprendre… moralité: engueulade carabinée plus d’innombrables heures de colle…
Aaaah ! Jeunesse…
Laisser un commentaire