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Je ne suis pas d’accord avec vous (I) ; Je ne suis pas d’accord avec vous (II) ; Je ne suis pas d’accord avec vous (III) ; Je ne suis pas d’accord avec vous (IV) ; Je ne suis pas d’accord avec vous (V) ; Je ne suis pas d’accord avec vous (VI)
Je ne suis pas d’accord avec vous (VII)
Le serment d’Hippocrate
C’est à très grande vitesse que le capitalisme court à l’abîme entraînant avec lui toute la société, à commencer par les plus pauvres qui n’ont pas de recours pour se mettre à l’abri, mais aussi ses protégés y compris les nantis. Mais c’est à plus grande vitesse encore que la société se libère de ses chaînes par l’information libre et engendre la communauté universelle. Je voudrais devant cette échéance éclairer un point fondamental : face au pouvoir des privilégiés qui entendent faire perdurer le système et contrôler le pouvoir, la démocratie est justifiée de croire que le sentiment de la justice est immédiat et bien plus efficace que l’argumentation procédurale, bien que jusqu’à ce jour la raison ait toujours été subordonnée au plus fort. Mais c’est de la technologie et du développement des forces productives qu’elle reçoit un appui décisif. C’est un changement de camp de la raison qui donne la victoire au cœur humain.
Nous sommes habitués, il est vrai, à ce qu’un nombre impressionnant d’analystes disent à chaque crise : elle va tout changer…, mais à ce que les crises s’ajoutent aux crises avec une rapidité qui n’a d’égale que la faculté d’oubli de la société ; et ce qui change, c’est seulement la forme de l’économie capitaliste. Lorsqu’une crise a lieu, elle oblige le pouvoir à un changement de stratégie pendant lequel il est fragilisé et s’affole. Cet affolement semble dû à l’effet de seuil provoqué par la crise. L’effet de seuil fait apparaître deux économies, où le pouvoir prétendait n’en concevoir qu’une.
L’effet de seuil a été visible de façon particulière ces temps-ci parce que les instances de pouvoir ont ressenti jusque dans leur chair que si la pandémie pouvait toucher tout le monde alors la technologie devait sauver tout le monde. Il est impossible de ne pas faire pour les uns ce que l’on fait pour les autres : les propositions indignes d’eugénisme (réserver les appareils respiratoires à une catégorie de personnes au détriment d’une autre catégorie) n’ont réussi à se justifier nulle part. Le Serment d’Hippocrate l’a emporté sur la privatisation du pouvoir médical au profit des riches. Il faut dire que la charte de l’ordre des médecins dicte elle-même les fondements de l’économie politique : « Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux. Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination, selon leur état ou leurs convictions. J’interviendrai pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité. Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois de l’humanité ». Et elle réfute ceux de l’économie capitaliste : « Je donnerai mes soins à l’indigent et à quiconque me les demandera. Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire. »
Même si le pouvoir, à la sortie de cette “crise”, aura la tentation de récompenser les médecins de leur générosité et de les assujettir à la reconnaissance de son autorité pour reprendre sa marche comme si de rien n’était, la question structurelle demeurera posée avec plus d’ampleur que précédemment grâce à l’intervention d’un partenaire nouveau sur la place publique : la technique. Disposer de masques et à plus forte raison d’appareils respiratoires, de vaccins et de chambres d’hôpital pour tous suppose des investissements massifs, qui ne sont pas rentables dans l’économie capitaliste. Or, ces techniques nouvelles sont nécessaires pour l’équilibre des relations complexes de la société moderne. Elles obligent à une redistribution des rôles qui n’obéit pas au management capitaliste : ces opérateurs physiques voire bientôt biologiques deviennent universels et par suite non privatisables. L’économie sociale requiert de plus en plus impérativement d’être technologiquement compétente, et si elle n’est pas encore une économie de réciprocité, elle requiert une technologie qui lui impose de plus en plus d’obéir aux impératifs de celle-ci. Il n’est donc plus possible d’être dupe de la dialectique de l’économie capitaliste et de se contenter de la pensée unique et de son discours aveugle, c’est-à-dire de l’usage systématique de substantifs sans complément où chacun prête par transfert son illusion à un interlocuteur tout-puissant qui la transforme en valeur d’échange et en pouvoir monétaire. On est obligé de donner un complément à chaque terme du débat économique pour dissocier l’économie capitaliste de l’économie politique. Le progrès, mais lequel ? La croissance, mais de quoi ? Le développement, mais de qui ? Et l’économie ? du capital ou de la cité ? etc.
Cependant, parvenus au seuil, beaucoup s’interrogent et n’envisagent que la solution immédiate qui leur conviendrait dans leur jardin, leur profession, leur passion, leur rêve, leur utilité. L’effet de seuil dont je parle démontre que les nationalisations sont inadéquates lorsqu’elles sont estimées à l’aune de leur rentabilité dans un système capitaliste mais non où la raison impose de faire prévaloir sur le profit la survie des êtres humains, auquel cas l’amélioration des conditions d’existence pour tous paraît un motif de l’investissement supérieur à celui de la croissance du capital. Le débat démocratique doit reprendre ses droits. Mais quand ? Eh bien dès que le peuple décidera de rédiger une nouvelle Constitution qui récuse les principes de l’économie capitaliste et d’énoncer comme irrécusables les principes de l’économie politique.
Alors cessez de dire qu’il n’y pas de solutions…
FIN
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