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Je ne suis pas d’accord avec vous (I) ; Je ne suis pas d’accord avec vous (II) ; Je ne suis pas d’accord avec vous (III) ; Je ne suis pas d’accord avec vous (IV)
Je ne suis pas d’accord avec vous (V)
Le jeu des masques
Peut-on renverser la situation sans casse ? C’est la question qui taraude la société nantie. Je voudrais envisager cette question en restant aussi proche que possible de l’observation “empirique”. Tous les professeurs en France, comme tous les fonctionnaires de l’administration, tous les fonctionnaires de l’armée et d’autres encore reçoivent un équivalent pour leur service, équivalent que l’on confond parfois avec un salaire parce qu’il est redistribué sous la même appellation que le salaire des ouvriers, mais il présente une forte dissemblance : l’équivalent des fonctionnaires ne dépend pas de l’offre et de la demande. Quelle est la contrepartie de cette redistribution ? En théorie, elle est cadrée par des objectifs à atteindre : un certain niveau de connaissance dans les écoles, une certaine régulation des procédures administratives ou l’évaluation des résultats, etc. Chacun répond à la redistribution dont le montant est décidé a priori par le maximum d’attention et de dévouement de toutes ses compétences au service d’autrui : personne ne calcule entre ce qu’il donne aux autres et ce qu’il reçoit de l’Etat. Le professeur distribue son enseignement et le médecin des hôpitaux soigne tout patient le mieux possible et en fonction du besoin d’autrui (la chreia), et non en fonction de son intérêt comme le ferait un spéculateur. Eh bien, les médecins comme les professeurs témoignent de ce que l’on appelle l’économie politique et non de l’économie capitaliste. Est-il si difficile dès lors de comprendre que l’économie politique est ordonnée au besoin d’autrui, et l’économie capitaliste à l’intérêt de celui qui possède à titre privé le capital ?
Lors de l’épidémie du coronavirus, la contradiction entre économie capitaliste et économie politique est apparue avec peut-être plus d’évidence que d’ordinaire parce que les médecins et les infirmiers en ont été des révélateurs en première ligne. Je vais m’en tenir à l’observation et me contenter d’images. L’image que je retiendrais est celle du chef de l’Etat sans masque au milieu d’un service d’ordre également sans masque : à ce moment-là, le pouvoir affirmait qu’il n’était pas nécessaire de porter des masques. Puis la même image, quelques semaines plus tard, mais tous avec des masques. Le pouvoir a été contraint d’obéir à l’ordre public d’arrêter l’épidémie à n’importe quel prix fût-ce au prix d’un investissement de l’Etat dans l’achat de millions de masques. Ce n’est pas l’entreprise privée qui pouvait prendre cette initiative parce qu’elle n’y aurait pas trouvé son compte. Le visage sans masque symbolise l’économie capitaliste, et le visage avec masque une économie politique muselée, qui dicte néanmoins où doit être situé l’investissement lorsque la solidarité (valeur née ici de la réciprocité de partage) s’impose. La double image montre le seuil entre une économie d’entreprise privée calculant son profit en fonction de la rentabilité de ses investissements et une économie où une part de responsabilité incombe à la société (aux salariés et professionnels, ici les médecins et leurs partenaires, à l’Etat, et pourquoi pas aux investisseurs privés). Il appartient donc bien à l’économie politique de préciser le statut de chacun dans la gestion des entreprises à partir du principe de réciprocité.
Est-il si difficile d’imaginer la transition d’une économie dans l’autre ? On sait que l’axe du capitalisme est le profit, et son pivot la privatisation de la propriété des moyens de production. La solution semble aller de soi mais alors pourquoi les nationalisations déjà tentées ont-elles échoué. Ne serait-ce pas que l’on confond nationalisation et collectivisation ? Et pourquoi la solution n’est-elle pas la collectivisation ? La collectivisation ignore l’individuation du sujet – qu’instaure seule la réciprocité ternaire – et par suite, la responsabilité. C’est une chose que tout le monde sait, y compris les socialistes et les communistes depuis qu’ils ont dénoncé eux-mêmes le collectivisme comme la cause de la disparition de la responsabilité (Gorbatchev). C’est la réciprocité ternaire généralisée de réciprocité, le marché, qui crée le sentiment de responsabilité et le sentiment de justice. À condition toutefois d’entendre le marché comme le marché libre et non pas le marché fermé par la privatisation de la propriété.
Et nous sommes alors conduits au pivot sur lequel est articulé l’axe du profit : la privatisation de la propriété.
(à suivre…)
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