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Tout le monde connait maintenant le laboratoire P4 de Wuhan. Il fut vendu par la France à la Chine et inauguré en 2016 par Bernard Cazeneuve. Il a fait alors l’objet d’un accord de coopération scientifique. Il me paraît intéressant d’y revenir, non pas pour relayer une énième fois les théories complotistes qui circulent au sujet de l’origine du nouveau coronavirus, mais pour tenter d’y voir plus clair sur des problèmes structurels mettant en cause les différentes politiques à l’origine de sa création. Des politiques motivées hélas par des considérations qui sortent du cadre purement épidémiologique. Première précision utile, ce laboratoire de haute sécurité épidémiologique de Wuhan n’a à ce jour toujours pas été homologué par l’OMS.
Concernant l’accord sus-dit, il faut en premier lieu savoir qu’un seul Français en tout et pour tout jusqu’à ce jour y a été en poste. Il s’agit de René Courcol, microbiologiste de l’université de Lille. L’accord franco-chinois prévoyait pourtant que 50 Français pourraient y être envoyés. Ce fait rapporté par RFI peut sembler un peu anecdotique, en réalité il jette une lumière crue sur les ratés de la coopération Franco–chinoise en matière d’épidémiologie, ceci avec des conséquences non négligeables pour le monde en matière sanitaire, parce que les deux parties, française et chinoise, n’ont eu à offrir l’une à l’autre que la plus mauvaise part d’elles-même dans cette affaire.
L’article de RFI rapporte que René Courcol fut co-signataire d’une pétition de chercheurs qui alarmait l’opinion publique et les autorités françaises à propos des restrictions budgétaires qui ont frappé la recherche virologique française ces dernières années. Les chercheurs français ont ainsi été enclins à partir à l’étranger pour mener leurs recherches dans de meilleures conditions. René Courcol est manifestement l’un d’entre eux. Mais en l’occurrence il était bien isolé dans ce laboratoire chinois ; la seule personne qui a été autorisée à le visiter, Antoine Izambard, auteur de France-Chine, les liaisons dangereuses, y a trouvé un chercheur français esseulé, et qui semblait ignorer l’étendue des travaux qui y sont menés. Autre précision utile, au mois de janvier, en pleine crise du coronavirus en Chine – c’est passé presque inaperçu dans la presse française, le major-général Chen Wei, spécialiste entre autres des armes bio-chimiques, fut nommée par les autorités de Pékin coordinatrice de la lutte contre le coronavirus dans la région, établissant alors son quartier général dans ce même laboratoire P4.
Un autre article, du journal Le Monde, nous révèle par ailleurs qu’une chercheuse chinoise, Mme Shi Zhengli, épidémiologiste de renommée internationale, travaille à l’Institut de virologie de Wuhan. Cet institut est physiquement connexe au laboratoire P4 qui en dépend, une passerelle seulement les séparant l’un de l’autre, comme l’a indiqué récemment Arnaud Miguet seul journaliste français présent à Wuhan pendant l’épidémie. Mme Chen Wei avait séjourné quelques années pour sa thèse à l’université de Montpellier, et a gardé des contacts avec ses anciens collègues français. Malheureusement ces contacts ont cessé lorsque la crise du coronavirus battait son plein à Wuhan, ce à un moment où des échanges auraient été des plus utiles.
Où je veux en venir, c’est que premièrement la France dans cette affaire a perdu une occasion de contribuer à la recherche épidémiologique française en Chine. Au moins elle aurait pu pousser son avantage dans ce pays en coopération avec les chercheurs chinois, faute de se donner les moyens d’une recherche conséquente sur le sol français.
Deuxièmement, si l’accord avait été respecté coté chinois, ou dit autrement si la France avait fait valoir son droit, et qu’un nombre conséquent de chercheurs français avait donc pu être effectivement envoyés en Chine nous aurions sans doute été beaucoup mieux informés que nous ne l’avons été, d’abord sur ce qui se passe dans ce laboratoire, et plus encore sur ce qui se passait à Wuhan concernant l’apparition d’un nouveau virus dans cette région du monde et concernant les développements de l’épidémie de Covid19.
Troisièmement la Chine aurait pu tirer avantage pour sa santé publique de la présence de chercheurs français de haut niveau dans un de ses laboratoires à Wuhan. Cette présence étrangère aurait pu constituer un frein à la censure et la répression qui a sévi au début de la crise faisant alors perdre à la Chine un temps précieux pour lutter efficacement contre le développement de l’épidémie sur son territoire. Lors des l’inauguration du laboratoire, l’ambassade de France en Chine n’avait-elle pas déclaré que ce projet devait permettre « à la Chine, en partenariat pionnier avec la France, de mieux comprendre et prévenir les épidémies et les pandémies y compris les plus dangereuses comme la grippe aviaire, pour protéger la population chinoise et la santé mondiale. »
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