Ouvert aux commentaires.
Le 13 avril dernier, Emmanuel Macron annonçait la réouverture des crèches, écoles, collèges et lycées pour le 11 mai. La raison invoquée : « Trop d’enfants, notamment dans les quartiers populaires et dans nos campagnes, sont privés d’école sans avoir accès au numérique et ne peuvent être aidés de la même manière par les parents. »
Noble raison, évidemment, mais est-ce la vraie ?
Est-ce déjà une raison valable ?
- Oui, car ce sont évidemment les plus pauvres qui sont les moins équipés en matériel informatique ou en connexion efficace ; et qui n’ont pas des parents forcément capables de les aider efficacement.
- Non, car seuls 5 à 8 % des enfants auraient « été perdus » pendant le confinement ; qu’il s’agit, d’après un syndicat, de ceux qui avaient déjà « séché » l’école avant le confinement, et qui probablement ne seront pas présents le 11 mai , d’autant plus qu’il a été précisé que l’école ne serait plus obligatoire pour cette période là.
180°.
L’information fut surprenante pour tous, y compris pour le ministre de l’Éducation Nationale, qui fut prévenu …15 minutes avant !
Rappelons qu’un mois avant, le 12 mars dernier, le même Emmanuel Macron déclarait : « Dès lundi et jusqu’à nouvel ordre, les crèches, les écoles, les collèges, les lycées et les universités seront fermés pour une raison simple : nos enfants et nos plus jeunes, selon les scientifiques toujours, sont celles et ceux qui propagent, semble-t-il, le plus rapidement le virus, même si, pour les enfants, ils n’ont parfois pas de symptômes et, heureusement, ne semblent pas aujourd’hui souffrir de formes aiguës de la maladie. C’est à la fois pour les protéger et pour réduire la dissémination du virus à travers notre territoire. » Toujours à la surprise de Jean-Michel Blanquer, qui avait soutenu le contraire la veille … Mais là n’est pas la question.
Pourquoi ce revirement si soudain ? Comment justifier le contraire de ce qui a été dit un mois plus tôt ?
Le président et le gouvernement s’appuient peut-être sur ces deux études :
– la première provient de l’Institut Pasteur
– la seconde provient en partie de chercheurs de Santé Publique France, et publiée dans le journal Clinical Infestious Diseases
Que dit la première étude ? « Parmi les personnes ayant fréquenté le lycée de Crépy-en-Valois (lycéens, enseignants, personnel non enseignant du lycée), le taux d’attaque était de 41%. Parmi les proches des lycéens (parents et fratrie), le taux d’attaque était de 11%. »
Dans les détails, 38 % des lycéens, 43 % des enseignants et 59 % des personnels (surveillants, personnels de cantine, administratifs) ont été touchés (proportionnellement plus d’adultes que d’enfants). 5,3 % des personnes ont été hospitalisés. Bizarrement, l’étude note qu’il n’y a pas eu de décès. La famille de l’enseignant mort doit apprécier.
De cette première étude, on pourrait conclure rapidement qu’un dixième « seulement » des proches d’un ado est contaminé par l’enfant ; et que lorsque l’on est dans un « bain » de virus, on est contaminé plus rapidement (en tout cas lorsqu’il n’y a pas de mesures barrières existantes et suffisantes). Car 43 % des enseignants et 59 % des autres adultes en quelques jours – il y a eu les vacances de février ensuite pour stopper l’épidémie dans ce « cluster » –, alors que le virus ne circulait pas énormément à cette époque, c’est quand même beaucoup…
Que dit la seconde étude ? « The fact that an infected child did not transmit the disease despite close interactions within schools suggests potential different transmission dynamics in children. » que deepL traduit en « Le fait qu’un enfant infecté n’ait pas transmis la maladie malgré des interactions étroites au sein des écoles suggère une dynamique de transmission potentiellement différente chez les enfants. ». Suggérer n’est pas prouver !
Le diable est caché dans les détails, et Le Temps, journal genevois, l’a trouvé. Le cas concerne un seul enfant ayant été dans 3 écoles et une école de ski. Il n’est donc pas forcément resté en contact longtemps avec les 112 personnes qui l’ont plus ou moins approché. La charge virale était faible et d’autres virus ont été détectés en lui, qui aurait pu provoquer une « interférence virale », empêchant le développement du virus (comme nous l’avait expliqué Timiota en répondant à la question de Paul « Peut-on en même temps avoir la grippe et le Covid-19 ? »). Rien ne prouve donc que les « légers symptômes » soient liés au Covid-19…
Emmanuel Macron a-t-il donc estimé, selon la première étude, que « finalement, un enfant ne contamine pas beaucoup d’adultes proches », oubliant au passage les membres de l’Éducation Nationale ; et, de la seconde étude, que « finalement, un enfant ne contamine pas grand monde » oubliant les règles de base de toute étude scientifique : un panel large. Et qu’une suggestion n’est pas une preuve.
Ou bien ces études nous sont habilement présentées pour nous faire croire que « finalement, les enfants ne sont pas dangereux… »
Qu’en pensent les scientifiques ?
La décision a été prise en désaccord complet avec de nombreux scientifiques.
Le 5 avril 2020, l’académie de médecine conseille notamment, pour la sortie du confinement « Que la sortie de confinement soit accompagnée du maintien de l’interdiction des rassemblements (sauf cas exceptionnels, comme les obsèques, pour lesquelles le nombre maximal pourrait être de 20 personnes), du maintien des mesures barrières sanitaires (lavage des mains, gel hydro-alcoolique..), mais aussi de leur renforcement par le port obligatoire d’un masque grand public anti-projection, fût-il de fabrication artisanale, dans l’espace public.[2] Cette dernière obligation serait la marque que la sortie du confinement n’est pas encore un retour à la vie normale et elle devrait être maintenue jusqu’à l’arrêt de la transmission du virus (absence de nouveaux cas dans les 14 derniers jours) »
Philippe Sansonetti, professeur au Collège de France et professeur émérite à l’Institut Pasteur indique que, pour la réussite sans rebond du déconfinement, il faut « Pour les spectacles et l’école, projetons-nous dès maintenant vers la rentrée de septembre. »
Le 15 avril 2020, l’ordre des médecins y est également opposé : « [il n’y a] pas d’explication médicale, infectieuse ou épidémiologique à déconfiner dans le milieu scolaire en premier »
Le conseil scientifique a rendu publique son avis sur ce sujet le 20 avril (page 16) : « A l’inverse, le risque de transmission est important dans les lieux de regroupement massif que sont les écoles et les universités, avec des mesures barrières particulièrement difficiles à mettre en œuvre chez les plus jeunes. En conséquence, la Conseil scientifique propose de maintenir les crèches, les écoles, les collèges, les lycées et les universités fermés jusqu’au mois de septembre. »
Même l’Italie, qui démarre un déconfinement au 4 mai, a décidé de garder fermées les écoles jusqu’en septembre.
Une autre raison ?
Il a été souvent dit que l’objectif principal sous-jacent était de permettre de nouveau aux parents d’aller au travail. Oui, mais contrairement à ce qu’on pense, ce n’est pas pour tout de suite.
L’objectif est la rentrée de septembre. Emmanuel Macron sait bien que la même question se posera en septembre prochain. Il sait bien qu’il va falloir organiser des classes virtuelles, ou en demi-groupe, ou en quart de groupe, que sais-je ?
Le problème, ce ne sont pas les enfants. Le problème, ce sont les adultes : enseignants d’un côté, parents de l’autre. L’idéal ne serait-il pas que ces deux catégories soient immunisées, la première surtout ? Et comme il n’y a pas de vaccin, et qu’il n’y en aura pas avant longtemps, la seule façon d’immuniser, c’est le virus lui-même. Car si une grande majorité des enseignants sont « immunisés » et que les élèves ne craignent rien, les classes peuvent reprendre comme normalement !
Qu’importe alors les dégâts collatéraux …
- environ 1 million de personnes de l’Éducation Nationale en contact avec les élèves et 52.000 ATSEM ;
- environ 11 millions de parents (en comptant en moyenne 2 enfants par famille, cela fait 1 adulte pour 1 enfant ; et en retirant les enseignants qui sont aussi souvent des parents)
- quelques centaines de milliers, voire quelques millions de grands-parents en passant …
… à « vacciner » ou « à tuer »(pendant les grandes vacances scolaires, on ne s’apercevra de rien) …
… car on aura enfin bien démarré cette immunité collective …
.. car les adultes en question, ce ne sont pas, excepté les grands-parents et les enseignants les plus âgés, les plus à risque de mourir…
… car après tout, la nation a sacrifié déjà du personnel médical (par manque de matériel de protection), elle peut aussi se permettre de sacrifier quelques milliers d’enseignants et de parents / grands-parents supplémentaires (par manque de vaccins) …
… elle peut aussi se permettre d’avoir quelques centaines de milliers de personnes supplémentaires, qui auront été hospitalisées en réanimation car gravement malades, souffrants à vie de problèmes pulmonaires, ou cardiaques, ou neurologiques, ou intestinaux, ou rénaux, ou un peu de tout cela car le virus s’attaque à tous ces organes …
… du moment que nos militaires viennent désinfecter l’Élysée et le ministère de l’Intérieur en tenue NBC.
La vraie raison est-elle celle-là ?
Si le gouvernement maintient sa décision, il est à craindre que la réponse soit OUI. Car nous allons le voir, il n’y a pas vraiment de mesures suffisantes, en l’état, pour garantir les non contaminations.
Protégez-vous !
Le gouvernement l’assure, du ministère de l’Éducation Nationale eu ministère de la Santé, en passant par le premier ministre : toutes les protections seront prises.
Mais lesquelles ?
À ce jour, le gouvernement ne les a pas données. Le comité scientifique, lui, vient de le faire. Notamment :
- Information et formation des personnels (et des élèves le jour de la rentrée) sur les gestes barrières, l’hygiène des mains et la distanciation sociale.
- Aménagement des entrées / sorties (horaires, non attroupement de parents ou d’enfants)
- Lavage des mains à l’arrivée et au départ de l’élève, et à chaque fois que les mains auront été souillées « par un liquide biologique » (bonjour les rhumes des foins !) avec du savon et une serviette en papier jetable.
- bionettoyage de l’établissement plusieurs fois par jour sur les parties fréquemment touchées (« Kevin, va nettoyer les poignées de porte avec une lingettes stp ; Annabelle, va faire les interrupteurs ; Arthur, les crayons, … »)
Quid des cahiers / feuilles / travaux effectués par l’élève et donnés à l’enseignant ? - aération des salles de classe, notamment aux interclasses, durant la récréation, …
- distanciation sociale d’au moins 1 mètre en tout sens à la fois dans la classe, les couloirs, les escaliers, le réfectoire, … Quand on connaît les rangées de porte-manteaux dans les couloirs ou la taille des vestiaires …
- non brassage des élèves de plusieurs classes, y compris pendant les récréations et le réfectoire (déjeuner dans la salle de classe). Mais les élèves d’une même classe devront-ils rester à un mètre les uns des autres pendant la récréation ?
- les parents doivent assurer une hygiène stricte des mains à la maison, surveiller les symptômes et prendre la température avant le départ pour l’école. Le feront-ils tous ?
- Masques anti-projection (pas les ffp2, ils sont réservés à Emmanuel Macron ceux-là lorsqu’il visite une zone potentiellement infectée) pour tous les personnels, pour tous les collégiens et lycéens, et pour éventuellement les plus grands des élèves d’élémentaire (vu que la seconde étude ci-dessus, à un seul cas, a « prouvé » que le jeune enfant n’est pas contagieux, il n’y a pas de problème voyons !)
- Le personnel à risque doit « plutôt » faire du télétravail, et prendre avis au préalable auprès de son médecin traitant.
- Règle de distanciation sociale dans les transports scolaires (vaut mieux pas être en fin de parcours, il n(y aura plus de place …)
- Bizarrement, le conseil scientifique autorise le brassage des élèves pendant le périscolaire ! En contradiction avec le point 7 ci-dessus.
- Internat : uniquement pour les élèves dont le retour en classe est une nécessité scolaire ou sociale. Dans ce cas, règle de distanciation sociale à appliquer.
- TP en lycée professionnel : respecter la distanciation sociale et éviter le partage des postes de travail ! Par contre, rien sur les TP en lycée classique et au collège ; ou sur les ateliers en maternelle et ou élémentaire …rien non plus sur le matériel de sport ou les activités sportives.
- Tout symptôme détecté par un enseignant doit amener à l’éviction immédiate de l’élève. L’élève ne pourra être réadmis qu’après le résultat négatif d’un test Covid-19. Si le test est positif, isolement de l’élève pendant quatorze jours au minimum (prolongeable si d’autres membres de la famille sont malades par la suite) et fermeture de la classe pendant 14 jours avec tests des autres personnes en lien avec cette classe.
Certaines règles seront très difficiles à tenir, notamment la distanciation sociale lors des déplacements des élèves d’une classe à une autre classe (collège, lycée) ou dans le vestiaire et même la classe (maternelle et élémentaire). Et lors des récréations, moment où l’élève va parler/jouer/toucher le copain ou la copine… Ainsi qu’à la cantine des collèges et lycées.
On est loin des règles appliquées dans certains magasins : nombre max de personnes en même temps, plexiglass entre la caissière et le client, …
Il en est de même sur le partage de matériel (livres, chaises et tables en collège / lycée), puisque ce sont les élèves qui se déplacent de salle en salle ; et du matériel de jeux éducatifs en maternelle / élémentaire ; et des cahiers du jour et autres documents (les policiers, eux, ne touchent pas l’attestation de sortie que vous leur montrez par exemple) ; et du bio-nettoyage plusieurs fois par jour à l’intérieur de l’établissement.
Les élèves de maternelle / élémentaire auront bien du mal à respecter les gestes barrières, à se moucher correctement, à se laver les mains efficacement, …Quant aux plus grands, un seul « rebelle » suffira à détruire toutes les précautions mises en œuvre.
Enfin, le brassage est autorisé lors des activités péri-scolaires, ce qui nuit à l’efficacité des autres actions.
Et pourtant, ces règles sont considérées comme une mission impossible selon les professionnels (chefs d’établissement, syndicats) !
On le voit, même avec des règles strictes, difficiles à mettre en place, il existe de nombreuses failles, difficiles à contourner. Ces règles minimales (impossibles et incomplètes) seront-elles proposées par le gouvernement ? Les failles seront-elles comblées ?
Laisser un commentaire