Également sur son blog : Chroniques d’un virus. Ouvert aux commentaires.
La Chine : Coupable. Mais également bouc-émissaire ?
Préambule : il s’agit d’une analyse sur base factuelle qui n’a pas encore fait l’objet de relecture. L’ensemble des faits mentionnés dans cet article se retrouvent aisément sur Internet. Par souci d’efficacité [je tenais à ce que cet article soit mis en ligne dès le 2 avril], je ne cite pas in extenso l’ensemble des sources auxquelles je fais référence. J’ajouterai probablement des notes de bas de page dans un second temps. Par ailleurs, j’essayerai de tenir compte de vos commentaires.
La Chine, punching ball du café du commerce médiatique
Je cite :
Tout d’abord une opinion
« Ils vous ont menti ? C’est une évidence. Et Ils ont beaucoup à se faire pardonner. Elle [la Chine] a eu une attitude que je qualifierai de criminelle […]. L’omerta a sévi de façon dramatique, sans doute pour préserver le développement économique de la Chine. ». Sur la levée de l’embargo à Wuhan : « il n’est pas possible que l’épidémie se soit éteinte de cette façon ». C’est à vous, France 5, Roselyne Bachelot interviewée par Anne-Elisabeth Lemoine.
Ensuite un certain nombre de faits [non vérifiés, mais probablement vérifiables] :
« à Wuhan, des queues interminables pour récupérer les cendres », Huffington Post, 31/03/2020
Zuling Zhang : « un chauffeur aurait livré 2*2500 urnes funéraires à un seul des 8 funérariums de Wuhan ».
« Ce journaliste estime lui à 59 000 le nombre de décès pour la seule ville de Wuhan », Huffington Post, 31/03/2020
Puis un fait vérifié, indiscutable :
« Pourquoi la Chine a perdu 21 millions d’abonnés à un forfait mobile en 3 mois »
Ensuite une opinion :
Adrien Gombeaud : « La vraie question, c’est en effet l’OMS plutôt que la Chine. Comment une organisation internationale peut-elle croire les données d’un parti […] ».
Selon de nombreux éditorialistes et commentateurs de l’actualité, l’Occident a été trompé par sous-estimation du nombre de cas et de morts par la Chine. De combien ? C’est un peu la foire d’empoigne. Certains parlent de quelques dizaines de milliers de morts à Wuhan, et de millions de cas dans la province du Hubei. D’autres parlent de millions de morts en Chine [estimation basée sur cette baisse du nombre d’abonnés à un forfait mobile].
Pauvre petit chaton occidental. Trompé par le grand chat chinois. Maintenant il se trouve dans une situation tragique, mais ce n’est pas de sa faute. « Il est mignon monsieur Pignon ; il est méchant monsieur Brochant ».
Tout d’abord concernant le nombre de morts.
Le comptage des morts, un exercice difficile
Je reprendrai un proverbe français : « c’est à la fin de la bataille qu’on compte les morts ».
C’est vrai, mais, même à la fin de la bataille, les estimations peuvent diverger fortement. Les experts s’entre-déchirent encore aujourd’hui pour estimer le nombre de morts causés par la grippe espagnole [entre 50 et 100 millions] et par les deux guerres mondiales. Il y a souvent un rapport de 1 à 2 [voir plus] entre les estimations hautes et les estimations basses, même avec un recul historique de plusieurs années. Je ne rentrerai pas plus dans le détail, mais vous invite à effectuer vous-même les recherches si le sujet vous intéresse.
Si ce comptage est difficile à effectuer après la bataille, il l’est encore plus pendant la bataille. J’ai déjà évoqué le cas de la grippe dans les FAQ sur le COVID [page principale de mon Blog]. Je vais en reprendre certaines explications.
La grippe saisonnière ? 10 000 à 20 000 morts par an en France ; 5 000 en 2019 – 2020. C’est les chiffres que nous avons tous en tête. Il s’agit d’un nombre très supérieur aux décès directement attribuables à la grippe, comptabilisés dans nos structures hospitalières [78 il y a quelques semaines]. Il y a souvent un rapport de 1 à 20 entre les morts comptabilisés et les morts estimés.
Pourquoi un tel écart ? Le nombre de morts de la grippe annoncé par les médias est estimé. L’estimation se fait sur base d’un modèle de différentiel de taux de mortalité, en prenant probablement en comptes des paramètres d’âges, etc… La méthodologie de ce calcul est partagée entre la Direction Générale de la Santé et l’OMS. Comme tout modèle, il prend en compte des hypothèses, forcément discutables et donc [en partie] subjectives. Si l’on effectuait une étude approfondie des causes adéquates de la mortalité des personnes dans un périmètre géographique défini, on aurait un résultat forcément différent. Mais dans ce cas, il faudrait également que l’on fixe des hypothèses de départ [pour la grippe, il s’agit pour la plupart de cas de comorbidité. Lesquels sont attribuables à la grippe ? Lesquels sont attribuables aux autres infections ?].
L’OMS et la DGS faisant la promotion de la vaccination contre la grippe, il est probable que le modèle qu’ils utilisent aboutisse à une estimation large du nombre de décès [nb: il s’agit d’une opinion exprimée à titre personnel].
En France, nous ne comptabilisions que les morts du COVID dans les structures hospitalières, donc nous les sous-estimions [les morts en Ehpad ou à domicile n’étaient pas comptabilisés]. Ce point est en train d’être partiellement corrigé : au 4 avril, la DGS a annoncé avoir compté environ 2 000 morts en Ehpad [cette donnée n’est pas encore exhaustive, une partie des établissements concernés n’ayant pas répondu]. Nous ne comptabilisons pas [encore?] les morts indirects [par exemple, les décès dus aux pertes de chance des patients non COVID+ n’ayant pas pu accéder aux structures hospitalières, mobilisées pour le Coronavirus].
La Chine a sous-estimé la mortalité due au COVID+. Quel Scoop !
Dernière semaine de janvier 2020. Les nouvelles du confinement de Wuhan nous parviennent, et avec elles, déjà, les informations officieuses en provenance des dissidents. Je cite « le nombre de cas est très sous-estimé par le régime » ; « les incinérateurs tournent à plein régime, d’après le témoignage d’un salarié. Si on multiplie le nombre de morts incinérés dans cette structure au nombre d’incinérateurs de la ville, on obtient un total largement supérieur à la mortalité annoncée ».
Il y a assez peu de doute à ce sujet : le comptage du nombre de morts était loin d’être exhaustif en Chine [il ne l’est pas non plus chez nous]. Tromperie volontaire du régime ou simple mensonge par omission ? Je serais bien incapable d’affirmer quoi que ce soit à ce sujet. Comme nos sociétés occidentales, la Chine applique une forme de management par objectif. Les comités de quartier sont jugés selon le niveau de performance de leurs indicateurs [nombre de cas ou nombre de morts] ; or, nous savons tous que, lorsque nous sommes évalués par indicateurs clés [KPI], nous avons tendance à les « piloter », c’est à dire à interpréter (ou tordre) les règles de manière à en améliorer les résultats. C’est même, dans certains cas, un métier à part entière (bullshit job). Omission à tous les étages ? Peut-être.
La question porte sur le facteur de sous-estimation. On a vu précédemment que, pour la grippe, il pouvait y avoir un facteur 20. Un tel facteur me semble assez improbable pour le COVID [sans doute plus facile à compter en raison d’une létalité et d’un nombre de cas placés en réanimation donc hospitalisés bien supérieurs]. Un facteur de sous-estimation de la mortalité situé entre un facteur 1,5 et un facteur 10 me semble probable à titre personnel, tant pour la Chine que pour les autres pays [hors cas spécifiques de l’Egypte et de l’Iran, pays dans lesquels le multiple peut être encore très supérieur].
Pour la ville de Wuhan, si l’on reprend les informations des dissidents concernant le nombre d’urnes [59 000], et qu’on l’on retranche de ce nombre la mortalité attendue en 2 mois et demi pour une ville de 11 millions d’habitants [1% par an] :
On obtient 59 000 – [1%*11 000 000 *(75/366)] = environ 36 500 morts du COVID+ à Wuhan.
Soit un facteur de sous-estimation de l’ordre de 14, qui me semble un peu élevé, sans être complètement démesuré.
L’exercice qui devrait être effectué pour déterminer la crédibilité d’un tel multiple est de le croiser avec le nombre de places de réanimation disponibles dans la ville de Wuhan. On peut considérer que, pour un système de santé modérément saturé, le ratio réanimation / décès fluctue entre 1 et 4. Pour la seule ville de Wuhan entre 35 000 et 140 000 patients auraient donc été placés sous respiration artificielle. La ville de Wuhan aurait donc eu besoin de 11 500 à 70 000 respirateurs [plateau épidémique: 30 jours ; respirateur utilisé pendant 10 à 15 jours par patient en moyenne].
En retenant la fourchette basse [peut-être la plus raisonnable] la ville de Wuhan aurait eu besoin de disposer d’au moins 11 500 respirateurs. Deux fois plus que le nombre disponible en début d’épidémie dans la France entière. Est-ce possible ? Je ne sais pas. Quelqu’un pourrait-il m’aider à retrouver cette information ?
Concernant les estimations basées sur le nombre d’abonnements résiliés :
Je n’y accorde aucune crédibilité. Nous n’aurions eu aucune chance de « passer à côté » de millions de morts en Chine en l’espace d’un mois et demi.
Oui, la Chine a donc très clairement sous-estimé le nombre de personnes mortes de ce virus. De quel facteur était cette sous-estimation ? 2 ? 3 ? 5 ? 10 ? 15 ?
La Chine a sous-estimé le nombre de morts ? Ceci n’est pas un scoop. Nous le savions depuis la fin du mois de janvier.
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