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Il s’agit donc de ce médicament anti-malaria (Plaquénil en commercial), testé par le Pr Raoult à grand bruit.
C’est pour l’instant la situation d’un château de cartes, que les acteurs cherchent à consolider :
1) Il y a les données du Pr Raoult qui ont été rendues publique le 16 mars par vidéo et dispo ici (article non encore accepté que je sache).
Ces données ont pu avoir l’air légères, statistiquement, car il les présente en termes de % sur de faibles cohortes
(6 cas sur le plus faible sous-échantillon, le risque de « cherry-picking » n’est plus très loin).
A regarder de près au niveau de la table 1 du Supplementary material où il y a les âges, et les suivis journaliers (pas tous identiques, mais soit), on ne peut écarter cette étude d’un revers de la main, au contraire.
C’est donc très grossier comparé aux études de grande cohorte, mais la probabilité de « faux bons résultats » est sinon infime du moins franchement faible (rien à voir avec le cas de Séralini, test du maïs OGM sur les rats d’une lignée déjà cancéreuse et pub dans le nouvel Obs, voir les dossiers de S. Huet « Sciences2 » sur ce genre de sujet).
Pour les curieux :
Les chiffres dans le tableau des PCR de cette table, quand il y en a, me semblent être (sous réserve) les résultats du nombre de cycle des qRT-PCR (quantitative Real Time PCR) :
C’est le nombre de cycles d’amplification (1 cycle = « x 2 » dans la PCR théorique) pour passer le seuil de détection, qui est une constante de la machine, et peu ou prou calibré (via la fluorescence d’un intercalant de l’ADN double brin).
Il faut typiquement 30-35 cycles pour amplifier 1 seul ARN au seuil (2^30~10^9), des résultats type 29-34 indiquent des charges virales faibles, des résultats type 21-25 des charges fortes.
Avec cette lecture, le tableau fait à peu près sens et ressemble quand même à une bonne nouvelle.
Curieux que les auteurs n’aient pas commenté davantage le tableau dans son ensemble, sans doute question de pratiques médicales, il faut « faire cohorte ».
Quelqu’un comme le Pr Bleibtreu à la Pitié-Salpêtrière commence à tourner casaque en faveur de la chloroquine au moins en test (libé 17 mars checknews).
Il faudrait voir les réactions ailleurs en Europe (Espagne, Allemagne, Italie, Suisse, Suède avec le Karolinska notamment), avis aux curieux polyglottes.
Et suivre à échelle plus longue quelques pays à système sanitaire les plus fiables dans leur région comme le Costa Rica et le Bénin (la chloroquine y est connue et sera utilisée « quoi qu’il n’en coûte pas »).
2) Les données de mortalité italiennes (si elles sont bien représentatives : étiologie sur 355/2003 deceduti (17,7% du total) elles identifient à 99% (disons > 97% statistiquement) les décès à des malades COVID19 co-porteurs de pathologies (cardiaques, diabète, respiratoire …), une ou plusieurs.
Même chez les très peu de jeunes de l’échantillon, les décès semblent être des cas d’obésité ou de pathologies pré-existantes assez lourdes.
D’où ce qui se profile, ce qui fera ou non tenir le château de cartes :
3) La difficulté est de choisir de donner ou pas de la chloroquine à des patients dont la pré-pathologie les met dans le spectre des contre-indications, ou dans un recouvrement assez fort de leur pathologies avec ce spectre. Notamment sur le plan cardiaque, même si ce n’est pas « commun » (heureusement). Mais le seul fait d’avoir plus de 65 ans est un facteur à signaler.
Il n’est pas impossible, si les contre-indications sont jaugées correctement, que la chloroquine soit avantageuse pour les mono-pathologies et dans des tranches d’âge données, mais le risque est que ça puisse être long à savoir.
Si on applique le « primum non nocere » à ce niveau, ça reste assez délicat, le gain pourrait n’être « que » un facteur 3 (puisqu’il est trop risqué de le donner à tous les déjà-malades), donc « fin de la partie » n’est pas vraiment le mot : au lieu d’avoir un facteur x30 de dépassement sur la capacité hospitalière (« immunité de horde » non lissée suivant les modèles UK) ou un facteur x8 (« immunité de horde » mais lissée par des mesures « moyennes », mêmes sources, les seules à avoir dit assez fort officiellement à quoi les chiffres de l’immunité de horde correspondraient) on aurait « juste » des facteurs x10 ou x2.5, ce qui veut dire, laisser 9/10 ou 7/10 des malades en rade. Pas d’acceptabilité claire à ce niveau.
Je ne pense pas que Raoult soit vraiment dupe à ce stade : il n’y a pas de données de co-pathologies précises ni imprécises même dans son article, et il a intérêt à maximiser son impact tant que cette affaire n’est pas tirée au clair. On en serait, pour prendre une image connue, à la guerre de mouvement (et il bouge, l’animal), mais il faut penser à la guerre des tranchées.
Enfin une projection pessimiste (j’aimerais avoir tort) :
4) Aux USA avec des taux d’obésité élevés (chez les Afro-américains et les « Natives » notamment, chez les pauvres en général), et le diabète aussi assez fort (merci la malbouffe, on soupçonne depuis une décennie que c’est le microbiome de l’enfant qui ne converge jamais vers un « bon microbiome » dans l’intestin pour cause d’excès de sucres rapides, causant les déséquilibres d’alimentation en cascade toute la vie), ça peut être assez lourd, tout ça, avec une situation à l’italienne mais dans la tranche d’âge 10 ou 15 ans en-dessous, pour les pathologies chroniques de l’homo.e americans.e. Donc malgré une pyramide « jeune » aux USA (natalité bien plus forte qu’en Italie, mortalité plus jeune en moyenne), un impact qui serait similaire (à la même densité de contagieux, ils auraient 25.000 morts contre 4.500 pour l’Italie maintenant, une asymptote à 100.000 aux USA contre 20.000 en Italie dans une vision pas trop pessimiste, les comtés ruraux ont peu d’hostos, et la prise en charge des pauvres ne sera pas bien mieux qu’à New Orleans/Katrina / 9th ward).
A l’inverse, dans un scénario très optimiste d’un pays pouvant raisonner en isolation (pas trop la France, peut-être la Suède ou Taiwan), le passage en « immunité de horde » dans des conditions de connaissances thérapeutiques fines (mais comment converger vite sur cette question des contre-indications graves ?), avec remise en marche des écoles d’ici 6 semaines et test systématique de grands échantillons pour que les moins de 50 ans redémarrent pendant que les plus de 50 ans attendent encore 2 ou 3 semaines « planqués » (pour ne pas excéder la charge max des hostos), il y aurait (conditionnel de mise, au carré) des esquisses favorables à une fin de partie un peu moins lointaine que ce qu’on entrevoit maintenant (12 semaines sur la base chinoise, avec les résidus de mouvement incontrôlables, le R0 qui ne descend pas à 0,2 mais 0,4 etc.) et donc un scénario qui resterait sous une forme de contrôle à la limite de l’acceptable, impliquant dans la foulée qu’une vision claire des solidarités soit proclamée et maintenue.
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