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De si belles promesses…
Et de une …
Vous avez dû tous entendre, comme moi, Monsieur Macron dire, lors de son allocution télévisée de jeudi dernier, quelque chose comme « un service de garde sera mis en place région par région pour que les personnels indispensables à la gestion de la crise sanitaire puissent faire garder leurs enfants et continuer d’aller au travail. »
Conséquence de la fermeture des écoles, collèges, lycées, et universités de France, il y avait effectivement incompatibilité à demander à des personnes d’aller travailler à lutter contre le Covid-19 d’une part, et à garder ses enfants à la maison d’autre part. Chacun, en entendant cette phrase, a dû imaginer des solutions, qui de s’appuyer sur les systèmes de garde périscolaires proche des hôpitaux – lorsque l’hôpital ne possède pas son propre système de garde d’enfants – , qui de s’appuyer sur les périscolaires de chaque ville, ou d’une partie des villes. Après tout, ce sont des spécialistes, ils savent gérer les enfants de 7h00 du matin à 19h00 le soir, les occuper, les nourrir le midi,… le seul problème étant, qu’avec cette solution, ces enfants auraient difficilement accès à la « classe à la maison », autre promesse vertueuse, dont nous parlerons un peu plus bas.
« La santé n’a pas de prix. Le gouvernement mobilisera tous les moyens financiers nécessaires […] pour sauver des vies, quoi qu’il en coûte ». « Il est des biens et services qui doivent être placés en dehors des lois du marché ». Vous avez tous en tête ces phrases prononcées par le président.
Naïvement, je me suis dit.e : « tiens, le gouvernement va financer lesdites garderies pour qu’elles puissent assurer la garde des enfants des personnels hospitaliers ». Ce ne sera même pas un « pognon de dingue », juste quelques centaines de milliers d’euros. Bien loin donc du « quoi qu’il en coûte ».
Mais non, le gouvernement a trouvé mieux, aucun frais supplémentaire, des personnes sans doute à ses yeux corvéables à merci, à qui on a déjà demandé beaucoup : les fonctionnaires, et plus particulièrement les professeurs ! On ne les a, entre autre, quasiment pas augmenté depuis 10 ans (gel du point d’indice), on leur promet une belle baisse de leur pension de retraite, on leur propose maintenant de faire « garde d’enfants ». Dans un document filigrané « projet », envoyé à tous les chefs d’établissement et directeurs d’école vendredi soir, appelé « Lignes directrices pour la garde des enfants des personnels indispensables à la gestion de la crise sanitaire », il est indiqué :
« Le ministère de l’Éducation nationale accueillera les enfants des professionnels qui n’ont pas d’autre solution de garde scolarisés à l’école maternelle, primaire et au collège dans les lieux de scolarisation habituels. Ces modalités pourront être adaptées par la suite par les recteurs, en lien avec les ARS, de manière à favoriser la cohérence pédagogique des groupes d’élèves (qui ne devront pas dépasser 8 à 10 élèves par classe). Cet accueil s’organisera dès lundi 16 mars matin. »
Étant enseignant.e, bien évidemment que l’on s’arrangera entre collègues pour ne pas laisser un enfant sur le carreau.
Les critiques négatives en public envers mon administration étant interdites, il est évident que je vous affirme que c’est une très bonne décision ! Les enfants des enseignants vont pouvoir avoir la joie de partager des moments (et des virus) avec d’autres élèves qu’ils ne connaissent pas, plutôt que de suivre la « classe virtuelle » comme les autres.
Les enseignants vont pouvoir montrer combien ils sont multitâches : ils vont pouvoir « en même temps »
- faire classe aux élèves des personnels indispensables à la crise sanitaire,
- faire classe avec les autres élèves restés chez eux via la « classe à la maison »,
- faire leur métier de parent en aidant leur.s propre.s enfant.s qui se connecte-ra/-ront on ne sait comment sur sa « classe à la maison qui est l’école » à lui/eux,
- et aller faire du porte à porte chez Rémi, Dylan ou Fatima pour transmettre les cours à ceux qui n’ont pas, ou n’arrive pas, à avoir accès à internet. Voire, les dépanner. Après tout, on est tous des ingénieurs réseaux… Et sans masque bien sûr, on n’est pas au carnaval ! Et puis si Dylan est en train de regarder son dessin animé préféré sur Disney Channel, de patienter un peu quand même ! Non ?
Et de deux…
Car oui, cerise sur le gâteau (trop fade sinon), les enseignants ont également reçu, vendredi matin, un autre document du rectorat qui indique : « Dans les établissements où le débit est faible, et dans tous les cas où les familles rencontrent des difficultés de connexion ou d’équipement, tous les moyens seront mis en œuvre par vos soins pour maintenir le lien pédagogique et éducatif. »
Voici là une deuxième promesse, si facile à dire : « aucun enfant ne sera oublié ».
Et de trois…
Grâce à « ma classe à la maison » du CNED, dont le serveur sera capable de tenir 15 millions de connexions avec vidéo en simultanée (aux crédules, je signalerai que le ministère l’a affirmé, c’est donc vrai), les enseignants, qui ont été averti de cet outil mercredi dernier, sont prêts ! Ils ont tous un équipement au top avec casque et micro, connexion internet chez eux, à l’école primaire ou au collège bien sûr ! Ils n’ont pas besoin de formation, car ils sont les meilleurs du monde. Quant aux supports, il y a en a tellement sur Internet, au CNED, sur Eduscol, … un bonheur !
La France est prête, puisqu’on vous le dit !
Arrivé là, l’auteur.e de ce billet a besoin de se détendre un peu… et va vider son sac !
Le comment de l’application de toutes ces promesses ministérielles n’est pas expliqué, mais après tout, les enseignants insistent tellement sur la liberté pédagogique, pour une fois qu’on leur en donne, ils ne vont quand même pas se plaindre ! Un porte à porte pour un prof de collège, quand les collèges de campagne reçoivent des élèves habitants à 20 km à la ronde, où est le problème ?
En tout cas, nous avons le plaisir de voir que notre pays est prêt.
- La preuve, le premier document est filigrané « projet », ça veut bien dire qu’il y en avait un, de projet !
- La cantine étant fermée, les enseignants se feront aussi un plaisir de préparer un bon petit repas aux élèves, avec toutes les règles d’hygiène et plus encore en période de pandémie. Le premier document ne le précise pas, mais un mail à envoyer dimanche soir est déjà rédigé, juste pour le leur dire, mais les enseignants l’avaient bien compris ! Car la France est prête !
- Les infirmiers sortant de l’hôpital tard le soir, où y allant tôt le matin, voire y allant également la nuit, le mercredi et le week-end, les enseignants, dans leur grande intelligence, auront compris qu’il fallait organiser un service 24h/24 et 7j/7. Solidarité, a dit le président ! Pas besoin de le préciser dans le document, car la France est prête !
Nous avions déjà eu des preuves depuis longtemps :
- Des affichettes « antivirus » aux frontières (les filtrer ne servant à rien parait-il), car la France est prête.
- Des masques FFP2 à gogo, mais comme nous avons le meilleur personnel soignant au monde, nos soignants n’en ont pas besoin. Comme la France, ils sont prêts !
- Pleins de tests, mais comme les français sont des gens raisonnables, ils ne réclament pas d’être testés. Comme la France, ils sont prêts !
(Voir la première vidéo avec Karine Lacombe dans : https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/coronavirus-le-ministre-jean-michel-blanquer-et-l-infectiologue-karine-lacombe-ont-repondu-a-vos-questions-sur-l-epidemie-et-les-ecoles_3865297.html) - Des hôpitaux avec des moyens matériels, humains, largement suffisants. Car la France est prête !
Soyons solidaires !
Vive la solidarité ! Car c’est important la solidarité ! L’État peut tout faire, bien sûr, car la France est prête ! Mais il n’y a rien de mieux que laisser à chacun le plaisir de montrer combien il prend plaisir à la solidarité. Surtout quand on est en bas de l’échelle.
Oups ! Non, je suis sûrement une méchante langue, je suis sûr.e que Monsieur Macron va rétablir immédiatement l’ISF, pour que nos riches puissent avoir le bonheur, eux aussi, d’être solidaires à leur façon.
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