TF : Paul Virilio proposait la création d’un ministère du temps mais également d’un ministère du désastre.
PJ : J’ai écrit avec Vincent Burnand-Galpin, qui étudie en ce moment à l’ENSAE et à Sciences Po, un livre qui paraîtra en mars : Comment sauver le genre humain ? Le titre a évolué depuis « Déclarer l’état d’urgence pour le genre humain ? », le nom qu’avait le cycle de 6 conférences que j’ai données à l’Université catholique de Lille en 2018-19, pour se stabiliser sur cet intitulé là.
Nous proposons de rétablir, au niveau national, une planification partiellement impérative pour intégrer l’épuisement des ressources, le réchauffement climatique, l’ensemble des problèmes environnementaux, et ceci servirait de marche-pied pour une planification planétaire. La question climatique, cela va de soi, n’est pas soluble au niveau de pays individuels.
Cela nous a conduits à explorer la problématique des économies de guerre telles quelles avaient existé durant la Deuxième Guerre mondiale.
Pour faire face au risque d’extinction, le passage à une économie planifiée est essentiel. L’opposition à la planification impérative se fonde en général sur des exemples empruntés à l’Union Soviétique, où les dysfonctionnements étaient dus à la pesanteur et à la brutalité du régime et non à la planification en tant que telle. Le Plan en France durant les Trente glorieuses a au contraire été un incontestable succès.
Par ailleurs les économies de guerre de la Grande-Bretagne et des États-Unis fondées sur une planification impérative ont été de grandes réussites.
Le caractère contraignant par exemple du rationnement a été accepté par la population. Il n’y a pas eu d’opposition à cela parce que le but était clair : il s’agissait de sauver la nation. Il nous semble que quand il deviendra clair à la plupart qu’il s’agit de sauver l’humanité, l’acceptation sera du même ordre.
Nous avons également réfléchi aux objections qui se sont manifestées à cette époque, notamment parmi les industriels, qui apparaitraient on l’imagine de la même manière chez nous. Nous montrons que les industriels aux États-Unis n’ont soulevé aucune objection parce que leurs marges demeuraient confortables. Il ne sert à rien d’invoquer l’intérêt général auprès du milieu des affaires : il faut lui parler le langage qu’il comprend. Le plein emploi était assuré, bien entendu. Les hommes étaient au front et de nombreuses femmes aussi. Mais les femmes ont rejoint pour la première fois en masse le travail en entreprise.
Il y a moyen, à notre sens, de planifier à nouveau une « économie de guerre » en ne perdant pas de vue, bien sûr, que la « guerre » est cette fois une lutte pour la survie de l’espèce en tant que telle et non une victoire sur un supposé ennemi extérieur.
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