Retranscription de Ce que j’ai fait depuis lundi, le 10 janvier 2020. Ouvert aux commentaires.
Bonjour, nous sommes le vendredi 10 janvier 2020 et ayez l’amabilité de ne pas m’écrire pour me dire que j’ai mauvaise mine parce que j’AI mauvaise mine en effet et je suis au courant. J’ai eu la grippe. Je récupère mais je voulais quand même vous tenir un peu au courant.
D’abord, je voudrais m’excuser auprès des gens qui ont voulu m’entendre à Montpellier mercredi. Si j’étais allé en répondant aux insistances vraiment pressantes des personnes qui m’invitaient… Je leur disais : « Mais non, je suis malade », et je ne sais pas pourquoi, on m’a dit : « Ah non, on ne peut pas dire ça ! On va dire que c’est la grève des trains ». J’ai dit : « Non, moi, je vais mettre sur mon blog que j’étais malade et que je m’excuse. Vous ne pouvez pas, vous, de votre côté, dire que c’est la grève des trains ! » et alors, on m’a répondu quelque chose de très très curieux : « Non, non, on ne peut pas dire que vous étiez malade parce que c’est la première séance du cycle cette année ». Le rapport entre les deux ? Je ne sais pas. C’est peut-être plus particulièrement majestueux ou solennel, la première rentrée, et là, on ne peut pas faire qu’il n’y ait personne qui parle. Je crois que mon ami Roland Perez a improvisé, ce qui est très gentil de sa part.
Si j’y étais allé, si je m’étais rendu à cette insistance et si vous m’aviez vu à 20 h ce jour-là, à Montpellier, vous m’auriez dit, les gens qui me voyaient : « M. Jorion, rentrez chez vous, allez dormir ! ». Donc, j’ai bien fait de ne pas aller. Toutes mes excuses encore.
Je fais une petite vidéo parce qu’il y a beaucoup d’actualité et je ne peux pas la traiter pour une raison, comment dire ? de rapidité personnelle. Je ne peux pas couvrir tout ce que je voudrais dire sur les États-Unis, sur la Grande-Bretagne. Je vais quand même rapidement dire quelques mots.
Vous avez vu ce qui s’est passé à la suite des représailles iraniennes sur des bases militaires américaines. Ça ressemblait fort à une mise en scène. Les Américains étaient au courant. Tout le monde s’est mis dans les casemates, dans les bunkers et dans les souterrains. On dit, du côté américain, qu’il n’y a pas de blessés. J’espère que c’est vrai. C’était une façon d’essayer de mettre fin à un processus d’escalade qui pouvait nous entraîner vraiment très très loin. Ça ne veut pas dire qu’il soit terminé mais, enfin bon, il y a une accalmie.
Je vous ai fait un papier ou une vidéo qui s’appelait : « L’implosion des États-Unis ». Il y a eu une séance de conférence de presse où un certain nombre de gens de l’administration ont essayé de justifier auprès des journalistes, des sénateurs et des députés ce qui s’était passé : la décision de Trump.
Il y a eu – vous avez peut-être vu ça – des Républicains en particulier complètement furieux en disant : « On se moque du monde. C’était sophomoric [c’est-à-dire digne d’un étudiant de lycée] ».
Il y a ce sentiment général qu’il n’y a plus de pilote dans l’avion ou, s’il y en a un, il est complètement cinglé. On ne sait pas trop ce qu’il faut faire.
Alors les Démocrates et les Républicains prennent des initiatives en sens divers. Les Démocrates disent : « Tant qu’on nous dira pas comment se fait l’impeachment, tant qu’on ne nous dira pas quelles sont les règles qui ont été posées pour la séance au Sénat, nous, on ne vient pas ». Les Républicains disent : « Eh bien alors, on commencera sans vous ! ». Ça n’a pas de sens. Il y a de la résistance passive des deux côtés [les choses se dénoueront le 16 avec le début de la procédure au Sénat].
Du côté Républicain, on essaye de sauver la peau de Trump. Comme on n’a plus d’autre argument que la résistance passive, c’est ce qu’on fait et, du côté Démocrate, on se dit que le temps joue pour soi et, donc, on n’est pas pressé.
Mais il y a une déliquescence, il y a un délitement du pouvoir. À ces députés ou sénateurs Républicains qui se sont plaints de la manière dont on les a traités dans cette conférence de presse sur l’affaire de l’Irak et de l’Iran, M. Graham a répondu un argument classique de toutes les dictatures : « Poser des questions, c’est faire le jeu de l’ennemi ! ». Voilà, alors là, il y a un Républicain quand même qui a dit… Il était confronté à ça devant le reporter à la télévision. Il a dit : « Non, si on veut rester en démocratie, il faut qu’on réponde aux questions des députés et des sénateurs ».
Je vais vite…
En Grande-Bretagne, c’était avant-hier, on nous a dit que le processus de Brexit était en marche, avait véritablement été mis en marche par un vote à Westminster et il y a effectivement un agenda qui a été proposé. Il y a une tentative qu’on a annoncée hier de réunir à nouveau l’assemblée d’Irlande du Nord au Palais de Stormont, un truc qui était en rade depuis plusieurs années et, là aussi, en raison de l’opposition irréductible des… allez, je vais les mettre entre guillemets pour aller rapidement, des «Protestants contre les Catholiques » et les « Catholiques contre les Protestants ».
On va essayer de remettre ça en marche. Par ailleurs, vous le savez, les Écossais refusent absolument… leur parti nationaliste [SNP] a obtenu une majorité même pas absolue, je dirais quasi-totale des votes. Je crois qu’il y a, dans les représentants maintenant, 1/5e du Parti conservateur et tout le reste, ce sont des représentants nationalistes qui disent qu’il n’est absolument pas question d’un Brexit tel qu’il a été conçu [48 SNP ; 6 Conservateurs ; 4 Libéraux-démocrates ; 1 Travailliste] .
Qu’est-ce qu’il va se passer ? J’ai regardé l’agenda. On a essayé de mettre toutes les phases de sortie de l’Union européenne pour le Royaume-Uni, de mettre en vitesse pour 2020 et là, en regardant ça et en écoutant ce qu’il se dit du côté du Gouvernement, on essaye d’éviter le mot Brexit, etc. Il y a une expression qui m’est venue, que vous connaissez bien. C’est « encommisionnement » : on fait, de l’encommissionnement à l’échelle industrielle sur le Brexit. Il y a un groupe qui va s’occuper de ça, qui va réfléchir à la question et un autre va réfléchir à… etc.
Vous vous souvenez, au lendemain du référendum, en juin 2016, on me répète, on me rappelle ces jours-ci que j’ai dit : « Le Brexit n’aura pas lieu ! ». Non, j’ai dit deux choses. J’ai dit : « Le Brexit n’aura pas lieu ou bien on vous fourguera un jour quelque chose en vous disant « C’est le Brexit » et le Brexit n’aura pas eu lieu de fait mais on dira au public qu’il a eu lieu parce que les gens ont voté pour », etc.
Et, quand je regardais – c’était avant-hier – ce qu’on voyait dans les journaux, je me disais : « Bon, je n’aurai peut-être pas raison sur le fait que le Brexit n’aura pas lieu mais j’aurai sans doute raison sur le fait qu’un jour, on dira aux gens que le Brexit a eu lieu : « Regardez, on a eu le Brexit ! » et puis, les gens dans la salle diront : « Oui, mais en quoi c’est différent de quand on était dans l’Union européenne ? ». Et là, il y aura quelqu’un sur l’estrade qui dira : « Monsieur ou Madame, votre question est TRÈS intéressante mais ce sont des questions extrêmement complexes qu’il vaut mieux laisser aux spécialistes… » et il y aura quelque part quelqu’un, un spécialiste, qui pourra expliquer pourquoi ce Brexit qu’on a eu ne ressemble absolument pas à un Brexit mais ressemble plutôt à la Grande-Bretagne, le Royaume-Uni, toujours dans l’Union européenne.
Je suis un peu lent mais je vous ai prévenu au départ.
Qu’est-ce que je voulais encore dire ?
Hier, Vincent et moi, on a eu une très grande satisfaction. Nous avions déposé, comme prévu, le manuscrit de : « Sauver le genre humain » lundi et, hier, dans l’après-midi, c’est-à-dire exactement 3 jours plus tard, on nous a présenté le manuscrit avec quelques suggestions de modifications.
Ça, c’est bon signe. Cela veut dire que le processus va vraiment très très très vite. Nous avons été très contents aussi, Vincent et moi, de voir qu’il y avait peut-être 3 modifications. Le reste, c’étaient des suggestions de modifications de ponctuation. C’est-à-dire que c’étaient des affaires que nous pouvions régler en une heure, ce qui a été le cas.
Je vous ai dit, je suis un peu… quand on est malade, vous le savez, on en profite pour se dire : « Ouf, je ne suis plus obligé de faire ceci, je ne suis plus obligé de faire ça, etc. etc. » et au moment où j’ai commencé à me sentir un peu faiblard, je me suis dit : « Voilà, je vais pouvoir me mettre au 2e volume » – il est à moitié achevé – le 2e volume des aventures de Trump et une autre chose, c’est une chose que M. Pierre Nora, chez Gallimard, m’a demandé il y a une dizaine d’années et que, bon… j’avais des choses plus pressantes à faire. C’était une réflexion sur ma propre vie, des mémoires si on veut parce que, paraît-il, j’ai eu une vie à ce point remplie que ça pourrait amuser les gens d’en connaître tous les détails. J’ai raconté à Vincent récemment, à sa demande, les deux tentatives de meurtre. Il y a plein de choses palpitantes et, effectivement, on m’a dit tout de suite, les gens à qui je parlais de ça, « Gardez pour vous surtout les droits pour Hollywood ! ». Harrison Ford est un peu vieux mais on trouvera des jeunes qui pourront effectivement jouer ça : les différentes parties.
Mais, en fait, vous avez vu d’ailleurs, quand j’ai pu réfléchir un peu pour moi, les choses les plus pressées que j’avais à faire, ce n’était pas du tout le deuxième volume de Trump ni mes mémoires. La chose dont j’ai voulu tout de suite… je me suis précipité sur des tas d’idées que j’avais dans ma tête sur l’intelligence artificielle.
Ça a été une frustration pour moi, en 1990, quand on arrête le projet dans lequel je travaillais, le projet Connex aux British Telecom, en me disant : « Voilà, on ne vous l’avait pas dit mais c’était de l’argent militaire et, maintenant, avec la fin de la guerre froide, le budget a été divisé par deux. Ceux qui sont Britanniques parmi vous, on va leur proposer d’aller travailler dans des casernes quelque part et, les autres, on va vous dire ‘Merci beaucoup, on a beaucoup aimé ce que vous faisiez’ ». C’était une fin en queue de poisson [Sur ce plan-là, j’ai eu une excellente nouvelle le 15 janvier ; il est prématuré d’en parler mais je vous en informe dès que possible].
Si vous avez vécu quelque chose de l’ordre de 70 ans, vous savez que, quand on vous dit : « Pourquoi est-ce que vous avez quitté ceci ? Pourquoi est-ce que vous avez démissionné ? Pourquoi est-ce que n’avez plus voulu faire ceci ? », en général, c’est le monde autour qui a bougé et c’est lui qui vous dit : « On n’a plus besoin de vous ici. Allez plutôt par là » ou bien on vous appelle à un autre endroit. Et ainsi de suite. Et voilà.
Donc, vous avez vu, la chose la plus pressée que j’avais envie de faire dès que j’avais un peu de temps à moi, c’était de me replonger sur ce qui se passe en réalité dans les réseaux neuronaux. Je vous ai dit, les conférences de M. Naftali Tishby, ses articles me semblent montrer que ce physicien – il est biologiste aussi si j’ai bon souvenir [non : il est seulement physicien] – il a compris les choses qu’un certain nombre de spécialistes de l’intelligence artificielle n’ont pas comprises et qui essayent de contourner les difficultés qui se présentent par des astuces, comme par exemple la convolution, des choses comme ça, mais qui sont liées, à mon sens, essentiellement au fait qu’il y a une compréhension insuffisante du processus.
Alors, ce M. Tishby, il va dans la bonne direction. À l’époque où je faisais de l’IA, j’ai le sentiment qu’il y avait un certain nombre de gens qui avaient compris ce qu’il se passait dans la rétro-propagation, que c’était un processus d’Ising et des machins comme ça. C’est un vague souvenir que j’ai de comprendre ça à l’époque mais c’était il y a longtemps. C’était en 1990. Ça fait quand même un moment. Heureusement, j’ai encore tous ces bouquins quelque part dans une boîte. Dès que je peux me remettre sur les pieds et aller en voiture, je vais aller récupérer cette boîte qui est à une trentaine de kilomètres de chez moi et me replonger là-dedans.
Apparemment, c’est ça que j’ai vraiment envie de faire maintenant. J’ai beaucoup écrit sur la finance. J’ai beaucoup écrit récemment sur Trump et Cie. J’ai une vieille frustration apparemment de faire de l’IA… . À partir de 1980 à peu près, quand j’étais professeur à Cambridge, sur pratiquement 30 ans, j’ai quand même eu la satisfaction de travailler tous les jours sur des problèmes extrêmement complexes à essayer de résoudre.
C’est à ça qu’on m’avait spécialisé dans la finance. Bien entendu dans la recherche en Intelligence Artificielle mais en finance aussi : on m’a toujours mis aux trucs qui étaient durs à résoudre, les projets à sauver, les trucs où on ne comprenait pas exactement comment ça marchait, etc. Et depuis 10 ans, je réfléchis… vous voyez ? Mais j’ai exprimé un peu ma frustration de ne plus être devant des problèmes vraiment très compliqués en m’intéressant par exemple à la disparition d’Agatha Christie pendant 10 jours. Quand je vois dans les journaux « Un grand mystère toujours irrésolu ! », je me précipite là-dessus comme cette histoire de ces malheureux étudiants morts dans l’Oural en 1959. C’est peut-être ça : j’ai envie de me replonger dans des trucs où je me dis : « Je ne comprends pas comment ça marche ».
Trump, malheureusement, je comprends trop bien comment ça marche. Ça me frustre peut-être un peu. On va voir. Vous le voyez, je ne suis pas encore vraiment en forme. Je suppose que je bégaye et que je parle vraiment très lentement. On va voir ce qui va se passer dans les jours prochains. Pour le moment, depuis 2 ou 3 jours, avec un petit groupe qui s’est constitué aussitôt avec deux physiciens, je vois qu’il y a des choses sur lesquelles j’aime réfléchir. C’est un peu l’effet Zeigarnik comme on dit. L’effet Zeigarnik, c’est quand vous… Vous ne connaissez pas ? Je vais vous rappeler ça.
C’est une expérience de psychologie des années 1950 si j’ai bon souvenir. Mme Zeigarnik était une psychologue et alors, elle avait fait la chose suivante : c’est que on faisait venir des sujets en disant : « On va vous faire faire des tests ». Et les tests en question, c’étaient des tests, des tâches vraiment pour enfants. C’étaient des adultes à qui on s’adressait mais vraiment des tâches pour enfants : passer des lanières pour les entrecroiser, essayer de faire un petit panier, etc. Alors bon, des choses que les adultes considèrent comme extrêmement, je dirais, peu motivantes. Il n’y a pas de challenge là-dedans.
On interrompait ces gens systématiquement avant qu’ils aient fini ces tâches peu intéressantes et alors, on leur disait : « Ah oui, attendez, maintenant, on va passer à un autre stade de l’expérimentation » et on disait : « Avant de passer au stade suivant, nous vous donnons 10 minutes de récréation. Vous faites ce que vous voulez pendant ce temps-là ». Et l’expérience, elle était là : les gens se sont tous précipités à terminer la tâche idiote sur laquelle ils travaillaient.
Du coup, on appelle ça l’effet Zeigarnik : quelque chose d’inachevé que nous avons dans la tête, c’est toujours inscrit là, comme un souci : nous avons toujours le souci d’y retourner et de terminer ce truc.
Et je crois que la moitié des soucis des gens dans la vie, c’est l’effet Zeigarnik. C’est qu’il y a un truc, même si ce n’est pas très important, on a envie de finir des choses. On a envie de les terminer. Et apparemment, j’ai ce souci-là avec l’Intelligence Artificielle. J’ai été interrompu en plein milieu d’une réflexion par la fin de ce contrat. Quand M. Casanova, à Paris, très aimablement, m’a proposé aussitôt de venir travailler dans sa banque, et j’ai fait des choses passionnantes avec lui par la suite, bien entendu, mais il y a ce vieux souci de terminer ce que j’avais commencé en IA. On va voir…
Ça me fait plaisir que, quelques heures après que j’aie lancé cet appel sur le blog, qu’on avait déjà une équipe de 3 personnes et de 3 personnes véritablement qualifiées pour creuser là-dedans.
Voilà, allez, à bientôt ! Et j’espère que vous n’aurez pas, comment dire ? l’envie de me dire que j’ai mauvaise mine la prochaine fois que je prends la parole.
Laisser un commentaire