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La stratégie survivaliste à l’échelle individuelle est clairement condamnée, comme vous l’expliquez. A l’échelle d’une collectivité comme région ou nation, elle serait praticable dans certains cas Le problème est que cette stratégie… n’en est pas une en vérité, car elle ne répond pas au problème !
Le problème n’est pas en effet que l’humanité risquerait de disparaître. La solution ne peut donc pas être « tiens voici une manière de s’assurer que X millions de personnes survivent et hop problème résolu ! »
Le « pire cas » envisageable du réchauffement et de l’effondrement des écosystèmes ne laisserait en effet pas une planète inhabitable pour l’être humain : il laisserait une planète où seule une petite partie de l’humanité actuelle pourrait survivre. Ce serait la pire catastrophe de l’Histoire, comparable seulement à la catastrophe de Toba supposée être arrivée il y a environ 73.000 ans, si la théorie qui fait soupçonner une telle catastrophe est juste.
Mais ce ne serait pas la fin de l’humanité, de même que l’humanité n’a pas pris fin il y a 73.000 ans.
En effet, même dans une combinaison « total cauchemar » – pas irréaliste – incluant :
– +7 °C de température moyenne en 2100 ou un peu après
– Effondrement de la majorité des écosystèmes terrestres, pire encore aux latitudes faibles ou moyennes
– Effondrement de la grande majorité des écosystèmes marins – le réchauffement augmente l’acidité des mers, ses habitants n’y survivent guère
– Grandes régions littéralement inhabitables pour des êtres humains du fait de la combinaison chaleur+humidité, essentiellement aux latitudes faibles
– Perte de la totalité des régions côtières actuelles, en conséquence de la montée des océans de plusieurs mètres, en attendant pire
Même dans ce cas, certains êtres humains survivraient, avant tout aux latitudes élevées, bien sûr en nombre réduit même au regard de la population actuelle des pays concernés – vu l’effondrement de certains écosystèmes, réduisant de beaucoup la capacité agricole vivrière.
Naturellement le niveau de civilisation de ces survivants ne serait probablement que l’ombre de ce qu’est aujourd’hui l’humanité. Que l’on pense à la comparaison entre ce qu’était la grande civilisation Maya vers le 10ème siècle avant son effondrement, et les quelques tribus que les Européens découvrirent dans la région au 16ème siècle, et qui pourtant étaient leurs descendants !
Et la diminution de population serait probablement encore pire. Rappelant que la population mondiale est estimée n’avoir atteint un milliard d’habitants qu’au début du 19ème siècle, et cela dans une Nature intacte, il paraît évident que nous serions réduits à bien moins, survivant seulement dans certaines régions. Au mieux quelques centaines de millions. Peut-être seulement quelques dizaines de millions, comme il y a cinq mille ans.
Etant donné que telle la menace « maximale », il est évident qu’un moyen de s’assurer que quelques centaines de millions de personnes survivent sur Terre n’est pas une solution… puisque cela revient à déclarer que l’état final probable est le nouvel objectif ! Le message sous-jacent, inconscient dans certains cas mais pas dans tous, c’est en fait : « Je sais comment faire partie des survivants »
Même ce message est en réalité illusoire, car dans une telle grande transformation en peut-être trois à quatre générations d’un état « humanité civilisée de huit milliards de personnes emplissant la Terre » à un état « bandes, régions et principautés semi-sauvages d’au mieux quelques centaines de millions de personnes survivant dans certaines parties de la planète », bien malin qui pourrait prévoir toutes les luttes, événements et retournements de situation. Nul ne peut être assurée que soi-même ou ses descendants feraient partie des « chanceux » – enfin chanceux relativement…
Remarquons enfin que la solution proposée par Yves Cochet revient à choisir l’esclavage comme projet d’avenir. Qui peut imaginer qu’un monde post-effondrement serait composé de joyeux paysans pacifiques cultivant leurs terres et échangeant leurs produits avec urbanité ? Il y aurait bien des paysans dans ce monde naturellement… mais ce seraient des esclaves. Dans le meilleur des meilleurs des cas, ils pourraient accéder au grade de serfs, au bénéfice des gagnants de la compétition darwinienne entre les groupes armés, parallèle à la compétition pour les ressources restantes entre les esclaves eux-mêmes. Un retour sur de petites communautés autosuffisantes ne suffirait pas, même dans les régions les plus favorisées. Il faudrait aussi construire des châteaux-forts, et pour cela les serfs seront de corvée bien sûr.
L’ordre du jour, c’est d’éviter ce monde, d’éviter cette nouvelle « catastrophe de Toba ». Cela ne peut se concevoir que collectivement, supposant notamment une entente internationale au moins entre les acteurs les plus puissants, plutôt qu’un sauve-qui-peut généralisé la Russie se réjouissant d’être plus au nord et d’avoir plus de terres que l’Inde, la France se réjouissant de ne pas être la Nigéria et la Suède de ne pas être l’Egypte…
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