Philippe Vandevelde, dit Philippe Tome, né le 24 février 1957 à Bruxelles, mort le 5 octobre 2019. Ouvert aux commentaires.
On était cette semaine entre amis à s’émerveiller sur la réédition luxe en noir et blanc de La Frousse Aux Trousses, soit l’un des -fameux pour les initiés- Spirou et Fantasio de Tome (scénario) et Janry (dessin). Bien sûr, devant le spectacle des presque planches et en bonne audience de dessinateurs que nous étions, on s’extasiait d’abord sur l’incroyable travail de Janry (il a fallu du temps pour trouver quelqu’un capable de reprendre Uderzo, mais je pense que Janry, on ne trouvera jamais). Parmi les facettes de son travail, le « jeu d’acteur » de ses personnages, toujours en parfaite adéquation avec le texte. Et puis je lis ce texte que je n’ai pas lu depuis un moment et je rigole. Il y a cette adéquation comique parfaite entre le texte et le dessin, celle qui a fait les grandes heures de la bédé Belge mais qu’on ne trouve plus que très rarement ces jours ci quand il s’agit d’un duo d’auteurs.
Ces choses n’arrivent pas par accident. Si vous connaissez l’oeuvre de Tome, vous remarquerez que son écriture est aussi bien imbriquée dans le style de Janry dans Spirou que par celui de Gazzotti dans Soda. C’est un talent particulier de scénariste que de comprendre immédiatement ce que son dessinateur lui servira sur un plateau et de le privilégier sur ce qui ne serait guère sa tasse de thé. Ayant été des deux côtés de ce manche je le vois dans cette case où Fantasio, récupérant d’improbables bottes à ventouse, s’échappe d’une prison par le toit et en une parfaite ellipse comique y fait redescendre le garde capturé en le suspendant à une corde par son crâne chauve lovée dans la ventouse. Ça fait beaucoup de mots par écrit, par contre le dessin est fantastique. Peut-être voyez-vous la couche de métier qu’il faut pour écrire ceci en sachant que visuellement, Janry rendra ça formidable?
Spirou et Fantasio, c’est un moment clef de mon plongeon dans la bande dessinée. C’est le moment ou je passe de « j’aime ça » à « j’aime vraiment ça ». Franquin a (presque) ouvert la série, avec de nombreuses créations mémorables comme Champignac, Seccotine, Zorglub et le chef d’oeuvre « QRN sur Bretzelburg » avec Greg au scénario, point culminant de leurs deux carrières. Fournier à sa suite restait sympathique mais quand Tome et Janry ont repris le flambeau, la série a pris une nouvelle ampleur. Rythme et qualité des gags plus élevés, histoires qui s’inspiraient du cinéma récent sans perdre ce qui fait la spécificité des aventures des deux compères, chaque tome était marquant et de fait, chacun dans mes amis a son préféré. Pour les rieurs, ce sera Spirou et Fantasio à New York, pour l’aventure SF, l’Horloger de la Comète, pour l’aventure intense et parfois poignante, La Frousse aux Trousses et sa suite inquiétante, La Vallée des Bannis…
Car le duo, demandé de partout, ne se contentera pas de ronronner un album après l’autre – se lançant de nouveaux défis à chaque fois, jusqu’à un Machine qui Rêve audacieux qui sera l’une des rares fois où ils ne trouveront pas l’adhésion du public. Le Petit Spirou réparera ce revers en trouvant facilement son public.
Les détails commencent à peine à tomber mais à ce qu’il semble, Philippe Vandevelde, dit Philippe Tome, est tombé d’une crise cardiaque à l’âge bien trop jeune de 62 ans. Autrement dit, ça doit être une sale surprise pour sa famille, ses amis, ses co-auteurs. Et pourtant, il sera impossible pour eux à l’enterrement de ne pas se remémorer celui, hilarant, qui ouvre Spirou à New York…
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