Paul Jorion vend la mèche, le 25 septembre 2019 – Retranscription

Retranscription de Paul Jorion vend la mèche, le 25 septembre 2019

Bonjour,  nous sommes le mercredi 25 septembre 2019 et, aujourd’hui, ma vidéo s’appellera « Paul Jorion vend la mèche ». Voilà.

Pourquoi est-ce que je vends la mèche ? C’est parce que j’ai la grippe et je vous avais écrit hier matin que je ne devais pas faire de vidéo parce que, quand on a la grippe, on peut facilement avoir l’air déprimé ou être déprimé mais, au lendemain d’un jour où M. Johnson, Boris Johnson, Premier Ministre du Royaume-Uni, a été déclaré coupable d’abus de pouvoir et où M. Donald Trump, Président des États-Unis, a vu une procédure d’impeachment, c’est-à-dire de destitution, lancée contre lui, et sachant l’intérêt que je porte à ces diverses choses, je ne peux pas ne pas vous faire une vidéo où je mettrais tout ça ensemble, bien que j’aie fait des billets ces jours derniers, entre deux siestes, pour vous parler de l’actualité.

Mais ce qui va vous surprendre peut-être – mais ce sera expliqué par le titre de ma petite vidéo, « Paul Jorion vend la mèche », en anglais spills the beans – laisse tomber le sac de haricots, les deux expressions ne sont pas très claires, ni dans un cas, ni dans l’autre, mais tout le monde comprend ce que ça veut dire.

Et je vais vous expliquer tout ça à l’aide d’un livre qui n’a aucun rapport ni avec M. Johnson, ni avec M. Trump. Je vous le montre : Gilles Kepel, Passion française. Les voix des cités. C’est un livre qui n’est pas très vieux, qui date de 2014. Il date de 2014 et il vous parle de la première génération de jeunes venus de l’immigration et qui se sont présentés aux élections en France.

« Monde musulman », « monde de l’Afrique subsaharienne », en France. Quel est le rapport, allez-vous me dire, entre ça et les évènements d’hier ? Eh bien, vous allez voir. Il faut remonter jusqu’à M. Hunter Biden. M. Hunter Biden, c’est le fils de M. Joe Biden. M. Joe Biden a été Vice-Président des États-Unis sous M. Obama et il se présente en ce moment à la primaire du Parti démocrate pour se présenter contre M. Trump. Jusqu’à ces jours derniers, il était en tête des sondages devant Mme Elizabeth Warren et M. Bernie Sanders.

Les choses vont peut-être changé parce que, qu’est-ce qu’il s’est passé ? Je vous rappelle ça en quelques mots. On en a beaucoup parlé. C’est à la une de vos journaux mais, en deux mots quand même, qu’est-ce qu’il se passe ? Un lanceur d’alerte au sein du gouvernement, au sein de l’administration américaine, lance l’alerte sur quelque chose de grave qu’il faut traiter de manière urgente et ça passe, bien entendu, au ministère de la Justice et le ministère de la Justice bloque.

On ne sait toujours pas qui est le bonhomme. On ne sait toujours pas exactement comment il avait formulé son alerte [elle est maintenant disponible] mais le ministère de la Justice bloque. Pourquoi ? De quoi s’agit-il ? La fuite nous permet de comprendre la chose suivante : le 25 juillet, M. Trump, dans un entretien avec le nouveau président de l’Ukraine, à 8 reprises, l’encourage à lui donner des informations sur M. Joe Biden, l’ex-Vice-Président, candidat actuel, et sur son fils, Hunter Biden, qui fait des affaires en Ukraine.

Quand l’affaire apparaît, quand on commence à connaître cette histoire de conversation avec M. Trump qui, bien entendu, dit : « Vous pensez bien que, sachant que j’étais sur écoutes, je n’aurais pas dit des choses qui pourraient m’incriminer d’une manière ou d’une autre ! » Non, c’est un imbécile. C’est un con. Il a appris qu’il était sur écoutes après le 25 juillet [P.J. en réalité, comme on l’a compris quelque jours plus tard, il faisait en sorte que les retranscriptions de ses conversations soient subtilisées.]. Tout le monde l’a compris. Mais ça ne fait rien.

Il a fait quelque chose qui était très très grave : il a essayé de monnayer l’aide de l’ordre de 250 millions de dollars si j’ai bon souvenir [P.J. 391 millions de dollars], l’aide militaire à l’Ukraine dans son combat dans le Donbass contre des séparatistes russophiles. Il a conditionné ça au fait qu’on lui donne des informations sur M. Joe Biden et sur son fils Hunter Biden.

Quand Mme Pelosi a dit – revenant sur sa stratégie jusque-là de ne pas être en faveur d’un impeachment – elle a mentionné cet évènement-là en disant : « Là, on est allé un peu trop loin et je suis obligée de suivre avec les autres ! ». Le problème, vous allez le comprendre tout de suite, si vous ne le savez pas déjà, les Démocrates, et en particulier M. Joe Biden et son fils Hunter, n’apparaîtront pas sous un jour très favorable au point que M. Trump et ses alliés puissent dire : « Je ne faisais ça que pour me défendre ». Parce que, qu’est-ce qu’il s’est passé ? Sous M. Obama, quand M. Biden était Vice-Président, il a fait pression sur le gouvernement ukrainien pour que l’on démette le procureur général et pourquoi ? Parce que le procureur général, il enquêtait sur la firme dont le fils de M. Biden, M. Hunter Biden, recevait des jetons de présence !

Alors, qu’est-ce qui apparaît dans cette histoire ? Il apparait qu’effectivement, ce monsieur Vice-Président a effectivement un fils qui essaye de monnayer le fait qu’il est le fils de son père, c’est-à-dire qu’il reçoit (les chiffres que l’on voit dans la presse), ce monsieur recevait des jetons de présence pour un montant de 50.000 dollars par mois dans des firmes en Ukraine alors que son père était Vice-Président des États-Unis. Il monnayait simplement le fait qu’il était le fils de son père et, dans un truc très connu – ça vous rappellera M. Éric Woerth, quand on lui a demandé s’il savait que sa femme faisait uniquement de l’évasion-fiscale-pardon-de-l’optimisation-fiscale pour Mme Bettencourt en disant : « Non, on n’a jamais discuté de ça. Ce n’est pas de ce genre de choses dont on discute ma femme et moi » – M. Biden dit : « Je ne savais pas du tout ce que mon fils faisait en Ukraine », c’est-à-dire qu’il ment. Il ment comme tout le monde. Quand M. Trump dit : « Si j’essaye moi de trouver des trucs dégueulasses sur Biden, c’est de bonne guerre : tout le monde ferait ça ! ». Oui, M. Trump, tout le monde fait ça mais pas quand on est Président des États-Unis quand même ! Vous avez fait ça toute votre vie. Votre père a fait ça toute sa vie. Votre grand-père a fait ça toute sa vie. C’est une tradition familiale mais ce n’est pas comme ça que ça marche quand on est Président des Etats-Unis !

Est-ce que ça donne des circonstances atténuantes à M. Biden et à son fils ? Bien entendu que non. Qu’est-ce qu’il dit M. Biden ? Il dit : « Bah, il n’a rien fait de mal mon fils et moi non plus. Moi, je suis juste intervenu parce que ce procureur, c’était un type pourri. D’ailleurs, je n’étais pas le seul à le dire. Celui qui enquêtait sur la firme dont mon fils récoltait les jetons de présence, c’est un type dégueulasse. D’ailleurs, il y avait des tas d’Européens qui étaient d’accord que c’était un corrompu, etc. ». Oui, mais ça tombe mal M. Biden que ça protège votre fils, le fait que l’on fasse sauter ce bonhomme, n’est-ce pas ? Ça permet à M. Trump de dire : « Je ne fais que me défendre, c’est de la légitime défense ! », quand lui va faire des trucs du même ordre là-bas. C’est vrai.

C’est vrai, ce que faisait M. Hunter Biden, ce n’est pas interdit par la loi. Mais qu’est-ce qu’on va dire ? Qu’est-ce que les gens normaux vont dire ? Qu’est-ce que les gens ordinaires vont dire ? Pourquoi ce n’est pas interdit ? « C’est parce qu’il n’y a pas de justice ! » C’est parce que le système est biaisé en faveur d’un certain type de personnes et que des gens peuvent, comme ça, gagner 45 000 € par mois simplement parce qu’ils ont un nom et qu’ils récoltent, comme ça que le tiroir-caisse fonctionne. Ces 45 000 €, moi qui vous parle, c’est ma rémunération par an pour le travail que je fais. Lui, ça lui tombait comme ça. Moi, j’ai encore de la chance d’arriver, parce que je n’ai pas de retraite – si, j’ai une petite retraite des États-Unis quand même parce que j’ai travaillé là-bas – mais de pouvoir gagner 45 000 € par an. Mais, ce monsieur-là, ça lui tombait dans un tiroir comme ça, simplement parce qu’il s’appelait « Biden », parce qu’il était le fils de son père.

Alors, les gens qui disent qu’il n’y a pas de justice, que le système est biaisé, ça conduit bien sûr, dans ce cas-là, à des trucs du genre « Tous pourris ». C’est là qu’intervient le bouquin de Kepel.

Qu’est-ce qu’il dit Kepel ? Il dit « Quand on a fait le national-socialisme, qu’est-ce qu’on a fait ? On a pris les gens qui étaient nationalistes et on a pris les gens qui étaient socialistes, tous les gens qui n’étaient pas contents parce que ce sont les laissés pour compte, parce que ce sont les gens qui ne sont peut-être pas des SDF mais qui sont juste un cran au-dessus et tous ces gens-là avaient des raisons d’être fâchés, et on en a fait une majorité ». Et ça a fait une majorité, et vous avez vu le genre de dégâts que ça a pu faire.

Qu’est-ce qu’il dit dans le livre ? Vous savez, le livre de Kepel, c’est un livre, je ne sais pas, c’est connu. Ça a dû même se vendre. Ça a dû se vendre bien que ça dise des vérités ! (C’est quand même extraordinaire. On vit dans un monde formidable !)

Qu’est-ce qu’il dit ? Quand on a vu la première génération de jeunes qui avaient 20 ans, de l’immigration, et qui ont pu se présenter aux élections, qu’est-ce qu’il s’est passé ? Ils se sont présentés et qu’est-ce qu’on a vu, dit M. Kepel ? On n’a pas vu ce qu’on attendait. Qu’est-ce qu’on attendait ? On se disait : « Il y a là une élite qui émerge de l’immigration, qui va nous produire une génération de jeunes qui vont s’intégrer dans le système français, qui vont défendre les intérêts de leur communauté, qui vont défendre l’intérêt général, etc. ». Et qu’est-ce qu’on a vu, dit M. Kepel ? (Si vous n’êtes pas d’accord avec ce que je dis, ce n’est pas moi, c’est dans le livre, c’est bien expliqué, c’est convaincant, sinon, je ne vous le répéterais pas !) On a vu apparaître, en surface, pas ceux qu’on espérait. On n’a pas vu ceux qu’on espérait. Je ne vais pas donner de noms, etc. parce qu’il y en a quelques-uns qui ont émergé et ils ne sont pas tous pourris mais il ne s’est pas passé ce qu’on espérait.

Pourquoi ce qui s’est passé n’était pas ce qu’on espérait ? C’est parce qu’on continue à se faire des illusions sur la manière dont ça marche. Vous savez, j’avais lancé l’idée de me présenter aux européennes. J’ai fait l’expérience. J’ai vu ce qu’il se passait. Je n’en avais pas tiré de grandes conclusions, je me suis dit : « Bon, je n’ai pas compris comment ça marchait ». Mais quand je lis le livre de M. Kepel, qui s’appelle donc Passion française, et que je vois que le problème que j’ai rencontré, c’est le même problème que toute une génération de jeunes gens dont les parents venaient du Sénégal, du Bénin, du Maroc, de la Tunisie, de l’Algérie, et qui ne sont pas arrivés à émerger… Comme dit Kepel, la plupart de ces gens de bonne foi ont cru qu’il y aurait davantage. Ils se sont retrouvés avec 2 % de gens qui ont voté pour eux. Ils ne s’attendaient pas à ça. Ils s’attendaient à avoir 30 %. Ils s’attendaient à avoir 40 %. Qu’est-ce qu’ils ont découvert ? Que ce n’est pas eux qui émergent, et c’est ça que j’ai découvert aussi. Ce n’est pas simplement qu’il y a quelques arrivistes qui y arrivent en jouant des coudes à arriver à ces positions. Ce n’est pas ça. Ce n’est pas ça l’accident.

Il n’y a pas d’accident ! C’est que les gens qui devraient émerger, les gens qui pourraient être utiles, les gens qui défendraient l’intérêt général, ils n’ont absolument aucune chance. Ils n’arrivent pas à percer. Ça a été mon cas mais ça a été le cas de toute une génération de jeunes gens qui pensaient : « On va arriver à quelque chose » et quelques-uns sont arrivés à passer. Comme dit Kepel, ce n’est pas ceux qu’on espérait. Ce n’est pas ceux qu’on aurait voulu.

Qu’est-ce que ça a montré ? Ça montrait comment le système fonctionnait. Est-ce que ça veut dire « Tous pourris » ? Non, mais ça veut dire que les gens qui disent : « Il n’y a pas de justice ! », que les gens qui disent, quand on leur dit « Voilà Greta Thunberg, etc. », que les gens répondent spontanément, je le vois même sur mon blog, « Qui est-ce qui la manipule ? ». Il n’y a personne qui manipule cette malheureuse jeune fille qui dit exactement ce qu’elle pense et que je reconnais parce que je dis la même chose. Qui est-ce qui manipule Paul Jorion ? Il n’y a absolument personne qui manipule Paul Jorion mais on n’est pas assez nombreux pour que les gens aient le réflexe de dire : « Peut-être que ces gens ne sont pas manipulés ». En disant « Qui est-ce qui les manipule ? », on fait un calcul qui est un calcul qui est le bon calcul puisque dans 99,99 % des cas, il y a effectivement quelqu’un qui manipule. Alors, on ne peut pas jeter la pierre aux gens qui disent : « Qui est-ce qui la manipule ? ». Non, il faudrait qu’il y ait la place pour que les gens puissent imaginer qu’il y a parfois des gens qui racontent autre chose.

Et là, ce n’est pas tout à fait dans le fil de mon exposé mais mettons ça sur le compte de la grippe. Il y a quelques jours, c’est peut-être d’ailleurs là que j’ai attrapé la grippe [rires] – c’était il y a une semaine à peu près [le 19 septembre] – j’ai fait un exposé qu’on m’avait demandé de faire. Pour la première fois, on m’a demandé de faire un exposé dans une faculté de théologie. C’est la Faculté de Théologie de l’Eglise Orthodoxe en France. J’ai fait un exposé. On m’avait demandé de parler de l’économie. Alors, qu’est-ce que j’ai fait ? Le petit malicieux Paul Jorion, je n’ai parlé pratiquement que de la parabole que l’on appelle Parabole des talents chez Matthieu et qu’on appelle Parabole des mines chez Luc. Que ce soit le talent ou que ce soit la mine, ce sont des monnaies qui circulaient dans la zone d’influence des monnaies grecques. Ce sont des monnaies grecques.

Et, je vous ai déjà parlé de ça. J’en ai parlé sur le blog. J’ai remis tout ça ensemble dans le livre qui s’appelle Défense et illustration du genre humain. Qu’est-ce qui se passe dans cette parabole ? Je vous le rappelle là aussi en deux mots. Jésus-Christ est en route vers Jérusalem. Il suit la prophétie de Zacharie et ça marche, et il se convainc lui-même qu’il est le messie parce que tout se passe selon la prophétie. Sauf que ça ne marchera pas : la prophétie n’aura pas lieu. Il sera arrêté et il sera supplicié et la prophétie de Zacharie n’aura pas lieu.

Et, qu’est-ce qu’elle disait la prophétie ? Le royaume de Dieu va venir sur Terre. La Jérusalem existante va être détruite dans un cataclysme et une nouvelle Jérusalem va descendre du ciel. Et donc, en route, il se trouve à Jéricho. Il est tout près [25,6 km]. Il arrive près de Jérusalem. Il va dormir quelque part et c’est Zachée qui a proposé qu’il aille dormir chez lui. Zachée, c’est qui ? C’est le chef des « publicains ». C’est donc un « fermier général » comme on a dit par la suite. C’est quelqu’un qui récolte l’impôt et qui prend au passage une petite partie des impôts qu’il récolte. Et Zachée, qui est tout petit, est monté dans un arbre et dit à Jésus : « Eh, n’oublie pas que c’est chez moi que tu viens ce soir ! ». (Vous trouverez ça chez Luc, il n’y a pas toutes ces explications-là chez Matthieu). Et Jésus s’adresse à lui et lui raconte la parabole.

Qu’est-ce qu’il dit Jésus ? Parce que Zachée dit : « Eh, moi, je suis un homme bon, vraiment sympa, je donne la moitié de ma fortune aux pauvres et je ne commets jamais d’injustice ». Et Jésus lui raconte l’histoire d’un prince qui part en expédition, qui confie une certaine somme à certains de ses serviteurs, etc. Je ne vous raconte pas toute l’histoire, vous la connaissez. Comment est-ce que Jésus conclut ? Il conclut par la morale de l’histoire et il dit : « À celui qui a, on donnera davantage jusqu’à ce qu’il atteigne même l’abondance, et à celui qui n’a rien, on lui prendra encore le peu qu’il a ». La morale est un commentaire sur ce qu’il vient de dire.

Comme on parle d’avoir mis son argent à la caisse d’épargne, les gens ont dit, après, les commentateurs, y compris des tas de théologiens, ont dit : « Eh bien, Jésus conseille de mettre son argent à la caisse d’épargne puisqu’il y en a qui ont fait fructifier leur argent et il y en a qui ne l’ont pas, et le maître n’est pas content du tout ! ». C’est-à-dire, il y a une lecture complètement… comment dire ? les gens n’ont pas vu ! Personne ne voit la morale que tire Jésus de cette histoire ! [rires]. Il dit « Les riches deviendront de plus en plus riches et les pauvres, on leur prendra encore le peu qu’ils ont ». C’est toujours notre système ! C’est la concentration de la richesse ! Ça existe toujours !

Aristote avait décrit ça 3 siècles auparavant. Aristote était moins pessimiste puisqu’il disait simplement : « Le prix se constitue de telle manière à ce que se reconstitue l’ordre social ». Donc, les riches seront aussi riches qu’avant, après la transaction, et les pauvres aussi pauvres. Donc, ce n’est pas aussi radical. C’est un maintien de l’ordre social où il n’y a aucune chance pour les riches de devenir moins riches et pour les pauvres de devenir davantage riches. Chez Jésus, c’est encore un peu plus fort en disant que non, il y a une concentration même de la richesse qui a lieu au point qu’on va se retrouver d’un côté avec le 1 % (il ne dit pas comme ça Jésus Christ) qui a tout et 99 % qui n’a rien, mais c’est ça qui est dit.

Et ce n’est pas vu, ce n’est pas lu. C’est écrit noir sur blanc et les gens disent : « De quoi ça parle cette histoire ? Ah oui, sans doute de mettre son argent à la caisse d’épargne ». Rappelez-vous : on est a Jéricho. C’est la prophétie de Zacharie : « Le royaume de Dieu va descendre sur Terre demain (ou après-demain) ! ». C’est de ça que toute la foule qui est là, qui suit Jésus, est convaincue ! Et Jésus dirait à ces gens : « N’oubliez pas : c’est bien de mettre son argent à la caisse d’épargne parce que ça rapporte ! » [rires].

Ça rapporte où ? Dans la Jérusalem qui va être détruite demain ? ou dans celle qui va descendre du ciel ? C’est là à ce moment-là qu’il faudra aller placer son argent ? Non : pas dans celle qui va descendre parce que, regardez l’Apocalypse de Jean, qu’est-ce qu’il dit de cette nouvelle Jérusalem ? « Dans cette nouvelle Jérusalem, il n’y aura plus de souffrance ». C’est ça ! Il n’y aura plus de souffrance ! Ce ne sera plus comme avant ! Il y a un monde qui va disparaître et un autre va apparaître et dans celui-ci, il n’y aura pas de souffrance ! On ne parle même pas de justice sociale : s’il n’y a pas de souffrance, il n’y aura pas d’injustice sociale non plus !

Notre système, il marche comme ça. La plupart des gens ont compris et ils sont cyniques en disant : « Greta Thunberg, qui est-ce qui la manipule ? ». On ne va pas leur jeter la pierre. C’est comme ça que ça marche.

Est-ce que ça nous encourage pour la suite ? Est-ce que ça nous dit « Bon, maintenant, on va tout changer ! » Il y a des braves gens… (je ne vais pas dire de noms parce ce que ce que je vais dire n’est pas très très gentil) qui nous disent : « On va tous changer de mentalité demain, par la méditation, par la psychanalyse… » La psychanalyse, je sais que ça prend un certain temps et qu’on ne peut pas le faire avec tout le monde parce qu’il n’y a pas assez de gens pour le faire. « On va tous changer et, demain, on sera tous généreux et tout va bien marcher ». Là, on ne rend pas service aux gens.

Nous sommes toujours prêts à faire une chose et c’est à faire la guerre. Quand je dis que le problème ce n’est pas celui de M. Boris Johnson, c’est qu’on ait fait voter des gens pour quelque chose qui est impossible et, comme c’est impossible, ça n’aura pas lieu. Il n’y a personne qui répète ça. Je suis le seul à dire ça. Tous les autres disent « Je suis pour Johnson » ou « Je suis contre Johnson » parce que ceci ou ça… Il n’y a pas de place pour les sociologues, pour les anthropologues, pour les gens qui analysent comment ça marche vraiment, comme je viens de vous le dire. Pourquoi ? Probablement pour la même raison pour laquelle on n’écoutait pas Jésus-Christ. C’est parce que le message qui est transmis est inassimilable. Les gens vont continuer à vous dire, comme à la une des journaux, de certains journaux britanniques de droite ce matin, « Pourtant, il y avait 52 % des gens qui ont voté pour et la Cour de Justice a quand même dit que Johnson avait fait un abus de pouvoir ! ». Quel est le rapport entre les 52 % et ce qu’a dit la Cour de Justice ? Il n’y en a aucun mais ces journaux-ci vous mettent la photo des juges en disant : « Ennemis du peuple ! ». Les gens ne savent pas raisonner en termes d’impossibilité, de nécessité comme pour la crise des subprimes : « Ça va nécessairement se passer ! » ou bien « C’est impossible ! ». On ne peut pas détricoter l’Union européenne. On ne peut pas revenir sur la guerre civile en Irlande et faire comme si on pouvait résoudre le problème autrement qu’on ne l’a fait. Il y a des trucs comme la nécessité et l’impossibilité. Qui est-ce qui nous a parlé de ça ? Le Tao, le devenir chez Hegel. Il y a un certain nombre de gens qui vous parlent de ça mais sans que l’on ne puisse en tirer de grandes conclusions sur ce qu’il faut faire véritablement.

Je termine un petit texte, vous allez voir, où je dis quelque chose que je ne crois pas qu’on ait déjà dit avant, que la notion d’amour dans notre culture et celle de Tao dans la culture orientale ont joué le même rôle. Je vous expliquerai ça dans ce petit texte que vous verrez un jour prochain.

Est-ce qu’on va dire : « Est-ce que Jorion a vendu la mèche ? ». Je crois qu’on peut dire que oui. Est-ce qu’on va dire : « Oui, mais c’est parce qu’il était déprimé, parce qu’il avait la grippe et qu’en fait, il n’était pas dans son état normal », on le dira peut-être. Je le dirai peut-être moi-même si j’ai vraiment des remords d’avoir dit ce que j’ai dit. À première vue, pas. Je crois qu’il vaut mieux la lucidité. Quand on me pose la question rituellement : « Oui, mais est-ce que vous êtes un optimiste ou un pessimiste ? », je l’ai encore fait à Louvain-la-Neuve quand on m’a posé la question, j’ai dit : « Pour moi, c’est une question de lucidité et de voir les choses comme elles sont ! ». Ça demande un certain effort. En général, ça paraît plus pessimiste si vous voulez parce que ça montre, comme je viens de le faire, qu’il y a 2.000 ans qu’on connaît le problème et qu’on n’a pas manifesté la moindre intention de le résoudre un jour.

Voilà, ma conclusion, elle est lucide. Elle apparaîtra comme pessimiste. Elle est peut-être les deux. Allez, à bientôt !

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  1. Mes yeux étaient las, bien plus que là, juste après l’apostrophe : la catastrophe.

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